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Pierre BODEREAU
LA CAP SA AĂSCIE.A.NE
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LA CAPSA ANCIENNE
LA GAFSA MODERNE
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Pierre BODEREAU
Docteur d'université de la Faculté des Lettres de Paris
LA CAPSA ANCIENNE
LA GAFSA MODERNE
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PARIS
Augustin CHALLAMEL, ĂoiTEra:-/' *" - "^-
Rue JACOB, 17 :-' r/^^\ :\
LIBRAIRIE COLONIALE
1907
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AVANT-PROPOS
Nous nous sommes efforcé, dans celte thÚse : la Capsa
ancienne la Gafsa moderne^ d'Ă©tablir dans quelles con-
ditions géographiques s'est développée cette oasis et
quelles influences ont déterminé les habitudes séculaires
de ses habitants.
Le sujet nous a semblé intéressant et nouveau, car, si
les documents sur l'oasis et la région de Gafsa sont nom-
breux, ils sont Ă©pars dans des publications diverses : il
n'existe pas de monographie complĂšte du pays. L'oasis
de Gafsa et les plaines voisines nous ont paru former, au
nord du Djerid proprement dit, une région géographique
bien dĂ©terminĂ©e oĂč se trouvent rĂ©unis tous les Ă©lĂ©ments
qui concourent Ă la vie Ă©conomique d'un canton de l'A-
frique du Nord. En outre, la prospérité du pays sous la
domination romaine, sa décadence sous la domination
arabe et turque, son relĂšvement sous le rĂšgne de la paix
française, nous ont permis de constater et d'exposer
Pinfluence qu'ont eue sur son Ă©tat Ă©conomique l'industrie
ou l'incurie des hommes, l'utilisation intelligente ou l'in-
souciance des ressources naturelles offertes Ă la vie par le
sol et le climat gafsiens.
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6 AVANT PUOPOS.
Nous avons ajouté, en appendice, à cette étude géogra-
phique et Ă©conomique les notes que nous avons pu re-
cueillir sur l'ethnographie et l'histoire politique et mi-
litaire de Gafsa et de ses environs et qui forment le
complément de notre travail.
Nous avons eu principalement recours, pour les parties
archéologiques et historiques de cette thÚse, au texte de
Salluste (la guerre de Jugurtha), au Corpus inscriplionum
(t. VIII), Ă Tceuvre fondamentale de Tissot et aux ouvrages
et articles de MM. GagnĂąt et Saladin, Toutain, Diehl, du
Paty de Clam, Carton, etc. Nous avons extrait des histo-
riens et gĂ©ographes arabes tout ce qui se rapportait Ă
Gafsa. Nous nous sommes Ă©galement servi des ouvrages
géographiques et économiques généraux de Vivien de
Saint-Martin, de J. Bruhnes, des articles de MM. du Paty
de Clam, Sweinfurt, Minangoin, des récits de voyage de
MM. Baraban, Blanc, Claretie, des substantiels rapports
de M. Paul Bourde sur TĂ©levage du mouton et la culture
de Tolivier, des notes météorologiques de M. Ginestous,
de \ Indicateur tunisien. Nous avons en outre mis Ă con-
tribution les documents officiels publiés par la Régence
de Tunis et les documents inĂ©dits mis libĂ©ralement Ă
notre disposition par M. Charles Brice, ministre plénipo-
tentiaire, ancien chef des services tunisiens au ministĂšre
des Affaires Ă©trangĂšres, et par M. de Pages de la Tour,
ingénieur en chef des ponts et chaussées, directeur géné-
ral des travaux publics de la RĂ©gence, auxquels nous
adressons tous nos remerciements pour leur gracieux ac-
cueil et leurs avis éclairés. Enfin nous avons consulté
fréquemment le Manuel de l'agriculteur algérien de Ri-
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AVANT-PROPOS. 7
viĂšro et Lecq pour contrĂŽler et appuyer nos renseigne-
ments personnels, et nous avons illustré notre texte de
photographies du pays.
Nous tenons Ă exprimer ici toute notre reconnaissance
à M. Marcel Dubois, professeur de géographie coloniale
à la Sorbonne, qui n'a cessé de nous aider de ses encoura-
gements les plus bienveillants et de ses précieux conseils,
et c'est pour nous un devoir particuliÚrement agréable
d'associer Ă cet hommage d'affectueux respect notre an-
cien maßtre, M. Lucien Lanier, inspecteur de l'Académie
de Paris, dont les leçons nous ont donné, dÚs le lycée,
le goût de la géographie.
Nous serons heureux si ce travail peut ĂȘtre utile Ă
quelques chercheurs et Ă quelques colons et contribuer Ă
leur faire connaĂźtre et aimer Gafsa et le sud de la Tunisie.
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La Capsa ancienne
La Gafsa moderne
INTRODUCTION
C*est par la route de Sfax qu'il faut arriver Ă Gafsa. La piste
suit les derniers contreforts du dj. Orbata : Ă gauche, la mon-
tagne, ravinée et sÚche; çà et là quelques broussailles, quel-
ques touffes de driss ou d alfa ; depuis TOgla Mohammed jusqu'Ă
TAiounet Melah, pas d'eau, mĂȘme stagnante, pas un betoum
isolé ; depuis les misérables gourbis de Mzara Sidi bou Schmeld,
pas un campement. A droite la dune de sable, le bled. Paysage
désolé sous un soleil brûlant, sous une lumiÚre crue qui noir-
cit les ombres et tue les demi-teintes, qui fait les contours
tranchants et l'horizon trop net.
Aux environs de l'AĂŻounet Melah, la montagne devient plus
abrupte, la piste abandonne la voie ferrée qui s'engage dans
un ravin. Puis soudain, une corbeille de verdure apparaĂźt :
Gafsa; contraste saisissant. Ce n'est pas un mirage : Teau
coule au milieu du lit de l'oued, parmi des lauriers roses, des
femmes y battent le liage la gandoura troussée, un troupeau
de chameaux descend y boire, la forĂȘt de palmiers s'Ă©tend au
loin. Comment ce jardin peut-il exister dans le désert?
PrÚs des murs de la ville, un camp, des soldats; à l'intérieur
LA CAFS\ ANCIENNE. 2
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10 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
dominant les terrasses des maisons, plusieurs mosquées ancien-
nes, la masse vénérable de la Kasbah, un arc de triomphe
romain; témoins de la séculaire importance de Toasis dont To-
rigine se perd dans la légende, bien avant Texpédition fameuse
de Harius et l'occupation romaine.
Regardez la carte d'Ă©tat-major : vous la verrez couverte,
aux environs de Gafsa, d'indications de ruines, d' « henchirs » :
fermes, barrages, aqueducs, thermes et mausolées ; les indi-
gĂšnes vous conduiront les visiter. Consultez l'histoire et la
lĂ©gende : au dĂ©but du moyen Ăąge, une immense forĂȘt couvrait
la terre d'Afrique, « de Tripoli à Tanger » : Gafsa était au car-
refour de ses routes les plus fréquentées.
Comment le bled a-t-il pu se peupler et se dépeupler ainsi,
sembler un pays neuf quand il est un vieux pays? Comment
Gafsa fut-elle créée, comment parvint-elle à se développer dans
cette province aujourd'hui désolée? Quelles sont les causes
géographiques et historiques, naturelles et humaines, de sa
prospérité, de sa décadence successives?
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CHAPITRE PREMIER
aĂOaRAPHIE PHTSiaUE
L'oasis tunisienne de Gafsa est située par 7"* 17, de longitude
orientale et 38^ 2ky de latitude septentrionale, Ă 120 kilomĂštres
du golfe de GabĂšs et 40 kilomĂštres du chott El-Djerid, au milieu
des arĂȘtes montagneuses et des hautes plaines qui prolongent
vers Test le massif de TAurĂšs.
Les couches sédimentaires qui composent le sol de cette
région ne sont pas trÚs anciennes : nulle part on ne rencontre
de terrains antérieurs à la fin de la période secondaire; Tétage
jurassique est inconnu ; la série crétacée commence par les
termes moyens et ceux-ci ne sont pas reliés entre eux par des
passages insensibles; ils reposent souvent en discordance les
uns sur les autres ; leur succession présente des lacunes. Ces
caractÚres et la composition gréseuse de nombreuses couches
secondaires du sud, déterminent nettement la formation géolo-
gique particuliÚre de la Tunisie méridionale : ils indiquent
tantĂŽt le voisinage d'une cĂŽte, tantĂŽt des mers peu profondes,
tandis que la continuité des dépÎts dans le nord et leur carac-
tĂšre vaseux attestent un plus grand Ă©loignement des cĂŽtes et
des mers dont le fond s'affaissait au fur et Ă mesure que les
sédiments se déposaient ^
D'une façon générale, les terrains crétacés du sud couvrent
les parties montagneuses de la rĂ©gion : ils revĂȘtent des massifs
jurassiques, forment des dÎmes à plusieurs auréoles concentri-
1. E. Haug, R. g. Se, 1896, p. laiO.
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12 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
ques, des chaĂźnons anticlinaux qui ne laissent affleurer que
sur de faibles surfaces les couches inférieures ou sont couverts
d'une couche tertiaire : ainsi le dĂŽme senonien du dj. M'sila,
au nord de Tamerza, le dj. Jeilabia et le dj. Rosfa sont en
grande partie revĂȘtus d'une enveloppe tertiaire de TĂ©tagc
suessonien.
La valeur de ces différents terrains est faible ; les couches
inférieures gréseuses et gypseuses sont sÚches; les calcaires,
sont arides : il n'y a pas une source, entre TAĂŻn Guettar et la
haute vallée alluvionnaire de Toued Kebir, sur 50 kilomÚtres
de pentes crétacées exposées pourtant aux pluies du nord-est
et profondément ravinées.
Au pied de ces chaßnes secondaires l'érosion a accumulé
des couches tertiaires : argile, marnes, calcaires Ă lumachel-
les, calcaires coquillers, gypses et poudinques d'aspect nette-
ment iagunaire. Les couches de TĂ©ocĂšne moyen sont Ă la base
mĂȘme dos soulĂšvements secondaires et forment deux longues
bandes au nord et au sud de la chaĂźne du Seldja, de Tamerza
au dj. Stah; ils affleurent Ă©galement au voisinage du Bir
M'raboth, du dj. Jeilabia, et d'AĂŻn MoularĂšs.
Des couches plus récentes de pliocÚne lacustre occupent la
haute plaine du Seldja, les pentes du dj. Atra et du dj. Jeila-
bia, la partie élevée du bled Tarfaoui. Ils devaient former
autrefois tout le fond des bleds et des cuvettes synclinales
laissées entre les plissements crétacés, couverts aujourd'hui
par des dépÎts quaternaires supérieurs*.
Des phosphates sédimentaires se trouvent à un niveau par-
faitement déterminé dans ces terrains d'alluvions tertiaires;
sur les marnes gypseuses brunes du terme suessonien, Ă l'af-
fleurement des terrains éocÚnes et séparés en plusieurs cou-
ches par des marnes et des calcaires à lumacbelles, couronnés
de bancs de calcaire coquillier et de gypse. Ils se rencontrent
1. E. lUr»:, H. C. X., lĂź^!)G. p. K^VJ ots(|. â Les travaux publics de la rĂ©gence
de Tunis, 111, p. 87 t't sq. â RiviĂšre ot Lecq, Manuel de l'agriculteur algĂ©rien^
p. 55. â AucEKT, Carte gĂ©ologique de la Tunisif\
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CĂOGKAPHIE PHYSIQUE. i:i
en tables puissantes, horizontales ou inclinées, tout autour
delĂ plaine duSeldja, sur les flancs des dj. Redeyeff, Seldja,
HetlaouĂź, Stah et Trel, Ă AĂŻn HoularĂšs; aux dj. Bellil Tabaga et
Bou Dinar, leur trace est encore trĂšs visible, ainsi qu'aux dj.
Jellabia, Sehib et Rosfa, sur le flanc nord du dj. Berda, dans
la chaĂźne mĂ©ridionale du Cherb et les dj. Heheri et Zebbeus, Ă
mi-chemin entre Gafsa et Sfax.
Les phosphates du Seldja se présentent sous Taspect d'une
roche gréseuse, souvent friable, riche en fossiles et dont la
couleur varie du gris au brun verdĂątre, ou sous la forme de
gros nodules perdus dans les couches de marne. Les dépÎts
de phosphates seraient dus Ă Taccumulation de dĂ©bris d'ĂȘtres
organisés et de carapaces d'algues inférieures du groupe des
Diatomées. « Sur remplacement de le chaßne actuelle, écrit
M. L. PervinquiĂšre, existait une lagune trĂšs peu profonde, qui
pouvait mĂȘme s'assĂ©cher entiĂšrement, ce qui donnait nais-
sance aux petits lits de sel et de gjpse qu'on observe. Dans
cette lagune oĂč pullulaient les DiatomĂ©es la vie animale n'Ă©tait
pas moins exubérante. Tous ces animaux dont nous ne con-
naissons qu'un trÚs petit nombre, par les débris qui en ont
subsisté sous forme de dents de poissons ou de vertÚbres de
reptiles, contenaient une certaine proportion de phosphate de
chaux, aussi bien dans leurs tissus mous que dans leurs os.
AprÚs leur mort, ce phosphate était mis en liberté, entrait
en solution grùce à la présence de carbonate d'ammoniaque
provenant delà décomposition des tissus, puis était précipité
de nouveau par attraction autour d'un grain de calcaire ou
d'une particule de matiĂšre organique, peut-ĂȘtre de ces algues
microscopiques dont nous constatons l'abondance*. » On au-
rait donc là une sorte de « boue de Diatomées » , un « véri-
table tripoli phosphatisé ^ ». Leur teneur en phosphate triba-
sique de chaux oscille entre 50 et 65 %. En 1896, M. Haug
Ă©valuait Ă 5.000.000 de tonnes d'une teneur supĂ©rieure Ă
1. L. PervinquiÚre, La Tunisie au début du A'.V* siÚcle, p. 5<>.j7.
2. /d., p. 57.
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i4 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
52 % la valeur des seuls gisements situés au sud de la chaßne
du Seldja, Ă 30.000.000 de tonnes la valeur totale des gise-
ments du Seldja (sans les gisements d'Ain HoularĂšs).
A la fin de 1905, la compagnie de Gafsa avait déjà extrait
plus de 2.120.000 tonnes d*une teneur moyenne de 60 % des
tables de Lousif et de Metlaoui; elle Ă©valuait Ă 12.000.000 de
tonnes d une teneur de 63,68 (6j^,5 %) les gisements du Re-
deyeff, et Ă 18.000.000 de tonnes ceux d'Ain HoularĂšs K
Les terrains tertiaires du sud de la Tunisie, indépendam-
ment mĂȘme de la valeur industrielle des phosphates, ont beau-
coup plus de prix que les terrains secondaires : une longue
ligne de sources, de redirs et d'oglats suit la ligne d'affleure-
ment des calcaires avec les marnes suessoniennes, imper-
méables et phosphatées : sources de Tamerza, Ras el-Aloun,
Ain el-Berka, Ain Tfel, Ain MoularĂšs, Ain Amda, AĂŻn Zimra,
Aïn Mtahalga, Ain Jellabia ; et les maigres cultures de céréales
des indigĂšnes coĂŻncident avec les couches suessoniennes dans
la haute plaine du Seldja et au seuil de Bir Marbot^.
Dans le fond de la plupart des vallées et des hautes plaines
entourées parles chaßnes secondaires, des dépÎts quaternaires
se sont formés et recouvrent souvent les couches lagunaires
de Tépoque tertiaire : ainsi dans toute la vallée de Foued Oum
el-Ksob, le fond du bled Tarfaoui, le bled Segui, et les ter-
rasses qui descendent du Seldja au chott El-Rharsa. Ces dépÎts
quaternaires se retrouvent dans tout le sud de la Tunisie; ils
comprennent toujours plusieurs couches ^. A Touest de Gafsa,
la colline connue sous le nom de poste n^ 1 est formée d*un
travertin jaune pùle, criblé de loges et d'alvéoles, riche en
coquilles, et parsemé de graviers, reposant sur un poudingue
1. Rapports de la O* des Phosphates et du chemin de fer de Gafsa, 1906. L. Per-
viNQuiĂRE, La Tunisie au XX* siĂšcle, p. 54 et sq. E. Haug, op. cil. Les Travaux
publics, op. cit. â Ph. Thomas, Notes sur la dĂ©couverte de Ph.de Ca, dans le sud
de la Tunisie, C. R. Ac. Se, 7 septembre 1885, p. 1184, 1187; irf., 9 mai 1887,
p. 1121, 112^4. Du Paty de Clam, Bull, géogr. comm., 1896, p. 120.
2. Carte d'Ă©tat-majory Gafsa, El-AyaĂŻcha.
3. Albert, Carte géologique.
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 15
grossier dont les parties sont mal agrégées : cette formation
elle-mĂȘme a pour base une forte assise de poudingue quartzeux
Ă grain fin et trĂšs dur, de mĂȘme nature que les poudingues du
seuil de GabĂšs. Sous Faction de TĂ©rosion, ces trois couches ont
été presque partout arrachées ou couvertes de débris allu-
Yionnaires, ne laissant paraĂźtre Ă la surface, outre le poste
n"" i , que quelques mamelons dispersés dans le pays. La colline,
dite poste n^ 3, sur la rive gauche de Toued Baïach, présente
la mĂȘme formation, mais une couche de lĆhm argileux est
Posh
â _i__iVj^_L_i_±_
âą^-Ă<f^^^Sr^^Ăź* ^
Gafsa
Poste I.
A. Poudingue quartzeux fin G. Travertin
B. Poudingue quartzeux grossier D. LĆhm fin (alluvions rĂ©centes)
intercalée entre le poudingue quartzeux et le poudingue supé-
rieur^ ; de mĂȘme, la berge de Toued BaĂŻach, Ă 2 kilomĂštres
au nord de Sidi Hansour, est formée par trois couches de
graviers, d^une hauteur apparente de 6 Ă 10 mĂštres, sur-
montées d*une couche d'argile compacte de 2 mÚtres, et d'un
dépÎt d'alluvions ^. Au pied du djebel Salah, entre la mon-
tagne et Sidi Hansour, le terrain est profondément raviné; la
couche argileuse apparaĂźt Ă nu, sous la forme de buttes
isolées 3. Le sol quaternaire des plaines du Sud tunisien semble
donc généralement constitué de poudingues quartzeux, plus
ou moins bien agglomérés, et surmontés d'une épaisse couche
d'argile qui tantĂŽt parait Ă la surface, tantĂŽt est recouverte
de calcaires légers ou d'alluvions récentes.
1. CoLLiGNON, Les Ăąges de la pietr-e en Tunisie, p. 8.
2. CouiLLAULT, VAnthr., 1894, p. 531.
3. COLLIONON, loC, cil.
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16 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Dans les thalwegs, les bas-fonds, les vallonnements, ces
alluvions occupent une place prĂ©pondĂ©rante : sol lĂ©ger oĂč
domine le sable, mĂȘlĂ© d'une forte proportion de chaux, sou-
vent teinté de rouge par Toxyde de fer; sols maigres, renfer-
mant beaucoup de potasse mais peu d'humus, d'azote et d'acide
pbosphorique *.
La formation de ces terrains quaternaires semble s'expliquer
par des phénomÚnes de sédimentation lacustre, par le ruissel-
lement des pluies et de l'eau courante ^, comme la formation
de la plaine saharienne et de la dépression des chotts dont les
fossiles, coquilles d'HĂ©lix, de Melania, de Melanopsis, de Car-
dium mĂȘme, appartiennent tous Ă des espĂšces terrestres d'eau
douce ou saumĂ tre ^ .
Aujourd'hui encore le bled se transforme : les orages arra-
chent aux roches de la montagne les pierres et les sables que
charrient les oueds débordés : en 1859, l'oued Balach en
couvrit 50 hectares de l'oasis de Gafsa *. Le sol, piétiné par les
troupeaux, devient meuble, le vent chasse le sable, le heurte
aux broussailles, aux cultures qui font obstacle, l'entasse au
pied de chaque touffe de driss et de retem ; les palmeraies mal
défendues d'El-Guettar et d'El-Hamma sont envahies, celle de
Gafsa est menacée; des sources sont aveuglées ^; les bords des
garaats Ed-Douza et El-Oglat et de la Sebka d'El-Guettar sont
incertains, mouvants. Dans le bled El-Hamra, dans le bled
Souenia, dans le bled Cheria mĂȘme, de vĂ©ritables dunes se
forment ; de chaque cÎté de la piste de Metlaoui à Tozeur, le sol
est plissé de petites vagues de sable. Ailleurs au contraire,
dans la vallée plus abritée de loued Oum el-Ksob, le sol ferme
est nivelé sur de grandes étendues, comme par des cultures
séculaires Ÿ.
1. P. Bourde, La culture de l'Olivier, p. 15.
2. Ceoisv et Rolland, Xote sur la mission dirigée au sud de V Algérie , p. STK).
3. L. PervinquiĂšre, loc, citato, p. 65.
4. Baraban, a travers la Tunisie, p. 1 11.
5. Id,, p. 56et sq.
6. P. Bourde, op. cit.
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 17
Les dĂ©pressions boueuses et salines paraissent ĂȘtre les restes
des lagunes tertiaires et quaternaires et former lentement de
nouvelles couches sédimentaires analogues sans doute à celles
des époques antérieures.
La valeur des terrains quaternaires est trĂšs variable : Taf-
fleurement de la couche argileuse fait sourdre des sources
nombreuses : TAĂŻn Oum el-Ksob, les sources du bled Tarfaoui,
les sources souterraines d'El-Guettar; il forme des redirs, des
oglats, entourés de quelques arbustes et de betoums isolés;
des puits sont creusés jusqu'à son niveau.
Les alluvions supérieures cooservent bien Teau, peuvent
supporter la végétation épineuse arborescente, et dans cer-
taines régions relativement bien arrosées au voisinage de la
garaat de Sidi Alcb, de Bir Harbot, de Ras el-Aloun, les indi-
gÚnes cultivent quelques céréales; prÚs de Toued Goulla vivent
quelque oliviers; çà et là dans les thalwegs, poussent des
lauriers roses. Mais le long de l'oued Melah et de Toued Tar-
faoui, dans les bleds les plus pauvres, le sable ne porte que des
tamarins, des touffes de retem, de driss et d'alfa K
La forme du relief, dans le sud de la Tunisie, paraĂźt assez
compliquée au premier examen de la carte : la chaßne algé-
rienne de TAtlas méridional tourne vers le nord-est avant d'ar-
river Ă la frontiĂšre tunisienne et passe au nord-ouest de FĂ©-
riana, Ă 100 kilomĂštres de Gafsa; elle ne se prolonge vers Test
que par des plissements irréguliers bien différents du massif
compact de l'AurÚs et sensiblement moins élevés : le dj. Bou
Djelal et le dj. Faoua, Ă l'ouest de Feriana, ont encore 1.440 et
et 1.498 mĂštres, tandis que les chaĂźnes gafsiennes ont une alti-
tude moyenne de 600 Ă 800 mĂštres; les points culminants, le
dj. Bou Ramli et le dj. Orbata, n'y dépassent pas 1.200 mÚtres
(1.200 et 1.170 m.).
1. Infra, p. 33 et sq.
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i8 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Cependant un aspect général assez net se dégage de Ten-
chevétrement des chaßnes, des dÎmes, des gorges profondes
et des vallonnements : le pays est formé d'une série de hautes
plaines, cerclées de montagoes, communiquant entre elles par
des gorges profondes, et descendant progressivement, en mar-
ches successives, de FĂ©riana Ă Gafsa et au chott Rharsa; Cha-
cune forme un bled, « un pays ».
La haute plaine de Toued Oum el-Ksob commence au pied
du plateau de Msila (893) et de FĂ©riana (801 m.), descend en
pente douce jusqu'au dj. Nadour (752 m.) qui la sépare en
deux cantons de grandeur égale, et conduit au lit desséché
de Toued Oum el-Ksob, les thalwegs arides de ses affluents.
Elle a 720 mĂštres encore Ă THenchir Saf, ^52 mĂštres seule-
ment au Bir MekkidĂšs. Au sud-ouest, sur la rive droite de
Foued Oum el-Ksob, elle se heurte Ă la longue et haute mu-
raille des dj. Serraguia, Jellabia (i .000 m.) et Gafsa (885 m.) qui
roulent leurs torrents jusqu'Ă Toued et forment une double
terrasse au voisinage de TAĂŻn Guettar; elle s'enfonce par la
vallée de loued Lesfer jusqu'au dj. Bou Ramli. Au nord-est,
elle s'arrĂȘte Ă l'oued FĂ©riana et au dj. Sidi AĂŻch (1.089 m.) : au
delĂ commencent d'autres plateaux.
L'oued Sidi AĂŻch marque la limite orientale de la plaine de
rOum Ksob. Sur sa rive gauche commencent la garaat Sidi
AĂŻch, puis le bled Souenia qui s'enfonce aux creux du dj.
Souenia (680 m.), du dj. Hajorah, et communique par des rou-
tes faciles avec les plaines semblables du nord et de l'ouest.
Au sud du bled Souenia, séparé de lui par d'épaisses dunes
de sable, s'Ă©tend le bled El-Hamra jusqu'au dj. Goussah, et
aux dj. Biadah et Orbata (1.170 m.), i)eaucoup plus élevés et
plus Ă pic que les chaĂźnes plus septentrionales.
Cette haute muraille de TOrbata et du Biadah prolongée,
au sud du bled Haknassy, vers l'est, par le dj. Bou Bellel et le
dj. Bou Hedma, marque la limite septentrionale d'un inextri-
cable chaos de montagnes et de roches, de collines pierreuses,
sillonnĂ©es d*Ă©rosions profondes, de prĂ©cipices abrupts, oĂč s'en-
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 19
gorgent les vallées encaissées qui descendent vers le long cou-
loir du bled Thala et la Sebkba en-Nouall : ravins de Sakket
et de Sened, presque inabordables, mĂȘme pour les piĂ©tons ^
sentiers de Mech, de Bon Hedma, d'El-Hafay, d'EUAyalcha, de
Bou Amrane. Le dj. £1-Ayaïcba, composé de plusieurs murail-
les parallÚles séparées les unes des autres par des crevasses
trÚs profondes^, est la limite méridionale de ce massif tour-
menté, pays des embuscades et des surprises, et domine de
toute sa hauteur la grande et basse plaine de Segui (79 m.)
qui s'Ă©tend jusqu'au Cherb et sert de route naturelle entre
Gafsa et GabĂšs. En effet par le seuil de Bir Harbot, entre
le dj. Ayaïcha et le dj. Berda, le chemin gagne la dépres-
sion occupée par le bled Atra et la Sebkha d'El-Guettar,
au pied de l'Orbata, et la vallĂ©e de Toued BaĂŻach oĂč s'Ă©lĂšve
Gafea.
C'est par l'étroite vallée de l'oued Baïach, formée de l'oued
Sidi Aich et de l'oued Oum el-Ksob et creusée à travers le cal-
caire de la chaĂźne secondaire, que la haute plaine de l'Oum e1-
Ksob, dont nous parlions tout Ă l'heure, communique avec le
pays situé au sud de Gafsa. La descente est rapide : entre le Bir
MekkidĂšs (khi m.) au nord, et le bled Cheria (20i m.) au
sud, la différence d'altitude est de UO mÚtres, le niveau de
l'oued BaĂŻach baisse de 175 mĂštres (370 m. Ă 174^) en 25 kilo-
mĂštres. La plaine quaternaire et sablonneuse de Cheria est Ă
peu prÚs exactement limitée par les lits de Foued Baïach et de
l'oued Helah et parla garaat El-Oglat; au delĂ de ces thalwegs
commencent les premiĂšres terrasses, tertiaires et secondaires,
du dj. Rosfa, du Jellabia (i^lO) et du dj. Tfel (800) ' .
Par un passage assez Ă©troit, connu sous le nom de Gourbata
(137 m.), le lit de l'oued Baïach et de l'oued Helah réunis s'en-
gage dans le bled Tarfaoui, vaste plaine qui descend jusqu'au
1. Privé, BulL arch, corn, tr, HitL et Se, 18^, p. 110.
2. Privé, loc, cit., p. ^.
3. Bahirt Meguessen, Chebket, Oued Djcmel, Bled Amil Es-Stab, Ilcnchir
Tfel.
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20 LA GAFSA ANCIENxNE ET MODERNE.
chott (17 m.) en terrasses successives * : le bled Tarfaoui reçoit
les eaux trop rares de la longue chaĂźne du dj. Seldja (790 m.).
Formé, comme les autres plaines, de dépÎts lacustres et d'allu-
vions torrentielles, il semble lancien fond du chott El-Rharsa
envahi peu Ă peu par le sable. Il faut sans doute attribuer Ă
cette cause et au travail postérieur de Térosion l'aspect carac-
téristique de fond de mer, et le faciÚs particulier de la chaßne
du Metlaoui et du Seldja qui semble la falaise abandonnée d'un
golfe disparu.
Au nord de cette chaĂźne du dj. Zimra (700 m.), du dj. Seldja
et du dj. Stah (600 m.), s*Ă©tend la large plaine tertiaire de
Toued Seldja (500 m.), riche en phosphates, et la dépression
de la garaat Ed-Douza. Fermée au nord par le dÎme strié et
Ă©tage du dj. Bou Ramli (1.200 m.), par le massif chaotique du
dj. Bellil et du Bou Dinar (800 m.), mĂȘlĂ© de hautes plaines
et d'étroites vallées, cette plaine est dominée à l'ouest par le
dj. Mrata (1.006 m.) et le haut plateau algérien de Nemencha
(600 Ă 800 m.) qui va rejoindre TAurĂšs. Elle communique avec
les plaines voisines et Gafsa par des sentiers de montagnes
incommodes et par la gorge du Seldja taillée à pic dans le
roc sur une longueur de 8 kilomĂštres.
La ville de Gafsa est bĂątie au sud et au pied mĂȘme de dj.
Ben YounĂšs (915 m.) et de son contrefort le dj. Assalah
(600 m.), sur un petit plateau de la rive droite de Toued
Baïach (315 m.) abrité par ces hautes montagnes.
« La pointe mĂ©ridionale du dj. Assalah, â Ă©crit M. du Paty
de Clam, qui a donné des environs de la ville une description
trĂšs exacte, â s'avance jusqu'Ă moins de 2 kilomĂštres de Gafsa
et ses pentes sud-ouest, excessivement ravinées, arrivent jus-
qu'au camp... Entre les dj. Ben YounĂšs et Assalah s'ouvre
une gorge de 1 kilomĂštre de large dans laquelle passe la
route de FĂ©riana...Surla rive gauche de l'oued BaĂŻach s'Ă©lĂšve
1. Chebket el-Amara, Chcbkel cl-Khcntas, Chobkol ol-IIanok (1(30 m.), Blod
cl-Ouatia, Oouifla (79 ni.).
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 21
une succession de petites collines couronnées d'éminences,
courant de Touest Ă Test au milieu de la plaine et venant
mourir au pied du djebel Orbata, dont elles ne sont séparées
que par le ravin profond de l'oued Tazfa. » Cette position sur
loued Baïach en travers d'un étroit défilé, au carrefour des
grandes routes de l'Oum el-Ksob vers Fériana et l'Algérie, d'El-
Guettar vers GabĂšs, de Gourbaba vers Tamerza et le Djerid,
de SĂźdi AĂŻch vers le nord, est le centre et la clef du sud de
la Tunisie.
Les chaßnes gafsiennes, moins élevées que les massifs algé-
riens et tunisiens du nord, ont cependant une altitude trĂšs
supérieure à celle des plateaux du centre de la Tunisie : nulle
part l'altitude ne dépasse 730 m. (dj. Khechem Artsouma),
dans tout le pays situé entre la haute muraille du dj. Serra-
guia (1.000 m.), Orbata (1.170 m.) et Biadah, au sud, le littoral
Ă l'est, et la ligne des chaĂźnes et hauts plateaux de l'Atlas
tunisien au nord-ouest (dj. Nouba, 1.269 m., dj. Sbeitla, dj.
Hsilah, 1.374 m., dj. Ousselet, 1.000 m.). Dans ce grand trian-
gle dont la cĂŽte est la base et Gafsa presque le sommet, le
vent du nord-est, le vent de la mer, souffle sans obstacle,
attiré par la zone de pressions basses située au-dessus des
chotts et du désert.
Ce vent du nord-est est le vent dominant pendant toute
Tannée : 30^ en hiver, 26^ au printemps, 31,3^ en été,
3ĂŻ% en automne.
Les vents secondaires ne sont que ses déviations : vent du
nord (17,2 %, 21 %, 16,6^, lt,8^), vent du nord-ouest
(U, 17 %, 16,8 %, 34,2 %, 16,1^), qui vient de la mer par
l'Algérie et le couloir de l'oued Oum el-Ksob et dont la vi-
tesse atteint 30 mĂštres en hiver.
Les vents de la terre sont beaucoup moins constants : 36 %
en hiver, 31 ^ au printemps, 12^ seulement en Ă©tĂ© oĂč la
pression atmosphérique est minima dans le désert, 33 % en
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22 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
automne. Le vent du sud-ouest qui s'engouffre dans le bled
Tarfaoui et le bled Cheria est le plus fréquent; le vent du
sud-est le plus violent*.
Les masses d air apportées par les vents de mer et char-
gées de la vapeur d'eau méditerranéenne se heurtent à la
muraille des chaĂźnes gafsiennes : elles s'Ă©lĂšvent, se refroi-
dissent, en hiver, Ă mesure qu'elles montent, et se condensent.
Mais « en été la température est trop élevée pour que les
conditions favorables à la condensation soient réalisées. Alors
mĂȘme que l'Ă©vaporation est trĂšs forte au-dessus de la MĂ©di-
terranĂ©e, alors mĂȘme que les masses atmosphĂ©riques sont
violemment entraßnées vers le sud, elles rencontrent des cou-
ches atmosphériques en contact avec des régions de plus en
plus surchauffées et la condensation a des chances de se pro-
duire de plus en plus faibles et de plus en plus rares' ».
Aussi les mois pluvieux sont-ils les mois d'hiver (décembre,
janvier, février), le début du printemps et la fin de l'automne :
la moyenne des pluies (1886-1900) est de 62mm. pour l'hiver,
87 mm. pour le printemps, 15 mm. pour l'été, 48 mm. pour
l'automne (1885-1900), soit 212 mm. pour l'année entiÚre 3.
Mais ces moyennes ne représentent pas une quantité d'eau
tombée à peu prÚs réguliÚrement chaque année : d'une année
à l'autre les écarts sont trÚs grands : il est tombé moins de
102mm. pendant l'année 1900 entiÚre et plus de 1^91 mm. en
1890 S 233"*'°,8 pendant l'hiver 1889-90 et 17 mm. seulement
1. GiNESTOUS, Bulletin agr, el comm., 1902, p. 60, 211, 366. IndiceUeur tuni-
sien, 1905, p. 496-497.
2. Jean Brunhes, L'Irrigation, p. 151-152.
3. Indicateur tunisien, 1905, p. 513. âM. Ginestous (op. cit., 1901, p. 198,299»
410; 1902, p. 99, janvier) donne comme moyennes des pluies Ă Gafsa de 1885 Ă
1895 : annĂ©e : ^11»"âą, 5; â hiver : 78°»âą, 7; â printemps: 92 "»», 1 ; â Ă©tĂ© :
14»»âą, 7; â automne : 50 mm.
4. Vivien de St-Martin et Rousselet, Dictionnaire de GĂ©ograp.y art. Gafsa,
supplément. Nous indiquons d'aprÚs cet ouvrage certains chiffres se ri^por-
lant à des périodes déjà anciennes, n'ayant pu retrouver les documents ori-
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 23
pendant Thiver 1899-1900; 144^^,8 pendant Tautomne 1885-
1886 et 11mm. pendant l'automne 1894^-1895 ^
D'ailleurs les pluies réguliÚres du nord de la Tunisie sont
inconnues Ă Gafsa : les pluies y tombent soudainement et en
quelques heures, par trombes ; les jours d'orage y sont si
peu nombreux qu'un simple coup de vent parait une tempĂȘte
aux habitants du pays. Le nombre de jours de pluie est de
ik par an : 15 en hiver, H au printemps, 3 en été, 11 en
automne^. La presque totalité de Teau tombe en quelques
heures seulement
La quantité de pluie précipitée dans la région de Gafsa n'est
pas la mĂȘme que dans l'oasis; elle est rĂ©partie trĂšs inĂ©gale-
ment : la position et l'importance relative des sources, des
oueds, des redirs et des dayas le montrent bien. Le versant
septentrional des dj. Serraguia-Orbata-Biadah qui reçoit le
premier choc des vents de mer est plus arrosé que la chaßne
du Seldja; cette chaĂźne elle-mĂȘme et la haute plaine du Seldja
le sont davantage que le massif des dj. Jellabia et Sehib, et
la chaßne du Cherb. Les dépressions profondes : le bled El-
Hamra, le bled Cheria, le bled Segui, le bled Atra, le Tar-
faoui, reçoivent moins d'eau encore : les couches d'air char-
gées d'humidité, en descendant les pentes de leurs chaßnes
bordiĂšres, deviennent de moins en moins susceptibles de se
condenser, et de plus en plus capables d'absorber la vapeur
d'eau ; et ces cuvettes fermées et basses restent arides, assé-
chées par l'évaporation de leurs oueds et de leurs lagunes,
garaats et sebkhas^.
ginaux qui ont servi de base aux Ă©valuations de Vivien de St*Martin et Uous-
selet. A Gafsa, pour les mois de décembre 1889, janvier, février, mars et
avril 1890, on constata une pluie totale de 412°*âą, 5 quantitĂ© triple de celle qui
tombe normalement pendant la mĂȘme pĂ©riode {Indicateur iunUieny 1905, p. 513).
1. GiNESTOUs, op. ci7., 1902, p. 83 et 427. â Indicateur tunisieny cf. p. 404-
495, 1905, tables de nébulosité.
2. Id., 1901, p. 198,229, 410; 1902, p. 99. Ces chiffres, comme ceux des
moyenne de pluies, sont trĂšs variables d'une annĂ©e Ă Tautre. â Indicateur tu-
nisien, 1905, p. 508 et sq.
3. D'aprĂšs VIndicateur tunisien, la plaine de Toued el-Ksob recevrait 300 Ă
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24 TA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Cependant malgré son irrégularité et son iasufBsance, ce ré-
gime des pluies n'est pas un des plus pauvres de la Tunisie. En
effet, grùce à l'élévation du systÚme montagneux gafsien, il
pleut Ă Gafsa presque autant qu'Ă Sfax (250*^,7) et plus qu'Ă
GabĂšs (leO"*"",?) sur la mer, presque autant qu'Ă Kairouan
(275"^, 9) situé 175 kilomÚtres plus au nord*. La région de
Gafsa est d aspect beaucoup moins aride et sec que les envi-
rons de Sfax, de GabĂšs et de Gralba, oĂč les lits d'oueds sont
moins nombreux, la vĂ©gĂ©tation sponlanĂ©e plus rare. MĂȘme la
proportion du nombre de jours de pluie d'été (1/7 pour mai,
juin, juillet, août, moyenne de 1889) à Gafsa est trÚs supérieure
Ă celles de Sfax (1/21), de GabĂšs (1/19), de Sousse (1/16), de
Tunis (1/11) et sensiblement Ă©gale Ă celles de Kairouan (1/6) du
Kef (1/6), et d'AĂŻn Draham (1/8) le point le plus arrosĂ© delĂ
Tunisie 2.
Fort heureusement d'ailleurs le rayonnement nocturne est
assez intense; la quantité moyenne de vapeur d'eau contenue
dans 1 mĂštres cube d'air est de6gr. 084^ en hiver, de 11 gr. 194.
à l'automne, tandis que la quantité saturant 1 mÚtre cube est de
6gr. 246 et 11 gr. 815 ^ : il en résulte des rosées bienfaisantes
pour les pĂąturages des steppes. Le matin, le brouillard s'Ă©lĂšve
parfois de l'oasis de Gafsa et se dissipe lentement au lever
du soleil.
Gafsa n'est pas encore dans la zone dĂ©sertique oĂč la chute
annuelle de l'eau est inférieure à 20 millimÚtres et la rosée
rare : c'est une oasis tellienne. Seulement le désert commence
Ă ses portes.
En effet la violence des vents du sud est extrĂȘme (30 mĂštres
400 mm.de pluie par an; la région de Senedel Maknassi, 200 à 300; Mctlaoui,
au sud du massif du Soldja, 200 Ă 300; los oasis du Djerid, 100 Ă 150 (1905,
p. 517-518).
1. 2. De la Blanchkhe, V Aménagement des eaux, p. 16 et 18.
3. GiNESTOLs, Bull. Dii\ Agr, et Comm.^ 1902, p. 09 et 421.
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 25
à la seconde au printemps), et le déplacement de sables qulls
entraßnent énorme. « Au mois de mars 1857, écrit Charles
Tissot, une colonne tunisienne chargée de lever l'impÎt dans
les oasis et que nous accompagnions, fut assaillie entre Karsa
et Tozeur, par une tempĂȘte qui dura soixante-douze heures. Le
matin du troisiĂšme jour, la force du vent Ă©tait devenue telle
que quelques-uns de nos cavaliers furent reuversés. Les che-
vaux les plus vigoureux étaient obligés de s'arcboufer sur
leurs jarrets pour résister à la rafale. D'épais tourbillons de
sable, emportant des débris de palmes sÚches et des osse-
ments de chameaux, obscurcissaient le jour Ă tel point que
j'avais peine à distinguer le guide qui me précédait. Notre
infanterie, errant au hasard au milieu de ces demi-ténÚbres,
dut marcher ou plutÎt piétiner sur place pendant 20 heures
pour n'ĂȘtre point ensevelie ^ » ATozeur, plusieurs centaines
de dattiers furent enterrĂ©s jusqu'aux palmes par cette tempĂȘte
de 1857. A El-Guettar, « les sables viennent comme les flots
de la mer battre la lisiÚre des palmiers protégés contre cette
marée envahissante par des levées de terre ^ »; les deux vil-
lages d'EI-Guettar et de Nechiou ont été bùtis à l'abri, au nord
de l'oasis. Dans les bleds, les sources, les puits, les redirs
sont aveuglés, les ruines romaines sont couvertes; des dunes
se forment '^
Cette violence des vents de terre, du siroco chargé de sable
mobile, avide de vapeur d'eau, est une nouvelle cause de sé-
cheresse pour le pays : ce vent du sud active l'Ă©vaporation
dans les dĂ©pressions profondes oĂč le vent du nord lui-mĂŽme,
pourtant humide, absorbe déjà l'eau courante et stagnante,
et dans les plaines favorisĂ©es oĂč la pluie qui tombe plus sou-
vent resterait volontiers Ă la surface du sol ^.
1. Ch. TissoT, Géogr, comparée de la province romaine d'Afrique, 1, p. 217.
2. Pkivé, Bull. Arch. corn. hisL el se, 1895, p. 93.
3. Baraban, op. cit., p. 56 et sq.
4. Le siroco souffle Ă Gafsa de 3 Ă 5 jours en hiver, de 4 Ă 12 au printemps,
de 5 à 30 en été, de 2 à 13 en automne. Indicateur tunisieny 19(X>, p. ICKß.
Li G aĂŻs A ANCIENNE. 3
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26 [A GAFSA ANClEiNNE ET MODERNE.
Ces conditions géologiques, orographiques et atmosphé-
riques rÚglent le régime des eaux de la région de Gafsa.
Les nécessités locales, la composition variée du sol, les ca-
prices du relief accentuent dans chaque vallée, son irrégularité
générale et naturelle .
La vapeur d'eau apportée parles veots du nord et du nord-
est se condense brusquement sur le massif gafsien; Teau
ruisselle, le torrent se rue des pentes de la montagne, roulant
les pierres et le sable dans les lits profonds des oueds creusés
par l'érosion séculaire et brutale. La descente est si rapide
que Teau pénÚtre à peine le sol aride des djebels dénudés ;
elle lui arrache jusqu'aux derniÚres traces de végétation épi-
neuse. Par les ravins aux ramifications innombrables, elle
s'engouffre dans les déversoirs communs, les lits des grands
oueds : l'oued Oum el-Ksob, prolongé par l'oued Baïach et
l'oued Tarfaoui, l'oued Seidja, Toued El-Leben, situé loin de
Gafsa au pied du dj. Biadab et du dj. Zebbeus. Au voisinage
de Metlaoui le lit sablonneux de l'oued Seidja est creusĂ© Ăč
plus de 10 mÚtres de profondeur. En 1859 l'oued Baïach dé-
bordé submergea d'alluvions sablonneuses 50 hectares de
l'oasis de Gafsa *.
Ces crues terribles durent quelques heures seulement
comme les pluies orageuses qui les ont produites : l'eau cou-
rante, chargée de débris pierreux, perd sa force et sa vitesse
en plaine, aprĂšs quelques kilomĂštres de cours, sans atteindre
la mer trop éloignée : elle pénÚtre dans les crevasses des lits
d'oueds asséchés par de longues chaleurs, dans les sables fins
des dépressions quaternaires; l'évaporation ^ achÚve de l'ab-
sorber; elles thalwegs redeviennent jusqu'au prochain orage
les routes préférées des caravanes et des troupeaux.
Cependant, au fond de toutes les plaines fermées et sans
Ă©coulement vers la mer, Ă l'est, au point le plus bas ou le
1. BarabaN) op. cil., p. 144.
2. Indicateur tunisien, p. 505.
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liLLlL^H l'Ut- -N wA I iON.'i
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(;Ă©o(;kaphie physĂźuue. 27
moins perméable, les eaux s'accumulent, trop abondantes
pour disparaĂźtre si rapidement : mais elles s'Ă©vaporent peu
Ă peu et laissent Ă la surface des lagunes la couche chaque
année plus épaisse des dépÎts minéraux et salins qu'elles con-
tiennent : ce travail des eaux stagnantes produit les garaats,
les sebkhas, les chotts : la garaat Ed-Douza, la garaat El-
Oglat, la sebkha d'El Guettar, la Sebka en-Nouatl, le choit
El-Rharsa, le chott El-Djerid. Ailleurs, Teau reste sur le sol
piendant quelque temps, sans laisser d^autre trace qu'une lé-
gÚre poussiÚre blanche et salée. Entre Lalla et EI-Guettar, au
passage de l'oued Tarfa et de l'oued Fouar el-Kram, oĂč l'ar-
gile quaternaire est voisine de la surface, la route et maréca-
geuse aprÚs les pluies K « AuprÚs de la koubba de Sidi Ali ben
Aoun, et dans un lit d'oued sablonneux oĂč poussent de nom-
breux lauriers-roses, on trouve de l'eau stagnante en trĂšs
grande quantité, mais qui se perd par infillration à la sortie
des montagnes 2... », oĂč sans doute l'Ă©tage argileux s'enfonce
plus profondément.
Dans les poches argileuses superficielles, l'eau séjourne plus
longtemps encore, parfois une année entiÚre, et forme un cer-
tain nombre de mares, redira et oglats, oĂč les troupeaux vien-
nent boire et qui sont entourés d'un peu de végétation, comme
les sources-^ : redirs de Majen Sinaoui (Ă 39 km. au nord-est
de Gafsai entourĂ©s de jujubiera, de genĂȘls et d'une excellente
eau dans la saison des pluies ; redirs nombreux de Thalah et
de l'oued Serg, entourés de gommiers ; redirs de la chaßne du
Cherb, du dj. Zitouna, du dj. Tarfaoui, de la haute plaine ter-
tiaire du Seldja et du massif des dj. Jellabia et Sehib; oglats
dispersés sur tout le territoire de Gafsa.
Quant aux eaux absorbées par les terrains sablonneux et qui
ont échappé à l'évaporation immédiate, elles sont encore ex^
posées aux influences atmosphériques; elles remontent pou h
1. Jlinéraircs mUiiaireSf 1881-8.J, p. lOi).
2. Paul ii\L(;KLEK, EnquĂȘte sur les installations hydrauliques^ i*ic., I, |>. i^"ĂŻp
3. Itinéraires inilHaires y ISSi, p. 12.
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28 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
peu par capillarité, attirées par Tair sec et chaud ; à une pro-
fondeur plus grande, elles demeurent en suspension dans le
sol; aux environs de Sfax, le terrain trÚs perméable, analogue
Ă celui des plaines de TOum cl-Ksob, ne contient pas d'eau Ă
la surface; mais il en contient jusqu'Ă 6 % h 0"','20 de profon-
deur, 10 ^ Ă 0",50, 14 ^ Ă 1 mĂštre : lolivier et les cultures
arbustives peuvent y prospérer sur de grandes étendues et les
puits y fournissent une quantité d'eau relativement considé-
rable ^
Le surplus de cette eau, filtrante travers le sable, vient s'ac-
cumuler au-dessus des couches imperméables du loehm argi-
leux quaternaire dont l'affleurement produit une série de
sources : un simple relĂšvement de ces couches suffit Ă faire
réapparaßtre à la surface l'eau souterraine qui chemine en
profondeur sous le lit des oueds ou qui s'est accumulée dans
des poches; le filet d'eau de l'oued BaYach Ă Gafsa est dĂ» sans
doute à un phénomÚne de ce genre ainsi que TAïn Oum cl-
Ksob, les sources souterraines des puits d'El-Guettar, proba-
blement l'AĂŻQ Guettar et les sources de Zenati qui fournissent
un peu d'eau courante, en toute saison, à la vallée supérieure
de l'oued El-Leben^, et les sources qui alimentent le chemin
de fer de Sfax Ă Gafsa.
L'Ain Oum cl-Ksob coule pendant 1 kilomÚtre en été, 5 ki-
lomĂštres en hiver : la nappe aquifĂšre qui la forme est assez
voisine du sol pour favoriser une végétation abondante de
joncs, d'iris et de plantes aquatiques dans la région voisine ^.
De mĂȘme, Ă l'oglat Merelhbat, l'eau souterraine est abon-
dante, en toute saison, Ă 0'",50 de profondeur; le bois et
l'alfa poussent dans les environs*. Le Bir Gouifla, dans le bled
Tarfaoui, est « un simple trou creusĂ© dans le sable oĂč l'eau
1. Paul Bourde, op. cit., p. 15.
2. Privé, Bull. Arch. Corn. tt\ fiisL ci se, 1893, p. 110-111. Du Paty de Clam,
/?. géog.y nov.-déc. 1889.
3. Gauckler, EnquĂȘle sur les travaux hydrauliques^ etc., 1, p. 189-190.
4. Itinéraires militaires, 1882, p. 12.
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 29
se trouve seulement Ă O^^SO, et assez abondante, mĂȘme au
cĆur de TĂ©tĂ©^ ». La mĂȘme nappe parait alimenter les puits de
Toued Seldja inférieur et l'Aïn Abdou : depuis le kilomÚtre 4,5
aprĂšs l'Ain Abdou, jusqu'Ă Gouifla, la route de Tozeur traverse
des ce marais trÚs difficiles » parsemés de tamarins vigoureux;
« il y a lieu, aprÚs la saison des pluies, d'avancer avec de
gt*andes précautions ^ ».
Les sources d'Ain MoularĂšs, Ain Mrata, Ras el-Aloun, sem-
blent dues Ă un arfleurement analogue des marnes tertiaires.
Les sources de Gafsa, les plus importantes de toutes, « à en
juger par leur température (aS"* à 30*^), écrit H. Rolland, vien-
nent d*une assez grande profondeur sous la surface ; elles sont
évidemment dues à l'émergence de nappes artésiennes circu-
lant dans les terrains crétacés et éocÚnes qui constituent les
montagnes environnantes ainsi que l'ensemble des monts s'Ă©-
levant vers FĂ©riana et Tebessa^ ». Peut-ĂȘtre sont-elles dues
simplement, comme l'Ain Abdou et les eaux de Gouifla, Ă l'af-
fleurement d'une couche argileuse et d'une nappe des terrains
quaternaires.
L'importance de ces sources est d'ailleurs assez variée. L'Ain
Oum el-Ksob n'a qu'un débit de 2 litres à 2 litres et demi à la
seconde, la source de Sidi Ahmed Zarroung un débit de 10 li-
tres*, tandis que la source thermale de BouHaddÚge a un dé-
bit de 70 litres et coule pendant plus de 5 kilomĂštres ^.
Les sources de la Kasbah et de l'intérieur de Gafsa ont un
débit de 5.000 mÚtres cubes par jour ^; avec celles de Sidi
Mansour et du lit de l'oued Baïach^, elles arrosent réguliÚre-
ment plus de 40.000 palmiers, 75.000 oliviers; 1.400 bas. de
jardins irrigués suffisent largement aux besoins d'une popu-
1. Carton, Oa^is disparues, R, Tun., I8Ăź>5, p. 209.
2. Itinéraires mililaires, 188M885, p. 120.
3. Gaucklek, op. cit., p. 189-190.
4. Gauchery. â Les richesses thermominĂ©rales de la Tunisie^ p. 59.
5. Gauckler, op. cit. y p. 197.
6. Gauchers, op. cit., p. 59.
7. Itinéraires militaires, 1884-1885, p. 110.
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30 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
lation de 5.000 ou 6.000 habitants et fournissent constam-
ment de Teau Ă Toued sur un parcours de 2 kilomĂštres*.
Le débit tolal des sources, et surtout Thumidité du sous-
sol, le nombre et la répartition des affleurements, des re-
dirs, des oglais et des puits, feraient des environs de Gafsa
une région relativement bien arrosée, dans un pays aussi
sec que T Afrique du nord, si la qualité de Teau n'était pas
trÚs variable et souvent défectueuse.
Ainsi dans le bled TarfaouĂŻ, l'eau de FAĂŻn Tfel, de Bir el-
Hanek, des redirs de Metlaoui, et de Chakmou, des oglet
Amara, est bonne; celle du Khanguet Seidja et saumĂ tre;
celle de TAĂŻn Abdou, de Bordj Djedid, de Mzira et Alima,
des oglet El-Hacha, du Bir Chakmou est salĂ©e ^ peut-ĂȘtre Ă
cause du voisinage plus immédiat des lagunes. Pourtant aucun
de ces points n'est isolé de plus de 10 ou 15 kilomÚtres; cer-
tains sont trĂšs voisins les uns des autres. (Bir Chakmou, re-
dir de Chakmou.)
Enfin, une partie des eaux de Gafsa sont thermales, ainsi
que nous l'avons déjà indiqué; c'est un des caractÚres parti-
culiers de l'hydrographie du pays.
L'Aïn Thermßl, au sud de la Kasbah de Gafsa (débit : kh litres
par seconde), TAĂŻn el-Bordj Kasbah, TAĂŻn Sidna qui affleure
dans la piscine du Dar el-Bey (VI, 5 et 113 1.) sont Ă 30"* tandis
que les sources d'AĂŻn Mansour sont trĂšs fraĂźches. L'AĂŻn Sidna
est chlorurée, sodique, plus magnésienne que sulfatée. Au
contraire la source de Sidi Ahmed Zarroung (27Âź, 10 1.) Ă
1. DlPaty de Ci^vm, Ălude sur le Bled Tarfaoui; Bull. GĂ©ogr, Com. Ir.hist, et
se, 1897, p. 408- aM.
2. CĂźAucHERY, op. cit., p. 59. Composition des eaux de l'AĂŻn Sidi Ahmed Zar-
roung :
Chaux 1,232
Acide sulfurique l,57t>
Magnésie 1,373
Chlore 1,352
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 31
5 kilomÚtres de Gafsa sur la route de Tozeur, « présente le
phénomÚne de blanchiment propre aux sulfurées dégénérées
et possĂšde une odeur sulphydrique trĂšs nette : elle est trĂšs
gazeuse : Tacide carbonique se dégage en abondance à sa
surface et sur les parois ». Elle possÚde des qualités thérapeu-
tiques appréciables : ses eaux, trÚs excitantes, guérissent la
gale bédouine, éruption sudorale qui affecte les Arabes en été ;
elles sont réputées dans les dermatoses, la syphilis, le rhuma-
tisme, les affections chroniques des voies respiratoires. Le Ma-
rabout miraculeux de Sidi Ahmed Zarroung est célÚbre parmi
les indigÚnes de la région ; l'administration y a ménagé une pis-
cine de 6 mĂštres de diamĂštre et de 2 mĂštres de profondeur*.
La source de Bou HaddĂšge (70 1.) Ă 62 km. de Gafsa, vers
lest, est Ă 30** ou W ^. AprĂšs un parcours de 5 kilomĂštres
seulement elle est assez refroidie pour abreuver les troupeaux.
Dans la vallée de Bou HaddÚge comme à Gafsa, les Romains
avaient élevé des thermes sussez importants 3.
Les saisons sont en étroite corrélation avec les conditions géo-
graphiques et atmosphériques du pays, et particuliÚrement
avec le régime des pluies et la température : les indigÚnes n'ont
qu'un seul mot, Ech-Chta, pour désigner à la fois l'hiver et la
pluie; ils appellent le printemps Er-Rbia, « la verdure, le pù-
turage » ; Tété, Es Sif, dure de mai à octobre, pendant la
grande période de sécheresse, composée du dernier mois de
noire printemps (mai), de nos trois mois d'été et du début de
l'automne ; l'automne indigÚne El-Krif, « la saison de la ré-
colte des fruits », commence avec les premiÚres pluies et se
termine à la fin de décembre ^.
1. Jbid., p. (iO.
2. md.
3. Paul Gauckler, op. cit., p, \^7.
4. Ch. TissoT, GĂ©ogr, comparĂ©e de la Province romaine d'Afrique, p. 245. â
Dl Paty de Cla3i, Ătude sur le hieridi Bull, gĂ©ogr. corn. hist. et se, 1893, p. 323.
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32 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Les moyennes trimestrielles de la tempĂ©rature observĂ©e Ă
Gafsa donnent une impression nette de la différence trÚs tran-
chée qui existe entre les saisons : 19**,4 pour Tannée entiÚre,
lO** pour l'hiver (décembre, janvier, février), 18*',5 pour le prin-
temps (mars, avril, mai), 27**,5 pour Tété (juin, juillet, août),
21°,6 pour l'automne (septembre, octobre, novembre), d'aprÚs
M. Ginestous (moyennes de 1885 Ă 1895, de 1895 Ă 1900) ^
La différence entre la moyenne de l'été et les moyennes du
printemps et de l'automne est plus apparente encore si Ton
calcule les moyennes pour les saisons indigĂšnes : 10"* pour
l'hiver, 16%2 pour le printemps (mars, avril), 26**,4 pour Tété
(mai, juin, juillet, aoĂ»t, septembre), 18'',2 et mĂȘme 15*^,5 pour
l'automne si l'on y fait rentrer le mois de décembre.
La température moyenne du mois le plus froid (janvier) est
de 9%3. Celle du mois le plus chaud (juillet), de 29'',8 : ce
qui représente une différence de 20'*,5 entre les moyennes
extrĂȘmes 2.
Les sautes brusques et les Ă©carts extrĂȘmes de la tempĂ©rature
sont trÚs considérables : le 22 septembre 1900, le thermomÚtre
marquai à Gafsa ï^*", il était tombé le 26 à W^ baissant de 30*
en quatre jours. Des tempĂ©ratures de â 1° et -i- 23'' en dĂ©cem-
bre, de â 3^ et H- 25° en fĂ©vrier ne sont pas rares. Enfin le
thermomĂštre a marquĂ© â 6** en janvier 1901 ; il monte frĂ©-
quemment Ă 4V en Ă©tĂ© 3, il atteignit mĂȘme 48°,8, presque
autant qu'Ă Tozeur (W%5, le 22 juillet 1891) et Ă Nefta (53**), les
points les plus chauds de toute la Tunisie ^: cet Ă©cart de
5V,8 est le plus grand constaté dans toute la régence avant
1897 K
Le jour, l'insolation, le rayonnement et l'Ă©vaporalion sont in-
1. Ginestous, Bull. Dit: Agr. et Comm.y 1900, avril, p. 02, juillet, p. 93, oc-
tobre, p. 106; 1901, p. 200-201, 300, 400; 1902, janvier.
2. Indicateur tunisien, 1905, p. 499 et sq.
3. Ginestous, Bull. Dir. Agr. et Comm.j 1900, octobre, p. 106.
4. Du Paty de Clam, op. cit., p. 321.
5. Vivien de S'-Martin, loc. cit. -- L'écart le plus fort constaté à Tozeur avant
1897 est de 53".
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 33
tenses; mais le soir, mĂȘme en plein Ă©tĂ©, la tempĂ©rature baisse
brusquement, peu aprĂšs le coucher du soleil, Ă cause de la
faible quantité de vapeur d'eau contenue dans Tair^ : les
nuits sont toujours trÚs fraßches aprÚs les journées parfois brû-
lantes.
Les roches et le sol desséchés se désagrÚgent et éclatent sous
l'influence de ces écarts, de ces sautes brusques de température
qui achĂšvent l'Ćuvre de destruction commencĂ©e par l'Ă©rosion.
Les plantes, les animaux et l'homme ressentent vivement les
effets de ce climat essentiellement continental.
En effet, peu d'espĂšces arborescentes peuvent vivre dans
cette atmosphĂšre trop sĂšche et sujette Ă des changements si
brusques de tempĂ©rature. Celles qui subsistent doivent ĂȘtre fa-
vorisées par des accidents locaux : exposition aux vents bien-
faisants du nord-est, replis de terrain, meilleure composition
et sécheresse moins absolue du sol.
« Toutes les chaßnes crétacées qui séparent les divers plateaux
semblent dénudées depuis la plaine. Hais si on pénÚtre dans
les ravins qui les divisent, on trouve toujours dans les parties
escarpées des arbres épars qui ont résisté jusque-là à la dent des
animaux et Ă la hache des indigĂšnes. Les principales essences
sont le genévrier de Phénicie, le pin d'Alep, le batoum, l'olivier
sauvage, l'amandier, quelquefois le peuplier dans les endroits
frais ))2. Les gourbis de Sened, de Sakket, d'El-AyaĂŻcha, sont
charpentés avec des poutres tirées de ces arbres. Il y avait, en
1905, 11.202 oliviers sauvages sur le territoire des caldats de
Ga£sa et des Hammama, la plus grande partie disséminés, en
dehors des jardins cultivés des oasis. Les Sfaxiens s'approvi-
sionnent dans le djebel Bon Hedma de plants de pistachiers
1. Moins de 55 centiÚmes en été, moins de 70 centiÚmes le reste de l'année
(Indicateur Tunisien, 1905, p. 505).
2. L. Tellier, note sur la disparition des boisements dans le sud de la RĂ©-
gence, BuU. Dir, Affr. et Comm., octobre 1898, p. 49.
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34 LA GAFS\ ANCIENNE ET MODERNE.
(betoum) à greffer. Un bouquet d'une vingtaine de genévriers
de Phénicie occupe rextréraité du Khanguet Goubeul, entre
FĂ©rianaet Bir Oum Ali. Dans le dj. Orbata, poussent Ă©galement
quelques genévriers exploités par les indigÚnes. On trouve
encore un groupe de cinq beaux betoums, autour d'un redir,
Ă 32 kilomĂštres de Gafsa, sur la piste de Kairouan, et quelques
pieds isolés sur la route de Fériana, sur celle de Sfax, prÚs de
Sened et de Madjourali K II y a de vieux oliviers, des figuiers
de Barbarie et des aloĂšs, dans la plaine quaternaire de TOum
el-Ksob, des lauriers roses dans la plupart des thalwegs im-
portants et légÚrement liumides, quelques palmiers isolés et
chétifs (à TAïn Abdou).
A la base de la chaßne bien arrosée du dj. Bon Hedma et
du Bon HaddÚge s'éteod une végétation d'acacßas gommifÚres
de l'espĂšce gayal, producteurs d'une gomme arabique d'aussi
bonne qualité que celle du Sénégal. Les arbres épars sur
toute la vaste étendue du bled Thala sont « espacés de cin-
quante mĂštres en moyenne, c'est-Ă -dire qu'il n'en existe pas
plus de quatre par hectare sur une surface de 30.000 Ă
iO.OOO hectares au moins. Le gommier, ou acacia gummifera,
occupe dans le Thala la position la plus septentrionale en
Tunisie.
« C'est un arbre ne dépassant pas une hauteur moyenne de
8 mÚtres, à la cime étalée en forme de parasol. Les plus gros
que nous ayons vus ne mesuraient pas plus de 0*^,90 Ă
1 mÚtre de circonférence. Leur croissance est donc trÚs lente,
car leur Age compté sur la découpe d'une branche princi-
pale est au moins de cent cinquante ans. L'Ă©corce du tronc
est Ă peu prĂšs semblable Ă celle de l'acacia ordinaire, celle
des branches est lisse et celle des rameaux d'un rouge pro-
noncé... Le bois est de couleur brun rougeà tre, nuance inter-
médiaire entre celle du noyer et de l'acajou, avec un aubier
1. L. Telliek, ibid. â IIia, la vĂ©f/Ă©lcUioti naturelle, la l'unifde au dĂ©but du A'A*
siĂšcle, p. 78 et sq. â Rapport au PrĂ©sident^ 1905, p. 507.
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 35
blanc jaunĂątre ; c'est un bois trĂšs dur Ă couches concentri-
ques serrées, et susceptible d'un beau poli, ce dont nous
avons pu juger Ă El-AyaĂŻcha, oĂč le gommier a Ă©tĂ© utilisĂ©
pour construire des baraquements, fabriquer des bancs, des
chaises. Ce serait, en résumé, un trÚs bon bois d'industrie et
de travail. Il est probable que toute cette vallée ne formait
autrefois qu'une immense forĂȘt de gommiers qui se sont
éclaircis peu à peu sous les déprédations des indigÚnes et sous
Taction dévastatrice du pùturage... Les troupeaux broutent
(oute la végétation et particuliÚrement les bourgeons et les
rameaux épineux des gommiers. Le chameau atteint aisément
les pousses du sommet, et c'est Ă cet abroutissement qu'il faut
attribuer le peu de hauteur des cimes et leur forme en pa-
rasol. Quant aux jeunes plants provenant des semis naturels ou
de rejets de souche, les chĂšvres ne leur permettent guĂšre de
s'accroßtre et de se développer. Il en résulte que les vieux
arbres disparaissant peu Ă peu sous la main de Thomme et
les jeunes sous la dent du bétail, il ne restera rien à la fin de
cette précieuse essence dont le maintien serait cependant si
utile pour empĂȘcher que la vallĂ©e de Thala ne devienne, par
le dĂ©boisement, comme ses sĆurs du sud, une succursale du
Sahara*. » Les gommiers en effet retiennent dans le sol une
partie de l'eau tombée sur le Bou Hedma à la sortie de TAïn
Bou HaddĂšge. Nulle part dans le sud le terrain n'est moins
sec, nulle part les redirs ne sont plus nombreux et les pĂątu-
rages plus fréquentés.
Malheureusement le nombre des arbres diminue sans
2
cesse
1. Baraban, op. cit. y p. 150-158.
2. Hua, op. ct<.,p. 86-88. Comme M. Baraban, M. Blanc donne pour dimen-
sion de Fespace sur lequel s'étendent les gommiers clairsemés, 35 kilomÚtres
de Testa Touest et 10 kilomĂštres du nord au sud, les arbres Ă©tant Ă 50 mĂštres
les uns des autres dans les parties les plus serrées. Il signale en outre dans
diverses directions, de petits peuplements isolés en dehors do l'agglomération
principale.
- M. Tellier, successeur de M. Blanc dans le service des eaux et forĂȘts, a
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36 LA GAFSA ANCIENiNE ET MODERNE.
Autour de Gafsa mĂȘme, le bois a toujours Ă©tĂ© rare : les
corvées de la garnison, au début de roccupation, allaient s'en
approvisionner dans un taillis broussailleux Ă ^ ou 5 kilomĂš-
tres au sud de la ville K On trouvait du bois Ă Sidi Aich, Ă
Foued Seldja, Ă Foued Zimra, Ă TAĂŻonn Ammeur, Ă TAĂŻn
Hamda,Ă TAln Zitoun, Ă TAln Drima, Ă TAĂŻn Bou Salb, Ă la
Djemma er-Rechig, Ă TAln Guettar, Ă loglet Mzara, Ă Toued
Mtasalga. Ces Ă©tendues broussailleuses Ă©taient si restreintes
que les gens d'El-AyaĂŻcha venaient vendre Ă Garsa des bran-
ches mortes d'oliviers et de gommiers 2. Aujourd'hui, le dé-
broussaillement est presque complet dans un rayon de 40 ki-
lomĂštres autour de Gafsa ^.
En dehors des cultures des oasis et des figuiers, des oli-
viers, des haies de cactus qui entourent le village montagnard
d'El-Ayalcha, il n'existe plus guĂšre que les tamarins sauvages
de Toued Tarfaoui dont nous avons expliqué plus haut Texis-
tence : buissons de 1 ou 2 mĂštres de hauteur, larges et vieux,
qui pourraient atteindre 3 ou 4 mĂštres sans l'action destruc-
tive des pĂątres et des animaux^, les tamarins moins nom-
breux et moins vigoureux de l'oued Melah, de Ras el-AĂŻoun,
de la gaarat Ed-Douza ; ceux du chott EURharsa : tous Ă©bran-
chés par les troupeaux.
Si l'on excepte ces espaces occupés par la végétation buis-
sonneuse ou arborescente, le bled est jaunĂątre et nu sur de
grandes Ă©tendues. On y rencontre seulement par endroits des
touffes clairsemées de retem, degrina, pauvres herbes dures,
l)rĂčlĂ©es par le soleil et grises comme de la cendre; des
constaté que l'exploitation inconsidérée de ce bois avait amené la disparition
des groupes isolés d'abord, puis réclaircissement exagéré du groupement
principal. »
1. Itinéraires militait es, 18^-1885, p. 111. Ibid., 1882, p. 13.
2. Itinéraires militaires, 1884-1885, p. 126, 129, lßlO, 137, 140, 141, 142.
3. L. Teluer, loc. cit., p. 50.
4. Baraban, op. cil.j p. 151. Carton, oasis disparues, R, Tun., 18d5, p. 209.
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GEOGRAPHIE PHYSIQUE. 37
touffes de driss, graminée sauvage qui atteint parfois deux
mÚtres et dont les longues feuilles sont recherchées des cha-
meaux ^ : ce sont les maigres pĂąturages de ces steppes arides
et désolés, les parcours oà les bétes des troupeaux et des
caravanes nomades se dispersent et broutent Ă Taventure, en
marchant lentement : c'est « le pays du mouton ». Un peu de
blé et d'orge pousse difficilement dans les bas-fonds de Bir
Marbot, de Toued Fed, de Sidi AĂŻch, du bled Segui, de Ras
el-AĂŻoun^. L'alfa couvre de grandes Ă©tendues de terrain aux
environs de Sened, dans le bled Haknassy, la chaĂźne du Bon
Hedma, le sud de TOrbata, la plaine voisine de TAln Oum el-
Ksob^.
Ces touffes de la zone aride, comme la végétation arbo-
rescente, non seulement retiennent le sable qui les porte,
lui donnent une consistance plus grande, lui permettent de
mieux recueillir l'eau de pluie et l'eau ruisselante : elles ar-
rĂȘtent encore le sable transportĂ© par le vent; un petit mon-
ticule se forme au delà de chacune d'elles. La vallée du Tar-
faoui est ainsi ondulée de petites vagues de sable; les re-
dips du bled Thala sont préservés de l'aveuglement ; au voi-
sinage de Tozeur, des dunes qui menaçaient d'envahir l'oasis
ont été fixées par des plantations artificielles de tamarins et
de drĂźss.
Cette végétation rare mais bienfaisante n'est malheureuse-
ment pas permanente : outre la dévastation des troupeaux,
elle subit l'influence du climat; elle dépend étroitement du
régime des pluies; que Tannée soit trop sÚche, que les quel-
ques parcelles d'humidité contenues dans le sol s'évaporent,
elle devient plus rabougrie et plus rare. Les maigres cultures
de céréales de Bir Marbot de Sidi Aïch, du bled Segui ne
1. Cagnat et Saladix, Voyage, Tour du Monde, 1880, II, p. 199. J. Brlnhes, o/Ăź.
cil,, p. 231 et sq.
2. Baraban, op. cU., p. 150.
Du Paty de Clam, op. cit., p. 28^1.
3. Tridon, l'Alfa tunisien, Cuil. col., 181*8, p. 45-18. Barabas, op, cil,, p. 150.
Cacxat et Saladin, Tour du Monde, 1886, 11, p. 212.
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38 LA (iAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
donnent guÚre de récolte suffisante qu'une année sur quatre
ou cinq. La végétation est si pauvre que Tadministration
militaire devait généralement faire venir de BÎne le fourrage
et les grains des spahis de Gafsa, et qu'elle a renvoyé à Sfax
une partie de la garnison de cavalerie, par mesure d'Ă©conomie.
Mais aussi, que le sol soit plus humide, comme dans le
bled Thala, comme au voisinage des sources et des redirs,
que la pluie tombe un peu plus longtemps, les touffes de-
viennent plus Ă©paisses, l'armoise blanche emplit au prin-
temps les dépressions; une flore assez variée parait sur les
montagnes calcaires : le zeita, Varlemisia alba, le romarin^
Vononis longifolia Ă fleurs jaunes, le siatice Thouini Ă petites
fleurs blanc bleuĂątre, Y Hyacinthus Romarins j le Bromus Ru"
bens etc. *. Quand la colonne du général Philebert traversa le
bled Segui, marchant vers le Nefzaoua, il avait plu abon-
damment et « la plaine était couverte d'un sainfoin épais et
tout en fleur, dans lequel les hommes enfonçaient jusqu'au-
dessus du genou ^ ». En 1898, des pluies trop abondantes qui
furent nuisibles aux récoltes du nord de la Tunisie, profi-
tÚrent au pays situé entre GabÚs, Gafsa et Kebili et fournirent
aux indigÚnes de cette région des avances d'ensemencements
u Du 1*^' novembre 1889 au 1" mai 1890, il est tombé à Gafsa
0'",405 de pluie; au printemps de 1890, la région a été trans-
formĂ©e : le bled situĂ© entre Gafsa et Tozcur, ordinairement Ă
peu prÚs sec, était couvert d'un fourré de mauves atteignant
le garrot d'un cheval et relardant la marche des animaux;
dans le bled Thala et le bled Segui on a pu faire des appro-
visionnements d'un excellent foin qui a servi longtemps aux
besoins de la garnison du Gafsa ; la garaat de Sidi Mansour
s'est couverte d'un Ă©pais semis de tamarins qui subsiste encore
aujourd'Imi ^ »
1. Baraban, oy>. cit. y p. 151.
2. Général PiiiLKnEKT, La G" brigade en Tunisie, p. 1 10.
3. Rapport au Présid^*nl de la République, 1898, p. 14.
4. Tellikr, loc. cit., p. 50. ⠫ Los vioiix oliviors mutilés et abandonnés
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 30
Sans doute les années prospÚres sont rares, mais elles per-
mettent de distinguer trĂšs nettement le pays de Gafsa de la
région désertique; nous avons dit que les vallées du Seldja,
de rOura el-Ksob et de Thala, Ă©taient moins sĂšches, plus
riches en végétation naturelle que le Sahel de Sfax ; elles sont
aussi plus riches que l'étroite bande de terrain située entre
Tozeur et Nefta et que les dunes du désert. Puisqu'il tombe
dans ce pays de Gafsa une quantité d'eau relativement satis-
faisante, puisque la vĂ©gĂ©tation, diffĂ©rente par elle-mĂȘme de
celle du désert, augmente spontanément quand les pluies
sont plus abondantes, puisque quelques cultures de céréales
peuvent y réussir dans le sable rouge des dépressions et que
l'olivier et certaines espĂšces arborescentes subsistent mĂȘme, Ă
Tétat sauvage et malgré les dégùts causés par les troupeaux,
en de nombreux endroits : il est permis de supposer qu'une
meilleure Ă©conomie des eaux, et des mesures de protection
pourraient facilement améliorer la flore du pays : entre les
hauts plateaux du Kef, de Mactar et de Tebessa, pays de
Torge et des parcours nomades, elle grand dĂ©sert, â entre le
Sahel, pays de l'olivier, et les oasis du Djerid, « pays de la
palme », le massif des chaßnes et des hautes plaines gafsiennes
est une zone de transition insensible, une marche tellienne K
L'oasis de Gafsa elle-mĂȘme et les oasis voisines de Lalla,
d'El-Guettar et de Nechiou achÚvent de caractériser la région.
La superficie de l'oasis de Gafsa et de ses annexes de Sidi
entre El-Djem ot l'Oued llaun, ont (lonn(S d'aprÚs M. Bourde, une récolte d'o-
lives vendue 170.000 francs en 1890. Les chotts sont resb's impraticables jus-
qu'au cours de TĂ©ui âą (Ibid.).
I. Les indigĂšnes de la Dakhla du cap Bon âą reconnaissent deux sortes de
Tell : le Tell noir qui est une terre riche en uiatiĂšrcs organiqurs retenant faci-
lement l'eau... ; le Tell jaune est plus sablonneux, moins fertile -. Hul. Dir. A(jr.
etComm., 1000, n» 10, p. 116, citĂ© par Brunbe.s, op. cit., p. Bi7, n. 1. â Ne peut-
on pas appliquer ce nom de Tell jaune aux dépÎts (luaternaires des plaines gaf-
siennes?
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40 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Ahmed Zarroung, de Sidi Hansour et d'El-Ksar (ou El-Kesseur)
est de 1.400 ou 1.500 hectares S situés en grande partie sur
la rive droite de Toued BaĂŻach, autour des sources de la Kas-
bah de Gafsa et de Sidi Mansour qui fournissent Teau néces-
saire Ă rirrigation des jardins.
Les palmiers rencontrent Ă GaÂŁsa les couches argileuses
recouvertes de terrains moins compacts et collecteurs d'humi-
dité qui lui conviennent; ils y sont abondamment arrosés par
des sources thermales nombreuses. Mais ils n'y trouvent pas,
comme au Djerid, les chaleurs d'hiver qui leur sont néces-
saires (H** d'octobre à janvier). S'ils ont les « pieds dans
l'eau », ils ne bénéficient pas d'une atmosphÚre assez sÚche,
leur tÚte n'est pas assez « dans le feu ^ ». La montagne et les
vents du nord les gĂȘnent. Loin d*ĂȘtre aussi rabougris, aussi
stériles que ceux du nord, les dattiers de Gafsa sont certaine-
ment moins vigoureux que ceux de Tozeur et de Nefta : les
troncs ne sont pas aussi élevés, aussi larges, aussi serrés ; les
dattes, moins sucrées, ne sont pas aussi belles ni bonnes et,
sauf quelques Deglet en-Nour recherchées pour l'exportation ^,
ne peuvent guĂšre ĂȘtre consommĂ©es que sur place*. Les pal-
miers d'El-Guettar (3.000 mĂštres de longueur sur 500 de lar-
geur, 150 bas.) merveilleusement arrosés par l'eau de seize
sources souterraines fraßches et abrités des vents de nord par
le dj. Orbata, sont déjà plus beaux ^ et seraient plus serrés si
l'oasis était bien protégée contre l'envahissement du sable.
Il n'y a que 60.000 palmiers environ Ă Gafsa, 80.000 Ă Gafsa
et El-Guettar réunies^.
1. Vivien de Saint-Martin, op. cit., Supp. â Carie de la Tunisie au ij 50000.
2. D. ScHWEiNFLRTii, Lacultupodu palmier dattier, H. Cuil. col., 1902, p. 84-87.
3. Tirant et Rebatel, Voyage en Tunisie, Tour du Mande, 1875, I. p. 311.
4. D. SwEiNFL'RTii, op. cil\ p. 215.
5. Baraban, op. cil. y p. 149.
G. Vivien de Saint-Martin, loe. cil., dit 32.319 : chiffre donné par Blanc en
1887, reproJuit par Vivien de Saint-Martin. â Slalisliques officielles^ 1891,
(U.240 palmiers Ă Gafsa, Hy.OOi) Ă Tamerza, 73.G98 Ă El-IIamma, 212.971 Ă El-Ou-
diane, 417.577 Ă Tozeur, 38i).7O0 Ă Xefla; l.l^9^.301 en Tunisie. â Cf. infra, OĂ©og.
Ăconomique, p. 88 et passim.
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Ac'.GH, LI-.NOX AND
L^-N i-'O'JN DATIONS
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 41
Le sol, sous les dattiers, et, en dehors des palmeraies, les
deux tiers de la surface de Toasis sont occupés par des oliviers
dont le nombre était de 75.000 en 1900 et augmente réguliÚ-
rement dans les terrains nouvellement plantés et souvent irri-
gués qui entourent le camp et la gare. Sur un total de 133.758
oliviers dispersés dans tout le caldat de Gafsa (El-Guettar et
Nechiou compris), 13.^92 arbres, situĂ©s en grande majoritĂ© Ă
Gafsa, n'avaient pas atteint leur 20" année K On trouve en
outre des cactus et de nombreux arbres fruitiers : amandiers,
pĂȘchers, abricotiers, pruniers,pommiers, cognassiers, figuiers,
jujubiers, grenadiers; les oranges, si prospĂšres Ă El-Oudiane,
donnent rarement de beaux fruits mûrs; sous les arbres frui-
tiers et les palmeraies se trouve un nouvel Ă©tage de cultures;
des légumes de toutes sortes, fÚves, carottes blanches, oignons,
salades 2, pois, melons, potirons, concombres, partiques, to-
mates, aubergines, etc. , des plants de tabac, du piment, du
henné, enfin du mais et surtout du blé et de Torgc, si rares au
Djerid. Il convient Ă©galement de signaler deux hectares de
vignes entre El-Ksar et Lalla.
Malgré l'étendue de ces cultures, Gafsa n'est pas, comme El-
Oudiane, un grand jardin merveilleusement cultivé. Malgré
rirrigation, elle n a pas Taspect des belles palmeraies de To-
zeur, et, bien que ses arbres soient mal taillés, elle n'a rien de
la forĂȘt vierge qui forme la corbeille de Nefta. Elle tient Ă la
fois de chacune de ces oasis, elle tient aussi des oasis pauvres
d*El-Hamma et de FĂ©riana; par certaines de ses plantations
sĂšches d'oliviers elle ressemble mĂȘme aux olivettes de Sfax.
Comme le pays qui l'entoure, elle marque une transition entre
le centre et le sud de la Tunisie. Au point de vue hydro-
graphique, elle ne se singularise par aucun mode particulier
d'utilisation de Teau, ni par une réglementation rigoureuse
de l'irrigation ou des forages, mais bien plutĂŽt par l'abon-
1. FLEuav, Les industries indigĂšnes de la Tunisie, 1900, p. 95.â Vivien de Saint
Martin, ibid. â Rapport au PrĂ©sident, 1905, p. 567.
2. Baraban, op, cit.f p. 113-111.
LA GAFSA ANCIENNE. 4
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42 LPl GAFSA ancienne ET MODERNE.
dance relative, la constance et mĂȘme la rĂ©gularitĂ© du dĂ©bit de
ses sources et de ses puits : on peut donc la ranger, comme
les oasis des Zibans et de TAurĂšs, et mieux qu'elles encore,
parmi les « oasis telliennes* ».
La faune du pays gafsien est en Ă©troite harmonie avec la
végétation de cette zone de transition.
Dans les grandes plaines voisines de Gafsa, on rencontre le
liĂšvre; dans la montagne, le sanglier et surtout le mouflon,
gibier caractéristique du centre de la Tunisie. On y trouve
aussi des gazelles, venues de régions plus désertiques 2, des
flamants bleus et roses, semblables Ă ceux du Hodua et du
lac de Tunis et qui s'Ă©tablissent temporairement dans les ter-
rains humides couverts de tamarins. Enfin le pays est infesté
par endroits de serpents venimeux, de cĂ©rastes et de vipĂšres Ă
cornes, et les indigÚnes ont abandonné le djebel Seldja, k
cause de la multitude de reptiles de l'espĂšce tagarga qu'on y
rencontre ^.
Tous les animaux domestiques du nord, du centre et du sud
de la Tunisie sont représentés dans le territoire et dans l'oasis
de Gafsa : chiens, chevaux, mulets, Ăąnes, bĆufs, moutons,
chĂšvres et chameaux.
Les chevaux sont relativement peu nombreux malgré la
présence dans le pays d'importantes tribus nomades : 1.617
d'aprĂšs les statistiques officielles de 1892 (dans le territoire
militaire, le Djerid non compris), 586 seulement d'aprĂšs les
statistiques de 1899 (dans le territoire du contrĂŽle civil, le
Djerid non compris), 410 d'aprĂšs celle de 1900*; le cheval,
1. Brinhes, op. cit., p. 353.354. â Thomas, lellrez particuliĂšres.
2. La rĂ©gion du Bou Hedma oĂč ces animaux trouvent une nourriture assez
abondante, des couverts et la sécurité, est assez giboyeuse. On y trouve des
cailles, des tourterelles, des aigles. â Baraban, op. cil., p. 159.
3. Vivien de St-Martin, op. cit.
4. Statistiques officielles de 1892, p. 2<W. Bull. Dir.Af/r. et Corn.. 1900, juillet,
p. 91 ; 1902, p. 327.
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GĂOGKAPHIE PHYSIQUE. 43
dans le sud, est un véritable signe de la richesse de son pro-
priétaire. Les mulets, trÚs appréciés, sont peu nombreux : 121
en 1890, 150 en 1901. La bĂȘte de somme par excellence est
Tùne : bien adapté au pays, sobre, d'entretien peu coûteux,
vigoureux, il rend de grands services dans les jardins des
oasis, dans les douars nomades et mĂȘme pour le service de la
poste : il y avait en 1901, 5.207 Ăąnes dans le territoire de Gafsa
(9.437 en 1892, d*aprĂšs les statistiques de territoire militaire).
Le pays, par contre, se prĂȘte mal Ă l'Ă©levage des bĆufs, qui
vivent assez difficilement sous un climat trop méridional pour
eux ; on les rencontre généralement dans les parcours et les
douars nomades; cependant, quelques vaches de petite taille
paissent sous les oliviers de Gafsa, dans les parties non irri-
guées; et, comme dans le sahel de Sousse, il arrive que les
indigĂšnes se servent d'un bĆuf, attelĂ© avec un Ăąne ou un
chameau, pour leurs labours, mĂȘmedansles oasis. Leur nombre
est de 1.500 environ (2.289 d'aprĂšs les statistiques de 1891).
Les chameaux au contraire sont nombreux : 10.000 en 1901
(22.890 en 1892); ils sont seuls capables d'effectuer les lourds
transports Ă de grandes distances, et composent presque exclu-
sivement les caravanes importantes du Djerid et de Gafsa Ă
GabĂšs, au sahel de Sousse, Ă Kairouan, aux plateaux du Kef et
de Tebessa. Depuis l'Ă©tablissement du chemin de fer les cara-
vanes de Sfax deviennent de plus en plus rares : c'est Ă cette
cause sans doute et Ă la suppression de l'Ă©tat de guerre qu'il
faut attribuer la diminution considérable du nombre des cha-
meaux et des autres bétes de somme, accusée par les statis-
tiques comparées de 1892 et 1901.
Les animaux domestiques presque exclusivement employés
pour satisfaire aux besoins journaliers des indigĂšnes, nomades,
commerçants ou maraßchers, ne donnent pas lieu à d'impor-
tantes transactions : 10 chevaux seulement, en moyenne,
6 mulets, 36 Ăąnes, 55 bĆufs, ^i.O chameaux, furent prĂ©sentĂ©s
chaque mois en 1898 sur le marché de Gafsa, pendant les onze
derniers mois de l'année. Seuls les moutons et les chÚvres ont
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44 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
une grande importance commerciale : ils fournissent le pays
de laine et de viande de boucherie : on en fait Ă©levage. En 1898,
le marché de Gafsa reçut en moyenne 864 ovins et 567 caprins
par mois ^ Leur nombre sur le territoire était évalué respecti-
vement en 1901 Ă 60.000 et 22.700 tĂštes (169.290 et 232.726
en 1892), représentant 9 ^ et 5 ^ du troupeau tunisien, sans
compter les animaux transhumants des territoires voisins 2. La
diminution générale du cheptel tunisien constatée dans ces
dix derniÚres années s'est fait sentir à Gafsa dans de larges
proportions, malgré le climat particuliÚrement propice à Té-
levage.
La plupart des moutons, dans la région de Gafsa, sont des
barbarins Ă grosses queues, Ă laine grossiĂšre, Ă chair dure,
mais trĂšs vigoureux; les barbarins Ă queues fines sont assez
rares ^. La nature de la vĂ©gĂ©tation â tamarins salins, cactus,
retem, armoise blanche, â son abondance dans les annĂ©es plu-
vieuses, le morcellement du relief qui multiplie les pĂąturages
et permet aux pasteurs de se déplacer relativement peu aux
différentes saisons, rendent la région trÚs favorable à l'éle-
vage du mouton et de la chĂšvre : les troupeaux d'El-AyaTcha
trouvent à se nourrir toute Tannée dans le bled Thala, les
vallées de la montagne ou le bled Segui * ; les pùturages de
la partie du bled Segui, comprise entre Bir Chgeigga et le
Tarfaoui sont assez abondants pour nourrir 6.000 moutons
(4.000 nedi Ă grosses queues, 2.000 Ă petites queues)^; ils sont
si favorables à la race ovine que « les moutons du pays trans-
L Bull, Dir. Ayr. et Com., 18i)8, octobro, p. 97 et sq. ; I8Ăź)9, janvier, p. IM
et sq., avril, p. 96 et sq.
2. 1.228.481 moutons en 1802 (Bourde, Rapport sur l'Ă©levage dit. moiUon, p. 6),
717.899 en 1901 (Bull. Dir. Agr. et Coin., 1902, p. 327). L'Ă©tendue plus grande
du territoire de Gafsa en 1892 (territoire militaire) et peut-ĂȘtre les difficultĂ©s
plus grandes rencontrées pour le recensement de 1892, ainsi que les époques
diffĂ©rentes oĂč Ton a pu faire les recensements, ont contribuĂ© sans doute Ă
l'Ă©cart Ă©norme des chiffres des deux statistiques.
3. Delecraz, L'Ă©levage du mouton en Tunisie, II. Tun.y 1897, p. 102.
4. Delecraz, loc. cit., p. 101.
5. R. Afr. fratii^aisey 1888, p. 193-19^1.
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(GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 4Ăźi
portés en un autre point de la Tunisie y dépérissent, et que
les bĂȘtes Ă©trangĂšres qui y sont importĂ©es prospĂšrent rapide-
ment * ».
Le massif gafsien mérite donc bien le nom de « pays du
mouton » que nous appliquions précédemment.
Le territoire de Gafsa doit Ă©galement Ă son climat et Ă sa to-
pographie de ne pas ĂȘtre dĂ©favorable Ă Thomme. Les indigĂš-
nes sont établis à Gafsa depuis les périodes préhistoriques. Les
I.IOO ou 1.500 hectares de Toasis de Gafsa et de ses annexes
nourrissent aujourd'hui 6.000 Ă 7.000 habitants, 450 Ă 500 ha-
bitants au kilomÚtre carré; plus de 70.000 nomades, ksouriens
et carriers vivent sur le territoire du contrĂŽle de Gafsa et
viennent en partie s'approvisionner dans l'oasis 2.
Les indigÚnes vivent dans des conditions de santé satisfai-
faisantes : les éruptions cutanées soignées par les eaux de Sidi
Ahmed Zarroung, les ophtalmies, les autres maladies, n'y sont
pas plus répandues que dans le centre ou le nord de la Tuni-
sie ; elles sont infiniment moins frĂ©quentes qu'Ă Tozeur et Ă
Nefta, oĂč des fiĂšvres pernicieuses sont provoquĂ©es par l'extrĂȘme
et perpétuelle chaleur et les émanations malsaines des rives du
Chott, marécageuses à certaines époques, et des jardins plus
étendus, noyés sous l'eau d'irrigation.
A Gafsa, les EuropĂ©ens vivent facilement, mĂȘme en Ă©tĂ©, Ă
condition d'ĂȘtre sobres et de prendre quelques prĂ©cautions
contre la chaleur et le surmenage : les fonctionnaires, les
officiers et les disciplinaires de la garnison, mĂȘme les ingĂ©-
nieurs et les employés de Hetlaoui ne sont pas éprouvés par le
climat, tandis que le séjour du Djerid, foyer de malaria, est
dangereux : les Européens qui y demeurent trop longtemps
1. Du Paty de Clam, Ătude sur le Djerid, Btdl. gĂ©ogr. Coin. tt\ hkl. el se,
1893, p. 284, en noie.
2. La Ttmisief p. 423-425. â Infra, p. 186-188. â Uannexe de Tozeur et du
Djerid n*est pas comprise dans ces chilTres.
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46 LA GAFSA ANCIKNNE ET MODERNE.
sont atteints par la dysenterie et les fiÚvres, tués par la phti-
sie : aux quinze ou vingt Français du Djerid, Toasis septentrio-
nale de la montagne Gafsa fait presque Tefifet d'un sanato-
rium.
Ainsi toute la vie de Toasis et du pays de Gafsa est en Ă©troite
relation avec les conditions géographiques de la région : c'est
à l'érosion, au ruissellement, à l'état atmosphérique de l'air,
au régime des pluies, au débit des sources et des puits que
sont dus la dénudation des djebels et les détails de la topogra-
phie locale, la végétation pauvre mais relativement abondante
des bleds, et les jardins des oasis ; c'est gr&ce à la végétation et
au climat que les animaux et l'homme peuvent vivre sur cette
limite du Sahara. Le climat lui-mĂȘme est la consĂ©quence de la
forme orographique du pays, de la hauteur et de Torientation
de ses montagnes: c'est au dj. Serraguia, auBou Ramli, Ă l'Or-
bata, au Jellabia, au Seldja, que Gafsa doit son existence sécu-
laire d'oasis prospÚre dans une « marche tellienne ».
Cependant l'aspect de la région de Gafsa n'a pas toujours
Ă©tĂ© le mĂȘme. A l'Ă©poque romaine, le pays maintenant presque
désert à Gafsa, à Tebessa, à Kairouan et à Sfax, était parsemé
de villes florissantes dont les ruines parfois imposantes s'Ă©lĂš-
vent dans les vallĂ©es aujourd'hui dĂ©solĂ©es : Thelepte (50 Ă
60.000 hab., FĂ©riana), Suffetula (20 Ă 25.000 hab., Sbeitla),
Cillium (12 Ă 15.000 hab.), Thysdrus (El-Djem, 100.000 hab.),
â de gros bourgs : Nara, Bararus, Cilma, ThigĂšs sur la route
du Djerid, Thasarto dans le bled Segui; de villages et de
fermes disséminées; et « quand les premiers conquérants
arabes arrivĂšrent, on pouvait, de Tripoli Ă Tanger, cheminer Ă
l'ombre à travers une ligne ininterrompue de villages * ».
« Dans les environs de Gafsa, écrit au xi* siÚcle le géographe
1. Bourde, op. cit., p. 22 ot passim.
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(iĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 47
El-Bekri, on compte plus de 200 bourgades florissantes, bien
peuplées et arrosées K » Gafsa se trouvait dans cette vaste et
mystĂ©rieuse forĂȘt qui couvrait la terre d'Afrique.
Cette prospérité surprenante, dont les années fertiles elles-
mĂȘmes ne peuvent aujourd'hui nous donner une idĂ©e, sembla
due longtemps Ă des phĂ©nomĂšnes climatiques disparus, Ă
Texistence d'une mer intérieure située au sud de la Tunisie et
de l'Algérie, dans la région actuelle des chotts, et connue dans
la légende et l'histoire sous le nom de lac Triton : un courant
méditerranéen venu de la petite syrte par un détroit qu'indi-
quent encore le chott El-Fedjedj et l'oued Melah, aurait ali-
menté cette masse d'eau ; les vents violents du sud, à la tra-
versée de ce réservoir, se seraient chargés d'humidité, puis, se
heurtant Ă l'AurĂšs et au massif gafsien, les auraient abondam-
ment arrosés, au lieu d'y accumuler le sable du désert; le
pays se serait couvert d'une végétation abondante. Avant l'oc-
cupation romaine, les éléphants auraient vécu en liberté dans
les balliers et les marécages du sud de la ByzacÚne ^. Peu à peu
le détroit de GabÚs aurait été obstrué ou la cÎte de la Syrte au-
rait été soulevée, comme toute celle delà Tunisie; la mer inté-
rieure, privée du courant méditerranéen, aurait été asséchée
par révaporatßon; le pays serait devenu stérile.
Cette théorie séduisante soutenue par l'autorité de Tissot et
les premiĂšres Ă©tudes du commandant Roudaire fut longtemps
admise comme solution du problĂšme : M. de Lesseps se mit Ă
la tĂȘte d'un mouvement favorable Ă la reconstitution de l'an-
cien golfe Tritonide : grùce aux eaux de la mer intérieure, de-
vait bientÎt renaßtre la légendaire richesse agricole et fores-
tiÚre de l'antique ByzacÚne et de la région de Gafsa.
L'existence dans le sud de la Tunisie, Ă une Ă©poque histo-
rique, d'un systĂšme hydrographique maritime, fluvial et
lagunaire connu sous le nom de Triton, n'est pas douteuse :
1. El-Bekri, Description de VAfmqiĆ septenlrionaley p. 114.
2. Tissot, op.cii., p. 303-371. De la BlanciiĂške, op. cit., passiin, ot p. 8^1.
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48 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
elle est signalée par les géographes de l'antiquité : Hérodote,
Scylax, Pomponius MĂȘla, Pline ^ A marĂ©e haute, les marins
grecs pouvaient tirer leurs barques sur le sable et passer dans
le lac Triton, avec Taide de pilotes indigĂšnes 2; une lie se trou-
vait au milieu du détroit qui faisait communiquer avec la mer
le lac ou golfe Tritonide ^. Ce golfe était évidemment situé
dans le sud de la Tunisie et ne saurait se confondre avec le
Triton que Strabon place au fond de la grande syrte * : Tcxis-
tence de la marée, le voisinage de Tautel des PhilÚnes, le
fait que le pays des nomades et des sables ne s'arrĂȘtait pas
exactement Ă la rive orientale et que le pays des agriculteurs
commençait à une certaine distance seulement de sa rive sep-
tentrionale ^, le placent nécessairement au voisinage de Toasis
actuelle de GabĂšs.
Mais les travaux de H. Fuch, les conclusions des rapports de
la mission Roudaire, les études géologiques de H. Rolland et
de M. PervinquiĂšre, les opinions de Pomel, Reclus, de Vivien
de Saint-Martin, de M. Marcel Dubois, semblent distinguer abso-
lument le chott Djerid et l'ancien lac Triton. En eflfet le seuil
de GabÚs qui sépare le chott de la mer est formé d'une assise ro-
cheuse quaternaire de 13 mĂštres au minimum, recouverte de
Sk mĂštres au moins de limons, sables gypseux et cailloutis; le
chott Djerid lui-mĂȘme est Ă©levĂ© de 15 Ă 20 mĂštres au-dessus du
niveau de la mer; un seuil rocheux de 91 mÚtres le sépare des
chottsRharsa etMelghir; au delĂ seulement, Ă 173 kilomĂštres
de la mer, commencent les dépressions creusées en contrebas
de la Méditerranée ^. Toute la partie orientale du Sahara et
les plaines des chotts tunisiens sont de formation quaternaire
et, de l'avis des géologues les plus autorisés, semblent d'ori-
1. HĂRODOTE, IV, CLXxviii. PĂ©HpIe de Scylax, 110. Pompomis MĂȘla, I, vi cl
VII. PUNE, V, IV.
2. HĂ©rodote, Melpomcne, clxxvii-clxxx, clxxxvi-cxci.
3. Scylax, Pomponius MĂȘla, loc. cit.
4. Strabon, xvii, 17.
5. PervinquiÚre, la Tunisie au début du A'-V* siÚcle^ p. 01.
i'i. E. Reclus, GĂȘoyraphie VniverseUe^ XI, p. HXĂź. V. de St-Martin, op. cit.
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. 49
gine lagunaire; les fossiles qu'on y a trouvĂ©s appartiennent Ă
des espĂšces d'eau saumĂątre*. L'existence des garaats et des
sebkhas du massif gafsien et des chotts des haufs plateaux
algériens et tunisiens s'explique par l'évaporation d'eaux plu-
viales accumulées qui s'étaient chargées de matiÚres salines
au cours de leur ruissellement et de leur passage dans le sous-
sol : il ne semble pas nécessaire de faire intervenir Teau de
la mer pour justifier l'existence des chotts du sud.
D'ailleurs, le pays de Gafsa, si fertile sous la domination
romaine, et mĂȘme si marĂ©cageux Ă l'Ă©poque oĂč Carthage aurait
pu, d'aprÚs certains auteurs, s'y approvisionner en élé-
phants ^j Ă©tait absolument aride quand Marins s'en empara :
la description qu'en donne Salluste serait encore vraie aujour-
d'hui : « Le pays, dit-il, est défendu mieux encore par la dif-
ficulté des lieux que par ses guerriers ^. » Il est pauvre en blé,
mais on trouve des oliviers en abondance sur la cĂŽ(e ; la ville
de Capsa, entourĂ©e de jardins oĂč travaillent les habitants, est
située dans un désert de sables, infesté de serpents. Pour at-
teindre l'oasis l'armée romaine dut marcher trois jours sans
trouver d'eau. La région, il y a vingt siÚcles, ressemblait telle-
ment Ă ce qu'elle est aujourd'hui que Ton a pu reconstituer
Ă©tape par Ă©tapes la marche de Marins sur Capsa ^. Le golfe Tri-
tonide n'existait pas Ă la place du chott Djerid, Ă 40 kilomĂštres
de Capsa : Salluste en parlerait ^. Il faudrait admettre que
la mer intérieure, si jamais elle baigna cette région, avait
1. CuoisY et KoLLAND, clocumcnts, Ole, carto, passini. Pï!nviN«iiiKRK, op. r«7.,
p. (Ă2 Ă (».
2. TissoT, op. cit., p. 367 et 30K.
3. Salixste, Jnfjxirtha^ Lxxxix.
4. Ibid.y xci, et passim. Appendice^ p. 179 et sq.
5. TissoT, toc. cit. Le récit d'Appien (de Heb. pun., 40), la description de
Strabon (XVII, 3, 19), qui parlent de fleuves disparaissant dans le sable et de
tacs des salines, condamnent mOme la supposition de Texistence du Triton et
de» éléphants sauvages à Tépoque de la prise de Carthage, 14G. C'est pourtant
Ă cette Ă©poque que les Carthaginois s'approvisionnĂšrent, dit-on, dans le sud,
d'éléphants de guerre.
Salluste, Jugurlha, xix et sq.
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oO LA GAFSA ANCIENNE ET MODEKNE.
subitement disparu depuis HĂ©rodote, pour reparaĂźtre entre la
prise de Capsa par Marins et le i*** siĂšcle de notre Ăšre ^ et dis-
paraßtre encore au iV siÚcle '^ sans que Thistoire et la légende
du pays indiquent de pareils bouleversements géologiques ^ !
Il n'apparaßt donc pas qu'une mer intérieure ait jamais
contribué à la fécondité de la région de Gafsa, à une époque
historique ou mĂȘme quaternaire. Si Ton veut localiser l'ancien
lac Triton, c'est sans doute le golfe de GabĂšs lui-mĂȘme ou le
golfe de Bou Grara, peut-ĂȘtre ces deux syrtes ensemble, qu'il
faut considérer comme les restes du légendaire bassin hydro-
graphique du sud de la Tunisie : cette solution présente au
moins l'avantage de ne pas supposer des mouvements du sol
invraisemblables à une époque toute récente *.
Et cette mer intérieure eût-elle existé, son effet n'aurait pas
1. PoMPOMUs MĂȘla, iv et vii. â Pune, V, iv, etc.
2. Orosius (I, II) et Aethicus {Cosmog., II, xlv) désignent le Chott el-Djerid sous
le nom de lacus salinarum.
3. Le texte de Diodore (III, iv) s'applique sans doute Ă une lagune de la cĂŽte
marocaine.
4. Cette solution, conforme aux nécessités géographiques, est aussi en har.
monie avec les textes. - Dans la Syrte^ Ă©crit Scylax (110, traduction Tissot,
op. cil.y p. 137), est une ßle appelée Tritonide et là aussi s'élÚve un temple d'A-
thénée tritonide. Le lac a une embouchure étroite et l'ßle est dans cette em-
bouchure. Et, lorsque la marée est basse, il semble parfois impossible de faire
pénétrer les navires dans le lac. Le lac lui-mÎme est grand et mesure environ
mille slades de pourtour. » Cette description est Ă peu prĂšs la mĂȘme que celle
d'HĂ©rodote : l'Ăźle Tritonide pourrait trĂšs bien ĂȘtre l'Ăźle de Djerba, habitĂ©e,
depuis la plus haute antiquité, ainsi que la presqu'ßle voisine de Zarzis, par
d'industrieuses populations et fréquentée parles navigateurs phéniciens et grecs
(ßle et presqu'ßle des Lotophages) ; le lac serait la mer de Bou Grara. Le péri-
mÚtre de piille stades attribué au Triton est assez voisin dos 1 10 kilomÚtres
(les cĂŽtes du golfe de Bou Grara, qui a pu ĂȘtre lĂ©gĂšrement plus Ă©tendu
autrefois. « La syrte, Ă©crit MĂȘla (I, trad. Panckouke, p. 22), est un golfe qui a
presque cent mille pas d'ouverture..., d'un abord trÚs périlleux, moins à cause
dos écueils et dos bas-fonds dont il est parsemé, qu'à cause du flux et du re-
flux de la mer qui est continuellement agitĂ©e dans ces parages. Au delĂ
{super) est un grand lac qui reçoit le fleuve Triton et s'appelle Tritonis. - Aux
navigateurs efl*rayés par la marée inconnue d'eux, la mer intérieure de Bou
Grara devait paraĂźtre un refuge. Le fleuve et le lac Triton, dit Pline (V, iv), esi
situé « citra minorem syrtim » ou, d'aprÚs de nombreux autres témoignages^
⹠inter duas syrtes -.M. PervinquiÚre, dans La Tunisie au début du XX" siÚcle,
considĂŽre le fond du golfe de GabĂšs lui-mĂȘme, afl*aissĂ© Ă une Ă©poque rĂ©cente,
comme l'ancien lac Triton.
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GĂOGRAPHIE PHYSIQUE. al
été nécessairement si bienfaisant qu'on veut bien le dire pour
la vĂ©gĂ©tation du pays de Gafsa. La cĂŽte tunisienne, de Sfax Ă
Zarzis, borde une mer intĂ©rieure, le golfe de GabĂšs, peut-ĂȘtre
Tancien lac Triton : or c'est Ă peine si les pentes qui des-
cendent de la Sebkra en-Nouall Ă la mer sont recouvertes au
printemps de pĂąturages plus abondants que les steppes de
rarriĂšre-pays gafsien^ ; les pluies ne sont pas beaucoup plus
abondantes Ă Sfax qu'Ă Gafsa, elles sont sensiblement moins
abondantes Ă GabĂšs; la cĂŽte est aride, sans arbres; les pal-
miers de GabÚs enfin, malgré l'important débit des sources de
Toued Helab, sont beaucoup moins beaux que les datiers sé-
culaires du Djerid, moins beaux mĂȘme que ceux de Gafsa;
leurs fruits sont de qualité inférieure.
D'ailleurs il ne faudrait pas exagérer la vigueur de la végé-
tation plus abondante qui a pu couvrir le sud de la Tunisie Ă
certaines Ă©poques, ni se tromper sur sa nature. Le chĂȘne liĂšge
et le chĂȘne zĂ©en qui croissent facilement sur les grĂšs du nord
de la Régence dépériraient sur les sols calcaires des massifs du
centre et de la région gafsienne. Il n'y a guÚre que les espÚces
signalées plus haut qui soient susceptibles de vivre dans le
pays: palmiers, pins d'Alep, genévriers de Phénicie, gomniiere,
betoums, oliviers et arbres fruitiers : sauf le palmier qui vit en
terrains irrigués, ce sont des arbustes de taillis plutÎt que des
arbres ; ils ne peuvent guÚre dépasser ï à 6 mÚtres, ni subsister
ailleurs que dans les plaines, les hautes vallées et les terrasses
montagneuses oĂč le sol conserve quelques gouttes d'humiditĂ©,
et le nom de culture de terre sĂšche que l'on donne Ă l'olivier
doit s'entendre sous cette rĂ©serve. Sur les crĂȘtes calcaires trop
perméables pour conserver longtemps de l'eau prÚs de la
surface, la broussaille seule peut résister. Quant aux tamarins
des dépressions salines, il ne faut pas exagérer leur importance :
les noms de marécages et de lagunes que nous avons pu don-
ner Ă certains cantons moins secs ont un sens tout Ă fait re-
1. TiRAST et Rebatel, Op. Cit. y p. 310.
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o2 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
latif dans une contrée soumise au climat méditerranéeD.
Aussi nous paratt-il difficile d'admettre Texistence de forĂȘts
vĂ©ritables sur les crĂȘtes du sud de la Tunisie, et de « jungles «^
de « halliers », de « roseaux géants », « patrie des éléphants
et des crocodiles »^ dans les cirques fermés, dans le bled Tar-
faoui, la haute plaine du Seldja, dans le bled Segui, mĂȘme
dans le bled Thala et la vallée de TOum el-Ksob. Si les Car-
thaginois entretenaient des éléphants dans leur armée, s'ils
pouvaient s'en approvisionner Ă quelques jours de Carthage
en cas de danger, ce n'est pas forcément que ces animaux vi-
vaient en liberté dans le sud de la ByzacÚne : Annibal en Es-
pagne, en Gaule, en Italie, traßnait des éléphants à sa suite
sans qu'il y en eût à l'état sauvage dans les pays envahis.
Les Carthaginois ne pouvaient-ils simplement posséder des
fermes d'Ă©levage et de dressage dans l'Afrique du nord, en
ByzacĂšne et peut-ĂȘtre dans le bled Thala relativement moins
dépourvu d'eau, prÚs de la source thermale de Bou HaddÚge
et de l'Hir. Cherchara, ou bien plutÎt dans les bois trÚs arrosés
de Kroumirie?* A force de soins, en effet l'éléphant s'acclimate
sous des climats différents de celui de sa patrie d'origine :
mais il ne semble pas qu'il puisse vivre, livrĂ© Ă lui-mĂȘme,
dans les régions méditerranéennes. D'ailleurs Salluste ne
parle pas de ces mythiques éléphants sauvages; la descrip-
tion qu'il donne du pays gafsien est celle d'un steppe dé-
sertique : l'éléphant ne vit pas dans un désert de sables
mais dans la forĂȘt humide, et l'on n'a pas trouvĂ©, dans le
bled, plus de défenses d'ivoire que de crocodiliens fossiles.
Cependant les raisons et les témoignages que nous donnions
plus haut sont indiscutables : au commencement de l'Ăšre
chrétienne le pays était prospÚre et boisé sur de grandes éten-
1. Tellier, op. cit., p. 05
2. De la Blancukke, op. c'U.j p. 81.
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GĂOGRAPIIIK PHYSIQUE. 53
dues. Mais précisément ces témoignages et ces raisons nous
fournissent l'explication d'une contradiction apparente entre
l'histoire et la géographie. Hérodote nous avertit que « la
Lihye, dans ses meilleures régions, ne parait pas assez fertile
pour ĂȘtre comparĂ©e Ă l'Asie ou Ă l'Europe »> . C'est de « jar-
dins » que parlent les textes arabes, et les ruines nombreuses
de fermes et de villages romains parsemés dans les bleds,
Texistence mĂȘme de citĂ©s importantes aux carrefours des
grandes routes, nous indiquent bien que la forĂȘt africaine ne
fut pas l'Ćuvre de la nature mais de l'industrie humaine qui
la créa et l'exploita : par une ingénieuse économie de l'eau
jaillante et ruisselante, les agriculteurs avaient fécondé le
pays; l'examen détaillé des travaux romains nous le montre;
et les barrages, les citeiiies, les aqueducs subsistants, s'ils
Ă©taient en Ă©tat et aussi bien entretenus, contiendraient sans
doute autant d'eau qu'Ă l'Ă©poque oĂč ils furent construits; il
ne nous semble pas permis de supposer une variation sen-
sible du débit des sources et des oueds depuis dix-huit siÚ-
cles; il y a peu de travaux d'irrigation, et les débris de pres-
soirs, lesnoms significatifs de ruines nombreuses : KsarZitouna,
Hir. Zitouna « le chùteau de l'olivier » nous prouvent que la
« forĂȘt mĂ©ridionale » fut une plantation de cultures indigĂšnes
de terre sĂšche, une immense olivette, semblable aux olivettes
modernes de Sfax, de Sousse et de Haknassy ^
Ainsi la nature ne fut pas transformée : mais l'homme uti-
lisa sagement les ressources qu'elle lui donnait.
Les travaux humains d'ailleurs ont pu réagir dans une
certaine proportion sur les forces naturelles utilisées : le sol,
cultivé, retenait mieux l'humidité et la terre devint sans doute,
Ă la longue, plus fertile; le sable se fixa; sous l'influence des
cultures, les pluies et les rosĂ©es purent ĂȘtre plus abondantes;
et, dans les cantons pauvres respectés par la colonisation, sur
la montagne mĂȘme, les arbustes, les tamarins, les broussailles
1. HĂRODOTE, IV, cxcviii. Cf. Ics articlcs de Wolfrom, de Carton, etc. Infra,
p. G2 et sq., lOl et sq.
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54 \A GAFS\ ANCIENNE ET MODERNE.
cl les herbes, préservés du pacage par la prédominance de la
vie sédentaire, purent former un maquis* plus serré.
Mais la vie pastorale reparue, la broussaille livrée de nou-
veau auv moutons et aux chĂšvres, le chameau introduit dans
les olivettes abandonnées, les citernes comblées et les bar-
rages rompus, l'eau torrentielle dépouilla de nouveau les
pentes, le sable envahit les bleds ; et le pays redevint ce qu'il
rtail autcmpsdeMarius,ce qu'il est aujourd'hui. Il n'est certes
pas nécessaire de supposer l'apparition vers l'an 1250 du
M maximum de chaleur de l'époque ioterglaciaire actuelle »* :
l'incurie humaine suffit à expliquer l'aridité des environs de
Gafsa et du sud de la Tunisie.
C'est le détail de cette prospérité et de cette destruction
successives produites par l'activité et Tinertie des hommes,
qu'il convient d'Ă©tudier maintenant.
1, Mfircj'l Dubois, fa Tunisie au début du A' A* siÚcle, Introduction géogra-
phique ^ p. 2f>-27.
'lu TcLUER, toc. cil. y p. 55.
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CHAPITRE II
HISTOIRE ĂCONOMIQUE
La création des jardins de Gafsa remonte aux époques les
plus reculées. L'existence, autour de Gafsa, d'une population
nombreuse qui employait comme instruments de travail des
scies et des bĂȘches ^ nous semble la preuve certaine qu'il
existait sur les bords de Toued Balach, à l'époque préhis-
torique, une palmeraie exploitée et des vergers soigneusement
cultivés. Les habitants les plus anciens de Gafsa, les Djeridis
origioaires d'Egypte ou de Nubie 2, durent apporter avec eux les
procédés agricoles de la vallée du Nil, facilement applicables
sous un climat presque semblable, aux plantes communes Ă
leur aïkcienne et à leur nouvelle patrie; les races méditer-
ranéennes qui se rencontrÚrent dans la suite à Gafsa ^ purent
contribuer au perfectionnement des cultures d'irrigation
connues dans leur pays d'origine, et sans lesquelles Thomme
n'aurait pu subsister dans le sud de la Tunisie primitive, trop
isolée de foyers importants de ravitaillement. Il est permis
d'entrevoir, Ă l'Ă©poque des premiĂšres migrations humaines
dans le sud de la Tunisie, ces progrĂšs de l'agriculture de
l'oasis, arrivée de nos jours à un si grand degré de perfection.
Sous l'influence des invasions orientales postérieures, l'oasis
dut augmenter en étendue et en richesse, comme, la cité
1. Appendice, p. 1 18.
2. Id., p. 151 etsq.
3. fd., p. 155 et sq.
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56 TA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
grandit en population et en importance politique : « THéca-
tompyles » égyptienne, la Kafaz phénicienne * ne pouvaient
exister sans de vastes jardins pour les nourrir. Et tandis que les
Ăgyptiens introduisaient leurs casques, leurs armes, leurs cui-
rasses Ă©tiez les populations riveraines du lac Triton ^, ils
apportaient avec leurs armées et leurs caravanes, sll faut en
croire la légende, cette espÚce de palmiers particuliers aux
lies Pharaoun et dont les dattes ne mĂ»rissent pas ^, peut-ĂȘtre
aussi Folivier et d'autres arbres fruitiers venus d'Orient en
Tunisie, des légumes, et, sans doute, leurs primitives araires
dont nous voyons encore, dans Toasis et dans la région de
Gafsa, des copies à peine modifiées, traßnées, comme les
ctiarrues des bas-reliefs Ă©gyptiens, par un bĆuf sous le joug,
par un Ă ne, ou par un chameau ^.
A l'Ă©poque oĂč les nĂ©gociants phĂ©niciens, puis les navigateurs
grecs, frĂ©quentaient le golfe de GabĂšs et pĂ©nĂ©traient peut-ĂȘtre,
à quelque distance de la cÎte ^, jusqu'à Kafaz, appelée par
Tissot grand emporium saharien ^, presque tout le pays situé
entre le rivage des Syrtes et cette oasis était occupé, comme
aujourd'hui, par des nomades ^ « qui aimaient mieux mettre
leurs terres en pĂąturages pour leurs troupeaux, que de les
ensemencer » ^ et « combattaient la disette d'eau en se nourris-
sant presque toujours du lait et de la viande des animaux
sauvages » ^ : la nourriture de ces pauvres tribus était « toute
pour la lutte contre la faim et la soif », sans que rien existùt
pour le caprice et pour le luxe ^^ .
1. Ibid., p. 72-74, 89.
2. HĂRODOTE, MelpomĂšne, clxxx.
âąJ. Tissot, op. cit., I, p. 116. â Siiaw, I,p. 274.
4. Hamy, laboureurs cl pasleurs berbÚres, ex .4 /«s, 1900, p. 6-7-10.
5. Tissot, op. cil., 1, p. 102-10:J, 436-437, 478-479. â Berard, La MĂ©dilerranĂ©e
phĂ©nicienne, Ann. GĂ©ogr., 1895-6, p. 275. â HĂ©rodote, IV, clxxxiii, clxxix, clxxx.
6. Tissot, op. cil., II, p. 668.
7. Tissot, op. cil., I, p. 438-439, 180-482. â HĂ©rodote, clxxx, clxxxvii, clxxxvih,
cxci, cxciv (IV). â Strabon, XVII. â Melv, I, v, viii. â SallustEj/m^., xviii.
8. Salluste, Jug., xc.
9. Salluste, Jug., lxxxix. HĂ©rodote, IV, rixxxvi.
10. SaLLL'STE, y^^r.^ LWXIX.
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE. 57
Leurs vĂȘtements, trĂšs primitifs encore, Ă©taient faits des
peaux et du poil de leurs bestiaux : la peau de bique Ă©tait le
costume des femmes libyennes K Certaines de ces tribus avaient
des villages ou des campements relativement fixes dans la
région tourmentée et presque ioaccessible du dj. Oum el-Alleg-,
et du dj. Biadha, oĂč HĂ©tellus put trouver, semble* t -il, quel-
ques ressources pendant son expĂ©dition contre Thala, et oĂč
s'Ă©lĂšveot encore les Ksour sauvages de Sened, Sakhet, Hecb,
El-Ayalcha. Le blé manquait dans la région, et Métellus et Marins
durent en faire de grandes provisions pour nourrir leurs
armĂ©es 2. Ces populations privĂ©es mĂȘme du chameau ^, qui
facilite aujourd'hui leurs déplacements et leur ravitaillement,
rĂ©duites Ă se servir, dans leurs migrations, du bĆuf et du
cheval, devaient ĂȘtre extrĂȘmement misĂ©rables : leur existence
devait ĂȘtre bien prĂ©caire *.
A l'Ă©poque oĂč les Romains y arrivĂšrent, il n'y avait guĂšre
de riches dans le pays que les habitants de l'oasis de Capsa
dont nous signalons plus loin le grand rĂŽle politique. DĂšs l'au-
rore ils sortaient en foule de la ville et se répandaient aux alen-
tours, sans doute dans leurs jardins, si admirables que Marins
dut empĂȘcher ses soldats Ă©merveillĂ©s « de piller » pendant leur
marche de la montagne vers les murs de Capsa ^.
« Il y avait à l'intérieur de la ville une fontaine d'eau vive »
et les Capsitani « se servaient aussi de l'eau de pluie » ^ en se
conformant sans doute Ă des rĂšglements d'eau indispensables
en ce pays. Quand ils furent maßtres de la cité, les soldats de
Marins firent un butin inaccoutumĂ©; et peut-ĂȘtre, pour avoir
1. TissoT, op. cit., 1, p. 339. HĂ©rodote, IV, clxxxix. Diodoke de Sicile, III,
ALIX, a. SiLius Italicus, III, vcrs 267.
2. Appendice, p. 14'2-143. Salluste, Jug.^ xc, xci, lxxv.
3. Le chameau n'existait pas en Afrique avant le roi Juba; il n'y fut com-
munément employé qu'à la (In du iv* siÚcle; Tissot, I, 310-354.
4. Salluste, Jug.y passim. C'est pour reconquérir leurs terres de parcours
prises en partie par les Romains que les Gélules de Tacfarinas se révoltÚrent de
25 av. J.-C. Ă -22 ap. J.-C.
5. Appendice, p. 182.
t>. Salluste, Jug., lxxxix.
LA GAF8A ANCIENNE. 5
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58 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
une idée de la richesse de Capsa, « trésor de Jugurtha », peut-
on rapprocher du nom de Toasis le mot romain employé par
Martial et par Pline * : Capsa le coffre, la case, la cassette oĂč
Ton range les fruits.
La nature et l'industrie des hommes avaient assigné de-
puis longtemps Ă la ville et Ă Toasis de Capsa le seul emplace-
ment oĂč pouvait prospĂ©rer une grande citĂ©, dans le long
massif montagneux qui forme la limite méridionale de la Byza-
cÚne. Les Romains y trouvÚrent des sources au débit constant,
captées et réglementées, et probablement des citernes pour
recueillir l'eau de pluie. Ils n'eurent pas besoin d'y créer, de
toutes piĂšces, comme dans le nord de la Province, des habita-
tions et des installations hydrauliques ^. Mais ils ne négligÚrent
rien pour améliorer le régime des eaux de la ville, accroßtre la
prospérité de l'oasis et faciliter à ses habitants le séjour du
pays.
Les sources de Capsa furent de nouveau soigneusement cap-
tées : « Celle delà Kasbah jaillit au fond d'un bassin antique
auquel conduit un escalier d'une vinglaine de marches et qui
communique par un conduit souterrain avec un second réser-
voir » ouvert sur la façade sud-est de la citadelle ^. « La source
du Dar el-Bey alimente d'abord plusieurs petits bassins sé-
parés, de construction antique, et se déverse ensuite dansdeut
grandes piscines rectangulaires appelées l'une Termil er-Ra-
djal le « bassin des hommes », l'autre Termil en-Nra, le
« bassin des femmes ». La premiÚre, construite en blocs de
grand appareil, peut mesurer vingt-cinq mĂštres sur vingt. La
profondeur est assez considérable pour que les plongeurs de
L Salluste» Jttg.y xrii. Martial, II, 8. Pline, xv, xvii, xviii, n° 4.
2. Galckler, Les Aménagements agricoles et les travaux d*arl des Romains
en Tunisie, /?. G. Se., 30 nov. 1896, p. 956.
3. TissoT, op. cit., II, p. 6*36.
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HISTOIKE ĂCONOMIQUE. 59
Gafsa paissent, sans inconvĂ©nient, s'y prĂ©cipiter la tĂȘte la pre-
miĂšre, du haut de la terrasse du Dar el-Bey, qui domine le
Termil de plus de trente pieds. Un passage voûté fait commu-
niquer ce bassin avec le Termil en-Nra qui porte aussi le nom
d'Ain Zagalm ou d'Ain er-Roumi ^ Cette seconde piscine est
beaucoup moins large et beaucoup moins profonde que l'autre.
La muraille qui l'encadre au nord-est a été remaniée plusieurs
fois 2. Une inscription malheureusement trÚs mal conservée
nous apprend que Junius fils de Cneus fit construire de ses
propres deniers ce « temple des eaux » de Toasis ^.
Un passage d'El-Bekri fait supposer que Tenceinte de la
grande mosquée contient également une piscine antique, plus
considérable encore que celle dont nous venons de donner la
description. « Dans l'enceinte de la mosquée Djami, dit le géo-
graphe arabe, est une grande fontaine dont le bassin, revĂȘtu
en pierre et de construction antique, a quarante brasses tant
en longueur qu'en largeur âŠ. »
Enfin sir Grenville Temple ^ et Pellissier ^ signalent une ins-
cription mentionnant la construction d'une conduite d*eau aux
frais du citoyen de la cité Caïus Calenius. Cet empressement
des simples citoyens à doter leur cité de chùteaux d'eau et d'ou-
vrages hydrauliques, indique bien, dans un pays oĂč les fonda-
tions publiques Ă©taient ainsi offertes selon l'usage pour le bien
dumunicipe ^, l'importance que les gens de Capsa attachaient Ă
perfectionner leurs moyens d'alimentation en eau.
M. Doumet Adanson a reconnu d'ailleurs Ă l'est-nord-est de
Gafsa, dans le sable du bled, un ensemble de huit puits,
1. Ce nom d'AïQ er-Roumi indique sans doute l'origine européenne des an-
ciens constructeurs de la piscine, ancĂȘtres des chrĂ©tiens.
2.T1SSOT, op. cil., II, p. 666-067. Sai.aoin, Mission Arch.en Tun,y Arch. Miss,
se. el (il., XIH, p. 101 {3« série).
3. âą Sacrum aquai âą. Tissot, p. 667; Corpus, VIII, n* 120.
4. TissoT, op. cil.y II, 667-668.
5. Sir Grenville Temple, Excursions in the Medilerranean, lU p. 321.
6. Pellissier, R, d'Arch., 1847, p. 272, n* 4.
7. TouTAiN, Les cités romaines, p. 162-161. Caosat, La Tunisie à l'époque ro-
maine, Tunisie au débxU du XX* siÚcle, p. 211.
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60 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
d'auges et de bassins circulaires ruinĂ©s paraissant destinĂ©s Ă
fournir et à recueillir de Teau puisée au moyen de norias :
Timportance des fondations de cet Ă©tablissement, des traces
trÚs nettes de chambres, des débris innombrables de pote-
ries et de maçonneries, ia nature sulfureuse de l'eau de ces
puits, ont fait supposer Ă M. Doumet Adanson qu'il se trouvait
en prĂ©sence d'anciens thermes, mĂȘme d'une « station bal-
néaire trÚs fréquentée », reliée à Capsa par une voie bien en-
tretenue *âą
Des puits nombreux devaient achever d'assurer sinon l'ap-
provisionnement public de Gafsa en eau ^, du moins l'appro-
visionnement des maisons particuliĂšres. Nous serions fixĂ©s Ă
ce sujet d'une maniĂšre certaine si la ville arabe n'avait cou-
vert peu à peu complÚtement les débris de la cité romaine et
surélevé le sol primitif ^.
L'amélioration du régime des eaux potables et de service
domestique ne fut pas seule poursuivie Ă Capsa, sous la do-
mination romaine : des constructions furent entreprises dans
l'oasis, et le grand barrage de retenue et de distribution des
eaux courantes de Chenini, en grand appareil, nous permet
d'apprécier l'importance des ouvrages complémentaires d'ir-
rigation aujourd'hui disparus ou remplacés par des travaux
plus récents. Et, s'il est bien difficile de déterminer l'étendue
exacte de l'oasis à cette époque, il est trÚs légitime de la sup-
poser plus Ă©tendue qu'elle ne l'est aujourd'hui : quel que soit
en effet le sens précis de la description de l'oasis donnée par
El-Bekri au xiŸ siÚcle, la prospérité et la superficie des jar-
dins des « 200 ksours de Kafsa * » étaient la conséquence
des travaux -et des procédés agricoles de l'époque romaine,
soigneusement entretenus et conservés. La surface occupée
I. Doumet Adanson, Rapport sur une mission scientifique dans le sud de la
Tunisie, Arch. Miss. se. et lUt., 1877, p. 3G3.
i. TouTAiN, op. cil. y p. C5.
3. Saladin, Mission Aivh. en Tunisie, /l;r/i. Miss. se. et Htl.j XHI, p. 101 {S"
série).
4. Supra, p. 16. â El-Bekri, p. 114.
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE. 61
de nos jours par les cultures de Gafsa, mĂȘme par les cultures
irriguées, augmente rapidement et parait susceptible de
s'Ă©tendre encore ; il n'y a donc rien d'impossible Ă ce que,
sous l'empire romain, les jardins de Capsa aient Ă©tĂ© rĂ©unis Ă
ceux de Sidi Ahmed Zarroung, Sidi Mansour, El-Ksar, Lalla, et
se soient mĂȘme prolongĂ©s, en une seule oasis, jusqu'Ă l'Hir.
Sidi Ahmed Zarroung, l'Hir. Cheria, et les ruines situées sur
la rive droite de Toued Batach, Ă 5 kilomĂštres au sud-ouest
de la palmeraie moderne. On a mĂȘme retrouvĂ© toute une ligne
d'Ă©tablissements romains entre l'oasis actuelle et la garaat el-
Melah, complétée à l'ouest par les groupes du Chegga et de
rhenchir Tfel au pied de la montagne ; au nord dans les ra-
vins du dj. YounnĂšs et de l'Assalah et sur les rives de l'oued
Balach, quelques ruines sont encore visibles et montrent jus-
qu'oĂč pouvaient s'Ă©tendre l'oasis et les jardins romains; enfin
au sud-est, la ruine de l'henchir Madjeni et uoe olivette d'une
cinquantaine d'hectares située à 3 kilomÚtres au sud de Lalla,
semblent indiquer que l'oasis pouvait ĂȘtre rĂ©unie aux pal-
meraies de Lortess et d'El-Guettar.
Les Capsitani ne se bornĂšrent pas, sous la domination ro-
maine, à perfectionner le régime des eaux et les cultures de
leur oasis, à accroßtre l'étendue de leurs jardins : ils se répan-
dirent dans les bleds voisins, s'y fixĂšrent, les colonisĂšrent; les
maisons des sédentaires y prirent la place des gourbis, des
tentes, des « mapalia » nomades ; les terrains de parcours se
couvrirent de cultures. C'est mĂȘme cette exploitation toute
nouvelle du pays qui fit la richesse des Capsitani en leur per-
mettant de se livrer au commerce d'exportation; et, dans une
certaine mesure, la prospérité de leur oasis fut la consé-
quence de la prospérité des bleds voisins et de l'augmentation
de la population.
Des canalisations ont été retrouvées au voisinage de l'Aïn
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62 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Oum el-Ksob ; elles devaient conduire Ă des terrains de culture
situĂ©s dans la vallĂ©e de Toued Bouline ; H. Gauckler estime Ă
600 ou 800 habitants la population du bourg de FAln Oum
el-Ksob dont les ruines couvrent un espace de 700 mĂštres de
diamĂštre. Une canalisation de 3 kilomĂštres de longueur con-
duisait de mĂȘme les eaux de l'AYn HoularĂšs sur des terrains
habités par une population sédentaire ^ Des travaux analo-
gues furent exécutés dans la vallée de TAïn HaddÚge, à 5 ki-
lomĂštres de la source thermale 2,
Mais les colons capsitains ne se contentĂšrent pas de ces pre-
miers travaux : ils couvrirent de leurs habitations, de leurs
travaux hydrauliques, de leurs cultures, le bled tout entier.
La nature en effet ne s'oppose pas Ă Tutilisation agricole des
plaines fermées de la région gafsienne ; la pluie est assez
abondante, malgré son irrégularité, pour remédier à l'insuf-
fisance des eaux de source et assurer la subsistance d*une po-
pulation assez nombreuse ; et il suffit Ă certaines plantes, Ă
certains arbustes, de pousser leurs racines Ă une certaine
profondeur, jusqu'aux parties moins sĂšches du sol, pour vi-
vre sans ĂȘtre irriguĂ©s, Ă condition qulls soient prĂ©servĂ©s con-
tre la violence de l'eau qui coule des montagnes aprĂšs les
pluies, et contre le passage des troupeaux 3.
Aussi est-ce grùce à un aménagement méthodique des eaux
de pluie, et en profitant de la paix romaine, de la tranquil-
lité des nomades ^ et des conseils techniques romains ^, que les
Capsitains purent mettre en exploitation les vastes plaines
voisines de leur oasis.
A la sortie de chaque ravin de la montagne, des barrages
furent construits pour briser le choc des torrents, retenir
1. Paul Gauckler, EnquĂȘte sur les installations hydrauliques romaines en Tu-
nisie, I, p. 190. Cagnat cl Saladin, Tour du Monde, 1880, II, p. 212.
2. Paul Gaukler, op. cil,, p. 197.
3. Supra, p. 36 et sq., passim,
4. Appendice, p. 183 et sq.
5. /rf.,p. 1C5.
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HISTOmii ĂCONOMIQUE. 63
temporairement Teau ruisselante, et la distribuer aux ouvrages
inférieurs* : barrage du dj. Tfel, situé sur un petit plateau
oĂč se rĂ©unissent toutes les eaux de la montagne voisine ^ ;
barrages de la Djebana Sidi Mansour 3, d'El-Hafey ^ et d'Oum
Ali^; digue et écluse d'Hencbir el-Bab, prÚs du village ruiné
d'Henchir Lessoued (bled Segui) ^; groupe des sept barrages
dont un considérable en travers de loued Debbous, situés autour
du bled Maknassy et de Ksar el-Amar (K. el-Ahmeur) ^ ; bar-
rages Ă©tages de THenchir Zerdeb ^ et du Majen Smaoui ^; du
Bir SouenĂźa *o, dans le dj. Selrh; de THenchir Bon Aalem, sur
l'oued Heretbatb ^*, de THenchir Abdallah ben Nefteuma ^2;
petits barrages en pierres sĂšches du dj. Bellil, dont les talus
peu rapides en amont formaient des redirs artificiels*^; bar-
rage de l'oued Seldja, construit Ă l'endroit le plus Ă©troit du
dĂ©filĂ© oĂč l'oued mesure 8 mĂštres de large, entre des berges
do 100 mĂštres de hauteur, et dont les ruines sont aujourd'hui
arasées au niveau du sol ** ; ouvrages semblables, aujourd'hui
détruits ou enfouis sous le sable, et qui devaient exister en
trĂšs grand nombre sur toutes les pentes susceptibles de four-
nir de Teau, à la tÚte des aqueducs et des réservoirs ruinés
dont ils sont le complément indispensable.
1. De LA BlanchĂšre, op. cit., p. 85, 101. â Toutain, Les citĂ©s romaines^ p. 63. â
Du Paty de Clam, Ătude sur le bled Tarfaoui, Bull, gĂ©ogr. com. li\ hisL et se. y
1897, p. 42*M23. â Gauckler, Les travaux d'art des Romains en Tunisie, R, G.
S., 1896, 30 nov., p. 95^4-955.
2. Cagnat et Saladin, Mission arch. en Tunisie j Arch. M. S. et /,., 3" S(5rie,
t. XIII, p. 103.
3. Gauckler, op. cit., I, p. 197.
4. Cartos y Oasis disparues, R. tun , 1895, p. 206-207. â PrivĂ©, Notes arch. sur
VAraad, le Madjourah et le Cherb., Bull, arch, com. tr» hist. et se, 1895, p. 95.
5. Privé, op. cit., p. 99.
6. ToLTAiN, Les nouveaux milliaires de la voie de Capsa d Tacape, p. 68-69.
7. Gauckler, op. cit., p. 196.
8. Privé, op. cit., p. 117.
9. Gauckler, op. cit., I, p. 192-194; II, p. 24.
10. Privé, op. cit., p. 118.
11. PrivĂ©, op. cit., p. 115. â Gauckler, op. cit., Il, p. 192.
11. Privé, op. cit., p. 113.
13. C. et Saladin, op. cit., p. 101.
14. Du Paty de Clam, op. cit., p. 415.
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64 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
En effet, la plupart des barrages romains reconnus dans
la région de Gafsa et que nous venons de citer, déversaient
peu à peu l'eau accumulée derriÚre leur mur dans des réser-
voirs et des citernes, au moyen d'aqueducs en pierre et en blo-
cage. Ces aqueducs étaient trÚs étroifs (0"^,10 à 0"»,50) S tantÎt
trĂšs longs comme celui de THenchir Tfel qui suit pen-
dant 2 kilomÚtres l'étroite vallée de Toued Tfel et franchit sur
des arcs en petits moellons les ravinements de la montagne^,
comme les grands aqueducs de Toued Smaoui (1.200 m. ap-
parents) 3, de Toued Souenia (1 .200 m.) ^, du bled HĂ©chĂ©ria (i Ă
6 km.) s etd'AĂŻn MoularĂšs (3 km.) 6; tantĂŽt trĂšs courts, comme
ceux de THenchir bou Aalem ^, du majen Smaoui ^, de THen-
chir Nadour^, et peut-ĂȘtre du majen Sidi AbbĂšsOum el-Ksob ^^.
Les citernes, plus solidement construites que les barrages
et les aqueducs et consolidées par des contreforts en pierre,
sont encore visibles et bien conservées dans la plupart des
henchirs des environs de Gafsa : aussi le pays de Gafsa et les
bleds voisins méritent-ils bien le nom de « région des réser-
voirs » qui leur a été donné *^.
Les archéologues ont reconnu dans le pays de Gafsa et dé-
crit prÚs de cent réservoirs et citernes de toutes formes
et de toutes dimensions ^^.
1. Privé, op. cil,, p. 115, 117, 165.
2. C. et Saladin, op. cit., p. 102.
3. Privé, op. cit., p. 117.
4. Privé, op. cit., p. 117.
5. Gauckler, op. cil. y p. 161-165.
6. Gauckleh, op. cit., p. 190.
7. Privé, op. cit., p. 115.
8. Gauckler, op. cil., 1, p. 193.
9. Privé, 0/). cit., p. 119.
10. C. et Saladin, op cit., p. 108. â M. Saladin indique comment fut cons-
truit l'aqueduc du majen Sidi Abbés dont six arcades restent encore debout: ⹠On
construisait les pieds droits, on les surmontait d'un massif trapézoïdal, en-
suite on bandait les arcs, et quand le mortier avait fait prise, on remplissait de
blocage l'espace compris entre les reins de l'arc et le trapĂšze. â
11. Tout AIN, op. cit., p. 69-70.
12. Saladin, op. cit., p. 102-110. â Toutain, Le* citĂ©s romaines, p. 6ß»-70, etc.
Gauckler, op. cit., I, p. 190-199. â PrivĂ©, op, cit., p. 95-131
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE. 65
Le réservoir de THenchir Tfel est rectangulaire et bùti en
petites pierres de 0",04 de haut réunies par des joints de
plĂątre; le mur a 0",50 d'Ă©paisseur ^
Le réservoir analogue de THenchir Garaat a encore i mÚ-
tres de profondeur, malgré la boue et les décombres qui sont
au fond, et peut contenir 672 mĂštres cubes d'eau 2.
Ces réservoirs étaient souvent groupés par deux ou trois et,
dans ce cas, chacun d'eux avait une affectation spéciale,
comme Ă THenchir Mzira oĂč la grande citerne rectangu-
laire (14"',30x22'",40) était probablement destinée aux ani-
maux et aux usages domestiques, et la citerne circulaire ré-
servée à l'eau potable ^, Ailleurs, un mur peu élevé protégeait
l'eau emmagasinée contre le jet des immondices *.
Le plus souvent les citernes sont circulaires et ne dépas-
sent guÚre 40 mÚtres de diamÚtre 5. L'eau y est protégée
contre l'Ă©vaporation , dans les endroits oĂč elle est particu-
liĂšrement rare, comme Ă l'Henchir Oum el-Ksob et Ă l'Hen-
chir El-Majen oĂč les citernes sont couvertes d'une voĂčle percĂ©e
de regards pour le puisage^.
Le réservoir le mieux conservé est celui de l'Henchir Bou
Ăalem, au nord du bled Souenia : l'aqueduc et le barrage qui
l'alimentaient subsistent encore et permettent de se faire une
idée trÚs exacte des travaux hydrauliques élevés dans le pays
à l'époque romaine, ouvrages de préservation et d'approvi-
sionnement en mĂȘme temps : « Le rĂ©servoir est dans un par-
fait Ă©tat de conservation , d'un diamĂštre de i5 mĂštres, sa pro-
fondeur est aujourd'hui de 4âą,50; encore le fond disparalt-il
sous une assez forte couche de terre végétale, ce qui a per-
mis aux buissons de pousser en toute liberté. La muraille en
1. C. et Baladin, op, d/., p. 102-103.
2. Saladin, op cit., p. 106.
3. Saladin, op. cit., p. 1C6.
4. Saladin, op. cit. y p. 110 (II ir Garaat).
5. Supra, p. 6^1, notes.
6. Saladin, op. cit., p. 107. â La citerne de rHonchir Oum cl-Ksob a S^.SO de
diamÚtre et est couverte d'une voûte en segment do cercle (fig. ).
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66
LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
belle maçonnerie cimentée qui forme la paroi intérieure de
ce réservoir, s'élÚve au-dessus du sol extérieur d'une hauteur
de 1 mÚtre en moyenne. A 25 mÚtres du grand réservoir une
Citerneau
dé
puisage
ClternĂȘau
de
décantage
BARRAGE.
,^i
Surface versante
-â -fâ -t-
Citerneau
de
puisage
Citerneau
de
décantage
Ouvrages hydrauliques romains.
(Scliémes).
puisage
sorte de barrage, ressemblant fort aux déversoirs, qui avoisi-
nent nos moulins de France, arrĂȘtait et recueillait les eaux de
Toued Meretbath, qu'un aqueduc de 0",50 de largeur con-
duisait dans le grand réservoir. Ce petit canal se terminait
par un petit massif en maçonnerie d'une forme analogue
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE. 67
aux piles d'un pont, de sorte que les eaux qu il amenait dans
le réservoir, tombant doucement et s'éparpillant, ne pou-
vaient détériorer ni les parois ni le dallage. Cet appareil
hydraulique était complété par une citerne admirablement
construite et cimentée à l'intérieur communiquant avec le
réservoir par deux ouvertures de 0",80 de cÎté... ; deux ou-
vertures carrĂ©es, mĂ©nagĂ©es dans la voĂ»te mĂȘme de la citerne,
permettaient de tirer Teau ^ » Le majen Smaoui, situé au
pied du dj. Selrh Ă©tait construit sur un modĂšle analogue : un
barrage de 352 mĂštres de longueur arrĂȘtait les eaux ruisselan-
tes qui se dĂ©versaient dans un bassin de dĂ©cantation, oĂč elles se
débarrassaient de leurs impuretés, passaient ensuite dans un
grand réservoir ovale, et gagnaient un citerneau de puisage -,
Ces travaux ne sont pas dispersés dans le pays au hasard, ils
ne semblent pas avoir été construits au gré de propriétaires
isolĂ©s. Ils sont rĂ©partis, de mĂȘme que toutes les autres ruines
mentionnées par la carte d'état-major, le long des routes na-
turelles '. Suivant leur objet et leur importance, ils sont Ă©che-
lonnés sur les pentes, autour de chaque bled, ou groupés au
fond des vallées les plus fertiles. Un grand nombre de ruines
qui n'ont pas été explorées par les archéologues semblent,
d'aprÚs leur position sur la carte, compléter les travaux étu-
diés par les auteurs cités plus haut : barrages supérieurs
d'arrĂȘts, maisons isolĂ©es des villes et des villages plus impor-
tants. Cette disposition est surtout frappante pour l'ensemble
de ruines situées au sud de Thenchir Nadour, à 50 kilomÚtres
Ă Test de Gafsa, pour les ruines du bled Maknassy, pour les
groupes d'henchirs du dj. Selrh (henchir Zerdeb, majen
Smaoui etc.), de la garaat Sidi AĂŻch, du bled Douara oĂč tous
les ravins convergent vers le centre de la plaine et se com-
mandent les uns les autres ^ Tous ces groupes devaient former
I. pRivé,op. cil.j p. 115.
i. Gauckler, op. cit.j I, p. 193-19^1; 11, p. 24 (fig.).
3. Privé, op, cit., p. 112.
4. L'henchir Tfol, les ruines du Chebklicl et Aniara, du bicd Taifaoui, du
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LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
de grandes exploitations autonomes ou des unions de petites
propriétés liées entre elles par des rÚglements d'eau et des con-
ventions de voisinage : « Chaque bled était jadis une unité,
chaque vallée a donc dû ne former qu'un seul domaine, ou
une seule cité, ou une seule confédération, ou un seul syndicat
de culture. C'est d'ailleurs seulement ainsi que le médiocre
volume d'eau recueilli a pu suffire Ă tout besoin. C'est un fait
reconnu, dans la science agricole, qu'il en faut plus, sensible-
ment, à la propriété divisée ^ »
Un grand nombre de puits complétaient ces installations
Iiyiirauliques. II est assez délicat de déterminer dans quelles
proportions exactement l'eau des barrages, des citernes et des
puits servait aux usages auxquels les employaient les agricul-
teurs capsitains. Les installations pouvaient « servir tout à la
fois à irriguer les terres, à abreuver les bestiaux, à désaltérer
les hommes^ )>.
Néanmoins le faible débit des sources-^ et des puits*, l'irré-
gularité de la chute des pluies^, la faible capacité des réser-
voirs, le soin avec lequel on préservait de l'évaporation et des
souillures l'eau emmagasinée, semblent bien indiquer que les
bledel-Atra, de l'oued BesbĂšs, du groupe de ZelIoudja,du bledThala, l'henchir
floussah, l'henchir Ramlihe, les henchii's de l'oued Oum el-Ksob, correspon-
dant de mt^me à des régions géographiques déterminées.
1. De la BlanchĂšre, op. cit.y p. 80.
'2. Gauckleh, op. cif.j 1, p. 122.
y. Supra.p. 30-31.
4, Gauckler, op. cit., I, p. 157. â M. Drappier a calculĂ© le dĂ©bit des puits
pai journées de K) heures, à raison de 3 guerbas fonctionnant à chaque puits
(tkiuckler, I, p. 157).
Profondeur
Nombre de g^uerbaa
DĂ©bit
DĂ©bit
(lu puits.
par heure.
par heure.
par 10 heures.
10 m.
1300
7-,2
72-e
15 m.
240
4-%8
48-'
âą2f) m.
180
3'»%G
36-'
25 m.
141
2«%88
28-%8
3() m.
120
2'-%40
21«
35 m.
un
2-%04
20-% t
40 m.
90
1-%8(J
18-«
Zk Supra, p. 22 et sq.
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE. 69
cultures d'irrigation ne devaient pas couvrir de grandes Ă©ten-
dues dans le bled. Les terrains oĂč des (races certaines d'irri-
gation ont été relevées sont peu nombreux et de superficie
restreinte : à Ras el-Aloun, des canaux creusés dans le roc pour
alimenter les rives de Toued sont encore visibles, et des se-
guias en pierre ont Ă©tĂ© construites sur le mĂȘme emplacement
par les indigĂšnes^. D'autres travaux d'irrigation trĂšs peu im-
portants ont été reconnus prÚs de l'Aïn Oum el-Ksob et de l'Aïn
MoularĂšs^, et peut-ĂȘtre prĂšs de l'AĂŻn Semsi, dans le Djebel el-
Ayalcha^. Sans doute d'autres canalisations trĂšs simples de-
vaient exister auprĂšs des centres les plus importants, et irri-
guer les quelques cultures de céréales et de légumes, les
jardins indispensables Ă la population^, dans un pays oĂč les
communications avaient dĂ» rester trop lentes pour le trans-
port des primeurs, malgré les voies romaines.
Mais la plus grande partie de l'eau soigneusement et péni-
blement emmagasinée devait servir à l'alimentation des bes-
tiaux et des hommes, aux usages domestiques, et, dans les an-
nées particuliÚrement chaudes, à l'arrosage des jeunes planta-
tions d'arbres fruitiers trop éprouvés par le manque d'humidité.
Ce sont bien en effet des cultures d'arbres fruitiers, des cul-
tures de terre sĂšche qui couvrirent les plaines du sud de la
Tunisie sous la domination romaine, et la forĂȘt lĂ©gendaire
d'Afrique fut une forĂȘt d'oliviers ^. Les cĂ©rĂ©ales ne pouvaient
en effet produire des bĂ©nĂ©fices suffisants sans ĂȘtre irriguĂ©s,
dans ces pays oĂč elles ne donnent en pleine terre qu'une bonne
récolte sur quatre ou cinq^; l'eau manquait, comme aujour-
d'hui^, pour les Ă©tendre sur de grandes surfaces, et le sol ne
pouvait davantage porter de vĂ©ritables forĂȘts : la faible capa-
1. Saladin, op. cit,, p. 104.
2. Supro, p. 62.
3. Gauckler, op. cit., I, p. 197.
4. De la BlanchĂšre, op. cit., p. 100.
5. Supra, p. 46 et sq.
0. Supra, p. 52 et sq. De la Bl.\xcuĂšre, op. cit., p. 1(X>.
7. Suproy p. 37 et sq.
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70 lA GAFSA ANCIEXNE ET MODERNE.
cité des ouvrages hydrauliques ^ montre que la quantité d'eau
ruisselante Ă©tait sensiblement la mĂȘme Ă TĂ©poque romaine et
de nos jours. La connaissance des conditions géographiques de
la région, Tarchéologie et la lecture des textes de Salluste^,
suffisent Ă nous fixer sur ce point.
Les plaines des environs de Gafsa sont particuliĂšrement pro-
pres au contraire Ă la culture de l'olivier et des arbres fruitiers
de mĂȘme nature^. Des ruines d'huileries et de pressoirs *ont Ă©tĂ©
trouvĂ©es Ă THenchir Bou Aalem âą'', Ă THenchir Merkab 6, Ă THen-
chir el-Garaat^, Ă THenchir el-Ksob ^ Ă THenchir JellaĂia^, Ă
THenchirSomah*^, Ă THenchir Cheraga*^; dans lebledTarfaoui,
à THenchir Ragoubet Saïeda ^ ' dans la vallée de Foued Jaacha et
peut-ĂȘtre prĂšs du Bordj Djedid^^, dans le bled Segui, Ă THen-
chirMaguelet à FouedMadifa^^ L'existence de vieux oliviers ré-
1. Supra, p. Gl ot sq.
2. Appendice, p. 179-18.?.
3. Supi^a, p. 23 et sq.
4. Saladin, op. cit., Arch, Mis. se. et lut., 3" série, XIH, p. 95... Moulins
Ă huile. Ces moulins se composent de trois parties essentielles : le moulin, le
pressoir, la cuve. Le moulin (trapelum) consiste en une large pierre creusée
en forme d'auge circulaire (mortarium) au centre de laquelle une partie co-
nique (miliarium), réservée lors de la taille, recevait le pivot autour duquel
tournait le cylindre destiné à écraser l'olive (ce procédé est encore employé par
les Arabes). Le pressoir se composait de deux montants verticaux en pierre re-
liés par une traverse horizontale. Des rainures et des entailles pratiquées dans
les montants verticaux, servaient à ajouter les piÚces de bois nécessaires pour
produire la pression sur les paniers qui renfermaient la pulpe écrasée par le
moulin. Ces paniers reposaient sur une large pierre plate creusée d'une rigole
circulaire oĂč l'huile s'amassait pour s'Ă©couler ensuite par une rigole auxiliaire,
dans des réservoirs. Ceux-ci étaient formés tantÎt de dalles plates posées sur
champ et assemblées à rainure et languette dans des montants en pierre, tantÎt
de cuves en maçonnerie enduites déciment.
5. Privé, op. vit., p. 117.
0. Salaimn, op. rit., p. 100.
7. Cagnat, Esploration^i Ăšpi(/raphiqitcs, 111, p. 73.
8. Saladin, op. cit., p. 104.
9. Saladin, op. eil., p. 103.
10. Carte an 1/200.000, feuille Gafsa.
11. Du Paty de Clam, op. cit., p. 422.
12. Carte au 1/200.000, feuUle Gafsa.
13. J. ToiTAiN, Les tioui^aujc milfinires, p. 74.
1 1. Dt I'atv de Clam, op. cit., p. 422.
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE 71
guliÚrement groupés dans la plaine de TOum el-Ksob les noms,
de Ksar Zitouna^ Henchir ZĂčoiina, « le chĂąteau de Tolivier » *,
appliqué à des ruines situées dans des cantons aujourd'hui
privĂ©s de toute vĂ©gĂ©tation arborescente, la rĂ©partition mĂȘme
des ruines d'habitations au fond des vallées, en hameaux impor-
tants, en villages isolés 2, Tindustrie des potiers deGemellae^,
sont autant de preuves de Texistence de lolivier dans les bleds
voisins de Gafsa jusqu'Ă la chaĂźne du Cherb et au Djerid *, sur
tous les bas terrains d'allu vions qui formĂšrent les territoires des
cités de Capsa, ThßgÚs, Thasarle, Veresuos, Hadarsuma, Thé-
lepte, et dont le nivellement presque parfait semble Imdice de
nombreuses années de culture ininterrompue.
Ces plantations immenses, protégées contre le ruissellement
torrentiel par les ouvrages hydrauliques de préservation et de
captage de Feau, et trouvant assez d'humidité en suspension
dans le sol, défendues sans doute par des rÚglements sévÚres
contre le pĂąturage des troupeaux, s'Ă©tendirent progressivement
sous la domination romaine, et leur progrĂšs, jusqu'au m*' siĂšcle
oĂč il atteignit son apogĂ©e, dut suivre le dĂ©veloppement des ins-
titutions et de la renommée de Capsa^.
Si l'on en juge par l'Ă©tendue des terres favorables Ă la culture
et par le nombre des henchirs, on peut évaluer à la moitié au
minimum du pays de Capsa tel que nous l'avons délimité^, soit
ai. 500 ou 5.000 kmq. ,1a superficie des terrains dont la valeur
fut sept ou huit fois décuplée par l'introduction des planta-
tions^. Et, si l'on Ă©value Ă 3 habitants par 10 hectares la po-
pulation des olivettes, ce qui est loin d'ĂȘtre exagĂ©rĂ© ^, on voit
1. Carie au 1 :?ĂŻM).000, fouille de Gafsa, Tozeui*, Kebili, El-AyaĂŻcha, Sbeitla,
FĂ©riana. Ouvrages et Ă©ludes cUĂ©s, pwmim.
2. Supra, p. 07.
3. Bourde, op. cit., p.20. â Cauton, op. cit., H. T., 181)5, p. 201-211 â Du Paty
DE Clam, op. cit. y p. 408-424.
4. Bourde, op. cit., p. 10-11.
5. Bourde, op. cit., p. 20-21. Toutain, op. cil., p. 301-.302.
6. Appendice, p. 196-107.
N. Bourde, op cit., p. 2X.
8. M/ra, p. 105.
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72 LA GAFSA ANCIENISE ET MODERNE.
que la population sédentaire des plaines de Capsa, ThigÚs, Tha-
sarte, Maknassy, put ĂȘtre de 150.000 habitants environ, soit 30
au kmq. sur les surfaces cultivées, 15 environ sur Tensemble
du territoire (oasis non comprises)*.
A cette population sédentaire du bled, il faut ajouter la po-
pulation nomade qui n'avait pas complĂštement disparu sous
la domination romaine, puisqu'elle reprit, dĂšs TĂ©poque van-
dale et byzantine, une importance politique considérable
dans le pays^. Autrefois comme aujourd'hui, les sédentaires
avaient besoin pour, vivre des troupeaux nomades, et ceux-ci
pouvaient trouver d'excellents pùturages sans les régions mon-
tagneuses d'El-AyaĂŻcha et du djebel Sehib, sur toutes les pen-
tes impropres Ă la culture, sur les terrains humides voisins
des barrages, mĂȘme dans les intervalles laissĂ©s libres entre les
olivettes, et principalement sur les bords marécageux des seb-
khas et des garaats^. Malgré ses riches plantations, la région
ne cessa pas d'ĂȘtre le « pays du mouton ».
Ce n'était pas trop des réserves d'eau des citernes ro-
maines pour les usages alimentaires et domestiques de ces
150.000 sédentaires, de ces nomades, de ces troupeaux, et pour
l'arrosage de quelques jardins disséminés dans les olivettes, au
voisinage des habitations.
Ainsi, par des travaux assurément modestes si on les consi-
dÚre chacun en particulier, mais bien appropriés aux condi-
tions géographiques et construits sans doute peu à peu, aprÚs
expérience, les colons du sud de la Tunisie transformÚrent le
rĂ©gime Ă©conomique de leur pays. MĂȘme, ils rĂ©ussirent k en
modifier sur certains points le climat : en effet, ces grandes
plantations qui fixaient le sable des plaines et retenaient l'eau
des pluies; ces barrages qui forçaient les eaux ruisselantes
aprĂšs les orages, Ă s'arrĂȘter au milieu de leur course dĂ©vasta-
trice, à déposer le limon qu'elles contenaient, et à créer ainsi
1. Appendice^ p. 17:^175.
t Id., p. 195 et sq.
3. De la Blanchkue, op cil., p. l()5-HKj. â Supra, p. 33 et sq. passim.
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE. 7:^
de petits pĂąturages temporaires trĂšs fertiles; cette masse de
végétaux qui pouvaient communiquer à l'atmosphÚre une cer-
taine moiteur et modifier l'état hygrométrique de l'air, ont
eu évidemment une légÚre influence sur le régime des puits
et de certaines sources et sur la température. C'est certaine-
ment à la disparition de ces agents bienfaisants, au déboise-
ment, que Ton doit attribuer le léger abaissement du point
d*emergeance et la diminution du dĂ©bit de TĂln Semsi depuis
l'Ă©poque romaine^ et l'assĂšchement des puits romains du bled
Thala^.
Un tel changement de l'état agricole de la région gafsienne,
une telle augmentation de la population et de la richesse, de-
vaient amener l'introduction et le développement dans le pays
d'industries prospĂšres.
Il est bien probable que les industries de sparterie de l'oasis
et celle de la filature et du tissage de laine ^ remontent Ă cette
époque prospÚre. Hais l'industrie la plus originale de la pé-
riode romaine est certainement celle des potiers de Gemellae
(Sidi Aich) : au nord-ouest de la grande nécropole de Gemellae,
« une petite colline est entiÚrement formée de débris de poterie
rouge et noire ; ce sont évidemment les déchets d'une fabri-
que importante qui existait sur ce point; les ouvriers em-
ployés dans cette fabrique, en se fixant dans le voisinage avec
leurs familles, y auront formé un bourg ; les mausolées, au
nombre de neuf au moins, qui subsistent encore en tout ou en
partie, sont la demeure derniĂšre des maĂźtres ou des directeurs
de la fabrique (on s'explique dÚs lors aisément comment un
si grand nombre d'ornements funéraires, relativement assez
Ă©lĂ©gants, ont pu ĂȘtre Ă©levĂ©s Ă cĂŽtĂ© de ruines aussi peu Ă©ten-
dues); les pierres sépulcrales plus modestes seraient celles des
ouvriers et des membres de leur famille^ ». Il est trÚs possible
1. Carton, Le$ travaux hydrauliques, etc., R. Tun,, 1896, p. 28(>. â DĂ©jiĂ©chij
tunisienne, 16 décembre 1805.
2. Gauckler, op. cil. y I, p. 197.
3. Infra, p. 115 et sq.
t. GagnĂąt, Exploration Ă©pi y r. et arch., III, p. 71.
L% OAPSA ANCIENNE. (I
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7i LA GAFSA ANCIENiXE ET MODEHNE.
que les briques estampées trÚs grossiÚres des premiers temps
du christianisme, trouvées à Kasrin^ proviennent de Gemei-
lae. Mais la plupart des objets de cette provenance sont gros-
siers : « à peine les potiers de Gemellae connaissent-ils le se-
cret d'imprimer dans la pĂąte encore molle quelques ornements
géométriques, lignes brisées, losanges, cercles, ou des palmes
grossiÚrement dessinées. Tout ce qui, de prÚs ou de loin, se rat-
tachait à Tart ou aux industries artistiques était acheté à l'é-
tranger; les ouvriers et les artisans du pays ne possédaient ni
le don de l'invention ni la science de l'exécution^ ». Les pote-
ries fines, les lampes trouvées à Thélepte, n'avaient sans
doute pas une origine locale : les jarres Ă huile au contraire,
les plats, les aiguiÚres, les urnes funéraires trouvées à Thélepte,
dans le bled Tariaoui, dans la plupart des henchirs du pays
gafsien, étaient trÚs probablement fabriqués & Gemellae dont
les artisans devaient fournir de poteries grossiĂšres toutes les
huileries et les exploitations agricoles de la région de Capsa
et des régions voisines : cette industrie de la poterie, étroi-
tement liée à la situation agricole du pays, devait contribuer
Ă sa richesse, non seulement en fournissant Ă ses habitants,
dans de bonnes conditions, un outillage indispensable, mais
en exportant ses produits dans les bleds environnants, parti-
culiĂšrement au nord de Gemellae, dans les riches plaines de
Guemouda et du Fouçanah, couvertes d'oliviers.
Il est trĂšs probable d'ailleurs que le commerce d'expor-
tation de Gafsa, florissant à l'époque arabe ^, commença sous
la domination ix)maine : il était une nécessité économique
dans un pays oĂč l'importance de la culture principale Ă©tait
en disproportion avec les besoins de la population ; aussi les
huileries de Capsa et des bleds voisins devaient-elles appro-
1. s. Reinach, Briques estampées de KasHn, Bull. Com. Ir, hisl. et se, 1885,
p. 327.
2. TouTAiN, op. cit.j p. 131. â Cagnat, Bull. Arch. com. tr. hĂ»t. et se, 1888,
p. 173-474.
3. Infray p. 78 cl sq.
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE. 75
visionner non seulement le nord de la province romaine d'A-
frique, mais les grands magasins d'Uergla et du sud de la
Tunisie qui centralisaient toutes les marchandises Ă destination
de Rome'.
Les monuments romains et les inscriptions latines de Capsa
nous permettent de suivre le développement de la prospérité
delĂ citĂ© depuis le rĂšgne d'Hadrien (117-138), oĂč un arc de
triomphe en grand appareil, remarquable par la dimension
des Toussoirs et la régularité des matériaux et orné d'une
statue et d'un quadrige, fut élevé à Tempereur par de riches
membres du Municipe, Viratus et Flamonius, flamines perpé-
tuels 2^ jasqu'à la construction du temple d'Auguste orné de
marbreSy de statues et de portes d'airain, inauguré au milieu
de jeux et de festins 3, jusqu'à la réparation des murs de
Capsa « Justiniana » au début de Tépoque byzantine ^.
Les constructions privĂ©es elles-mĂȘmes,, les matĂ©riaux de
l'Ă©poque romaine, chapiteaux, entablements, colonnes retrou-
vées dans les maisons de l'oasis et principalement dans les
murs de la grande mosquée ^, sont un indice certain de la
richesse des Capsitains. MĂȘme une mosaĂŻque assez dĂ©labrĂ©e
et de dessin naïf, trouvée à Gafsa par des officiers français,
donne une idée de la décoration des édifices de la cité ro-
maine, peut-ĂȘtre des fĂȘtes de l'oasis, s'il faut voir dans la
course de chars et les exercices équestres représentés sur cette
mosaïque dans un décor africain la reproduction d'une fan-
tasia gafsienne Ă l'Ă©poque romaine ^.
I. Ca(;nat, L'armĂ©e romaine (VAfriqiĆ, p. 38ĂJ. â Gauckleu, op vif., U. G. S.,
p. »)6(). â LĂGER, p. 19-21.
tĂź. Corpus, VIII, n"98. â I/arc de triomphe romain de Gafsa <»st situĂ© en face
l'entrĂ©e principale de la Kasbah, au N.-O. â Tissot, op. cit. y U, i). (ĂźOG. â Cacnat,
La Tunisie Ă CĂšpoque romaine, dans Aa Tunisie au A' A" siĂšcle, p. ti U. â Toltain,
op. cit., p. 161-164.
3. Corpus, VIII, n" KX); supra, p. Il l.
1. Corpus, VIII, no 101 ; supra, p. Ut et 117.
5. Saladin, op. cit., p. 101.
6. â On y voit une course de chars dans le cirque. La partie qui subsiste
contient deu.\ chars Ă quatre chevaux conduits par des aurĂšges et tournant
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76 LA G\FSA ANCIENNE ET MODERNE.
Les tombeaux enfin sont les monuments les plus riches de
la région de Capsa : ce sont aussi les mieux conservés. Parmi
les plus remarquables sont les deux grands mausolées de
Gemellae, dont l'un « haut de dix mÚtres se compose- d un
socle carré de 2^,50 sur chaque face, renfermant la chambre
sépulcrale et couronné d'une corniche au-dessus de laquelle
s'élÚve un cube de maçonnerie percé d'une niche et surmonté
d'un pyramidion » ^ Le mausolée de TUenchir Somaà est
formé « d'un piédestal portant un étage en retrait orné de
pilastres et surmonté d'une corniche sur laquelle repose un
second étage » ^. Le plus célÚbre de tous est celui auquel les
indigÚnes ont donné le nom de Somaà el-Uamra « la tour
rouge » ; il est situé sur la route de Capsa à Gemellae, à peu
de distance de l'Henchir el-Harmeul : « haut d'une dizaine
de mĂštres, construit en belles pierres de taille, ce monument
a la forme d'un dé rectangulaire, plus long que large, repo-
sant sur un stylobate continu et orné aux angles de pilastres
corinthiens. Le dé était surmonté d'un second étage dont
la partie supérieure a disparu. La corniche qui le supportait
existe encore, et porte une Ă©pitaphe qui consacre le souvenir
d'une matrone de la banlieue de Capsa, morte Ă Carthage au
retour d'un voyage d'affaires qui l'avait conduite Ă Rome
avec son mari, et dont le succÚs avait été complet » ^.
miiour de la spina, au milieu de laquelle s'élÚve un obélisque. Plusieurs hommes
Ă pied tenant des palmes, regardent la course pendant qu'un cavalier semble
a*c3tercer dans une autre partie de TarĂšne. Sous les arcades qui limitent les
grands cĂŽtĂ©s du cirque sont placĂ©s des spectateurs dont les tĂȘtes serrĂ©es et
aUontives semblent prendre plaisir à l'action qui se déroule devant eux ».
Ulhon de Villefosse, Comptes rendus Ac. Inscr. et B.-Lelires, 1889, p. 210.
L TissoT, o/>. cit. y II, p. 671.
'2. TissoT, ifj). cit,y II, p. 656-658.
*J, TissoT, op. cit., 11, p. 673. â Corpus, Mil, n" 152 et p. 28.
Urbanilla mihi conjux verecundia plena sita est,
Romae comes negotiarum, socia parcimonio fulta,
Bene gestis omnibus cum in patria mecum redirct,
Au Miseram Carthago mihi eripitSociam.
Nullaspes vivendi mihi sine conjuge tali :
Illa domum servare meam illa et consilio juvaro.
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HISTOIRE ĂCONOMIQUE. 77
Seuls en effet des gens riches pouvaient s^Ă©lever dans les
plaines de la Tunisie des tombeaux importants et penser, comme
le dit la poésie du grand mausolée de Kasrin, que « la vie est
courte et que nos jours passent rapidement, mais que Ton a
trouvé le moyen de prolonger le souvenir des hommes, c'est
de construire un beau tombeau et de lorner d'une Ă©pitaphe
digne de lui » *.
Sous la domination vandale et byzantine, Capsa contribua
certainement au commerce des huiles, des dattes et des fruits,
peut-ĂȘtre mĂȘme au commerce des riches tapis de laine, trĂšs
florissant encore dans l'ancienne Province romaine^. Un mau-
solée chrétien signalé par H. Gagnùt à l'Henchir Semah, prÚs
de la garaat Ed-Douza, indique que le pays était encore cultivé
et prospĂšre pendant la basse Ă©poque ^.
Néanmoins la décadence de l'empire romain, les progrÚs
des nomades ^ et les exigences fiscales du pouvoir central
sous la domination vandale et surtout sous la byzantine^,
durent exercer une influence fùcheuse sur la prospérité agri-
Luce privata niise!*a, quiescit in marmorc clausa.
Lucius ego conjux hic te marmorc texi
Ane nobis sorte dédit fatu cum luce daremur(stc).
1. Cagnat, La Tunisie Ă l'Ă©poque romaine, dans La Tunisie au XX* siĂšcle,
p. 217. â Pour construire ces monuments funĂ©raires, les Ă©difices de leur citĂ©
et les travaux de leurs eigploitations agricoles, les Capsitains mirent en exploi-
tation la grande carriĂšre du Rhar Gellaba, dans le dj. Assalah, encore encom-
brée aujourd'hui de blocs à demi équarris et dans laquelle, au dire des indi-
gÚnes, il faudrait marcher une journée pour en atteindre le fond. Gukrin,
o/>. cit., I, p. 286. M. Fuchs dit avoir reconnu, dans le dj. Bou Hedma, les
traces d'une exploitation miniĂšre romaine considĂ©rable oĂč il a constatĂ© l'exis-
tence de minerai d'or. Peut-ĂȘtre cet or provient-il simplement, comme celui
de la plage de Carthage, de tombeaux et de ruines voisines inexplorées. Tissot,
op. Cit., I, p. 258; Vivien de Saint-Martin, op. cit., art. Tunisie, p. 880 ot 8*JI ;
Bull. Arch. com. Ir. hist. et se, 1898, p. liv.
2. Marcus, Histoire des Vandales, p. 212, 21 1.
3. Cagnat, Explor. Ă©pigr. et arch., II, p. 71.
L Appendice, p. 197 et sq.
5. Id. â r DiEiiL, op. cit., passini.
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-8 LA GAFSA ANCIENiNE ET MODERNE.
cole et commerciale de Capsa, en menaçant les récoltes et en
rendant plus difficiles les transactions avec Textérieur. Les
premiÚres invasions arabes durent accentuer cetle décrois-
sance de la prospérité kafsienne ^
Mais au x^ siĂšcle Kafsa faisait encore grande figure dans
le sud de la Tunisie : « c'est une belle ville, écrit le commer-
çant arabe Ibn Kaukal; elle possÚde des jardins, des vignes, et
quelques plantations de dattiers » ; et le mĂȘme Ă©crivain signale
l'existence de la bourgade de El-Ksour es-Selas, « les trois
chĂąteaux », peut-ĂȘtre lancienCastellusThigensium transformĂ©,
entre El-IIamma du Djerid et Kafsa; au nord il nomme plu-
sieurs « villes » dispersées dans le pays de Gamouda^ : le
bled était donc encore habité et en partie cultivé six siÚcles
aprĂšs l'arrivĂ©e des Vandales en Afrique. A la mĂȘme Ă©poque
les oasis du Djerid, Tozeur et El-Oudiane entretenaient avec le
marché de Gogo sur le Niger des relations commerciales aux-
quelles Kafsa ne devait pas ĂȘtre Ă©trangĂšre 'K
Au xf siÚcle, le géographe El-Bekri donne de Kafsa une
description plus flatteuse encore : « Kafsa, écrit-il, est la lo-
calité de la province de Kairouan qui produit le plus de pis-
taches ; on les envoie dans toutes les parties de Tlfrikja et
mĂȘme jusqu'en Afrique, en Espagne et Ă Sildjisraessa. On y
trouve une espĂšce de datte semblable Ă un Ćuf de pigeon.
Les fruits que l'on cultive Ă Kafsa servent en partie Ă la con-
sommation de Kafsa. Dans les environs de la ville on compte
plus do 200 bourgades florissantes, bien peuplées et arrosées,
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, par les eaux... On désigne
rcs villes sous le nom de Kosour Kafsa ^. » Quelle que soit Fin-
iorprétation exacte qu'il convient de donner à ces lignes et
h cplto description peut-ĂȘtre trop enthousiaste, il semble bien
que CI* nom de Ksour Kafsa désignait toutes les exploitations et
1. Appendice y p. lĂź)8 et sq.
ï* Ihs liAUKAL, />.«^rß7)/ion de V Afrique ^ Journal asiaL, 1812, p. 211.
il- luvEYKiEH, L(i Tunisie, p. 108. â Schirmkh, LeSahara, p. 3tV2.
4. ]iL\\KKii\ y Description de l'Afrique scplenlrionale, 111-115, 170-177.
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HISTOIRE ĂCONOMIQUt:. 79
les hameaux Ă©pars, comme aujourd'hui, dans Toasis jadis plus
Ă©tendue et dans les bleds les plus voisins encore couverts
d'une partie de leurs cultures d'abres fruitiers. Cette persis-
tance des plantations du pays kafsien nous semble la carac-
téristique de la région pendant les premiers siÚcles de l'é-
poque arabe. Elle est confirmée encore par El-Edrisi qui si-
g^nale au xu^ siÚcle « autour de la ville, dont les bazars étaient
trÚs fréquentés et les faubourgs prospÚres, de nombreuses
plantations de palmiers, des jardins, des vergers et des mai-
sons de plaisance », peut-ĂȘtre d'anciennes villas romaines, des
cultures « de céréales, de henné, de cumin et de coton * ».
Un siÚcle plus tard enfin, Aboulféda mentionne le grand
nombre des arbres Ă fruits de Kafsa 2.
Cette prospérité trÚs satisfaisante de l'oasis correspond au
rĂšgne de la dynastie kafsienne de BĂ©ni er-Rend : elle en ex-
plique sans doute la force ^. En effet, la situation politique de
Kafsa était étroitement liée à sa prospérité économique : la
langue latine-grecque parlée par les habitants de Kafsa au
XIII* siĂšcle* Ă©tait non seulement un vestige de l'occupation du
pays par les Romains, mais une nécessité du commerce de
l'oasis restée en relations avec l'extérieur; et la résistance des
habitants et des chefs de Kafsa aux khalifes du nord ^ Ă©tait la
consĂ©quence de leur richesse, de la confiance et de TĂąpretĂ© Ă
se défendre que celle-ci leur donnait.
Cependant la difficulté croissante des communications et
des transactions avec l'Afrique convertie Ă l'Islam et l'Europe
également transformée ; les progrÚs du nomadisme et le voi-
sinage de tribus arabes pillardes comme les Hammama; les
guerres incessantes que Kafsa soutint contre le pouvoir cen-
tral et qui se terminaient presque toujours par la destruction
1. El-Edrisi, GĂ©ographWj 1, :.^'J3.
2. Aboulféda, GÚoffraphie^ H, p. ID7.
3. Appendice^ p. 20<J ot sq.
1. El-Edrisi, I, \\ i?53.
5. Appendice, p. :WX) et sq.
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80 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
d'une partie de la palmeraie et des jardins *, forcĂšrent les
Kafsiens Ă abandonner peu Ă peu leurs cultures du bled, di-
minuées déjà avant Tinvasion arabe. Les olivettes aban-
données, livrées au pùturage des nomades, disparurent sans
doute Ă peu prĂšs complĂštement; les travaux hydrauliques
tombĂšrent en ruine et les Kafsiens perdirent la richesse avec
la pratique de leurs procédés agricoles; beaucoup d'entre eux
mĂšmcy pour vivre, durent entrer dans les tribus nomades
dont le sang arabe est mĂȘlĂ© de sang berbĂšre ^ : la nature li-
vrĂ©e Ă elle-mĂȘme reprit ses droits, et le pays s'achemina vers
l'Ă©tat gĂ©ographique et Ă©conomique oĂč il se trouvait douze
ou quinze siÚcles auparavant, à l'arrivée des Romains, et six
ou sept siĂšcles plus tard au moment de l'occupation fran-
çaise.
Au XVI* siĂšcle en effet, il y a bien encore au dehors de la
ville « possessions infinies d'olives, d'oranges et dattes, les-
quelles sont des melUeures et plus grosses que l'on saurait
trouver dans toute la province et les olives aussi dont on re-
tire de l'huile bonne en toute perfection, tant en goût sa-
voureux comme en naĂŻve couleur. LĂ se trouvent quatre
choses bonnes et commendables, dattes, olives, toiles, et vases.
Hais, ajoute aussitĂŽt LĂ©on l'Africain, auteur de ces lignes,
les édifices de la cité sont de laide montre, hors le temple et
quelques autres petites mosquées. Les rues sont fort larges et
pavées comme celles de Naples et de Florence (ce qui est un
reste de l'occupation romaine et de l'ancienne prospérité de
Kafsa). Les habitants sont civils, mais fort nécessiteux pour
ĂȘtre par trop oppressĂ©s du roi de Thunes » et, sans doute
aussi, ruinĂ©s par la destruction des plantations du bled; Ă
cette Ă©poque le service de la voirie n'Ă©tait plus fait depuis
longtemps et les Ă©manations malsaines des jardins donnaient
aux habitants de la cité, serrés sur un petit espace et sans
1. Jd., p. 202 et sq. El-Tidjam, Voyage dans la régence de Tunis, Journal
asiat., 1852, p. 188-180.
2. /t/., p. IG7 et sq.
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HISTOIRE ĂCOiNOMIQUE:. 8i
grandes ressources, une fiÚvre qui les rendait « vitupérables
par foute FAfrique ^ ». Enfin un rapport du consul de
France Ă Tunis, Jean-Baptiste Michel, signale un siĂšcle plus
tard le commerce des dattes du Djerid et Texporlation de ces
fruits en Italie et en Provence par Tintermédiaire des juifs de
Tunis et de la Compagnie du Cap Bon; mais il ne parle pas
du commerce de l'huile^. DĂšs cette Ă©poque les cultures du
pays kafsien devaient ĂȘtre rĂ©duites aux jardins irriguĂ©s de
Toasis : depuis longtemps le bled presque entier devait ĂȘtre
le domaine des pasteurs nomades. Heureusement, par leurs
cullures de dattes, de fruits, de lĂ©gumes et d'orge, grĂące Ă
leur alliance avec certains nomades du voisinage qui ensi-
laient leurs grains dans l'oasis ^, et devaient y vendre leurs
moutons et leur lait, grĂące Ă leur industrie du tissage de la
laine et de la fabrication des poteries^, grĂące au voisinage
des tailleurs de pierres Ăą fusil d'El-Ayalcha^, les Kafsiens pou-
vaient presque se suffire Ă eux-mĂȘmes au milieu des steppes
du sud, et, grùce à cette circonstance, ils purent longtemps dé-
fendre leur indépendance contre les Khalifes de Tunis^.
Sous la domination turque, le pays de Kafsa ne se releva
pas de sa décadence : « La situation de Kafsa, écrit en 1727 le
voyageur Sbaw, est aussi mélancolique que celle de Fériana avec
cette différence seulement que les environs sont un peu plus
riants, parce qu'on y voit des palmiers, des oliNders et d'autres
arbres fruitiers. Mais ces agréables objets ne s'étendent pas
fort loin et ne servent qu'Ă consoler un peu la vue des collines
et des vallées stériles qui se trouvent au delà ''. » Ce voyageur
signale cependant plusieurs petits villages, sans doute en-
1. LĂON l'Africain, Description de l'Afrique, III, p. 2tK».
2. Plantet, Correspondance des beys de Tunis, I, p. 389^ ptĂčcr n" ItlJ ihl
20 août 1686.
3. Infra, p. 200 et sq. Ibn Kualdoun, III, p. 120-121.
4. Bekri, p. 115. LĂ©on l'Africain, III, p. -200.
5 Appendice, p. 151.
6. Supra, p. 200 et sq.
7. Shaw, Voyages.
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82 LA. GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
tourés de plantations, à Gourbata sur remplacement de Tan-
cienneThigĂšs^ Cinquante ans plus tard Desfontainc mentionne
plusieurs habitations, des palmiers et des olivettes Ă Sidi AĂŻch,
mais il est frappé de la stérilité générale du pays jadis cou-
vert de cultures : Ă peine indique-t-il dans le bled quelques
gros oliviers sauvages et quelques cultures de céréales au bord
des oueds 2. La description qu'il donne de l'oasis est presque
d'hier : « Les jardins de Kafsa, écrit-il, sont plantés d'oliviers,
de figuiers, de citronniers, de vignes, de dattiere, etc. On sĂšme
Torgc aux environs de la ville; et les champs ainsi que les
jardins sont partagés en petits carrés qui communiquent avec
des rigoles oĂč Ton conduit les eaux de temps en temps, pour
arrosor la terre. Sans ce secours elle deviendrait bientĂŽt aride,
parce que les chaleurs de ces climats sont trĂšs violentes, et que
les pluies n'y tombent que fort rarement. J'ai vu de l'orge en
épis vers le mois de janvier, et on en fait souvent la récolte
dans le mois de mars. L'huile de Kafsa passe pour la meilleure
de toute la Berberie; elle est néanmoins d'une qualité bien
inférieure à celle d'Aix. Le pays serait riche si les habitants sa-
vaient tirer parti de leur sol. Je suis assuré que la cullure du
café, de l'indigo, de la canne à sucre y réussirait ; les planta-
tions de dattiers et d'oliviers, ainsi que les champs ensemencés ,
ne s'Ă©tendent guĂšre "qu'Ă une lieue de longueur sur une demi-
lieue de large^. Les lieux que l'on ne peut arroser ainsi que
les montagnes sont arides et stériles; on n'y trouve que quel-
ques arbrisseaux qui seuls peuvent résister à l'ardeur du soleil.
Le comuierce de Kafsa consiste principalement en laines, en
barracans, huile, olives, grenades, en dattes beaucoup moins
estimées que celles du Djerid. Le peuple y est dans la misÚre
parce qu'il est trÚs paresseux et que la régence de Tunis sait
bien le dĂ©pouiller du superflu 'âą. »
L ^11 Aw, p. 270-272.
i, r»KsniMAiNE, Voyage daru la Régence de Tunvi, p. 01-07.
;L C'ißsl'i-dire 8(J(J hectarosjXXJ liectarescio moins qu'aujourd'hui (I78M7i^»).
i tĂźĂSin^TAlNE, p. 0(i-07.
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HISTOIRE ECONOmQUK. h:\
Cette situation trÚs précaire, puisque à celte époque eni783-
1786 la superficie de Foasis était de M % moins considérable
qu'aujourd'hui*, ne s'améliora pas pendant la premiÚre moi-
tié du XI3L** siÚcle. En 1835, toute trace des villages de Gour-
batan â et probablement de Sidi AĂŻch â avait disparu 2; le
montant des contributions levées à Kafsa et au Djerid était in-
férieur aux dépenses organisées par le camp turc ; et les voya-
geurs, le consul Marceschau (en 1826) et sir William Temple
(en 1835), parlent Ă peine des jardins de Kafsa et paraissent
surtout avoir Ă©tĂ© intĂ©ressĂ©s par les manufactures de laine oĂč se
fabriquaient de trÚs beaux bataniés, légers et souples, et des
barracans aux vives couleurs -^
Il ne restait plus rien de l'antique prospérité agricole du
pays : le bled livré aux pasteurs nomades et aux troupeaux
Ă©tait peu Ă peu redevenu terrain de parcours; l'incurie des
hommes avait substitué le pacage dévastateur aux cultures
bienfaisantes ; abandonnés les uns aprÚs les autres, les ouvrages
hydrauliques avaient définitivement cessé d'exercer leur action
de protection et de fournir des réserves d'eau : l'eau des orages,
roulant des crĂȘtes sans retenue et sans obstacle, avait achevĂ©
de dĂ©pouiller les plaines oĂč les maigres pĂąturages de retem et
les touffes sauvages d'alfa remplacĂšrent les riches plantations
d'arbres fruitiers. Comme au temps de Marius, Kafsa fut en-
tourée de vastes steppes, de parcours nomades.
1. 800 lias au lieu de 1.1(X) environ.
2. Sir Grenvii.le Temple, Travels, II, p. 185.
3. Marceschau, Lettres, H. Tun.j 1001, p. lijO-lf)!. â Siu Grenville Temple,
op. cit.. p. 180-lĂźK). â BalaniĂšs : âą tissus de laine lĂ©gers el assez souples pour
qu'on puisse en faire plusieurs doubles sur un lit. Le prix de ces excellentes
couvertures est de 80 à 100 piastres tunisiennes ». ht., ßbid., p. l.jl.
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CHAPITRE 111
GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE
DÚs le début de l'occupa tion française, des travaux impor-
tants ont été entrepris pour protéger l'oasis contre F envahis-
sement des sables, régulariser le débit des sources et permettre
ainsi de développer les cultures des jardins.
11 y a vingt ans déjà le commandant d'armes de GaTsa, t>'ins-
DĂrant du systĂšme de dĂ©fense employĂ© dans les Landes, lit
Ă©lever, en avant de l'oasis, des talus de terre surmontes d'untĂź
palissade en branches de palmier. Le sable apporté par le vent
s'amasse en avant de l'obstacle, ou, soulevé par le choc, vient
frapper les branches des palmiers et retombe sans envahir les
cultures situées en arriÚre et enfouir un à un les oliviers elles
palmiers de l'oasis. Le mĂȘme systĂšme complĂ©tĂ© par des plan-
tations avancées et profondes de tamarins, a été employé jus-
qu'à ces derniÚres années : plus de 1.200 Has de terrain ont
été ainsi fixés autour de Gafsa et des oasis du Djeriil et la bar-
riĂšre de sable a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e Ă une distance suffisante des pal-
meraies préservées*.
En mĂȘme temps, Ă l'intĂ©rieur de l'oasis, les travaux de cap-
tage des sources ont été refaits avec soin; des sources nouvelles
ont été captées et ulilisées^; des barrages ont été réparés ou
1. GagnĂąt et Saladix, Tour du Mondes 1886, n, p. 198. â La TtinistCt p* ^^^-
233.
2. Rapport au PrĂ©sident de la RĂ©publique y liK)-2, p. 125. â Stufn^thpu' <ft!t ira-
taux publics^ i903, p. 28. â Amt'»nagement des sources et pisciiß»^*; l'ii 18^0
(I.5G0 francs). Installation d'une borne- fontaine Ă Gafsa-gare en lt«lL â Per-
mission à un propriétaire de capter une source située dans sa jtroprii^'l^i etc.
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86 LA GAFSA ANCIENxNE ET MODERNE.
rétablis, notamment le barrage ancien de Chenini et le bar-
rage de retenue de Toued Lalla qui mesure 17 mÚtres de dé-
veloppement et dont le débit journalier est de 4.000 mÚtres
cubes au minimum ^
L'eau ainsi recueillie par des travaux d'aménagement est
répartie dans Toasis au moyen de canaux d'irrigation. Ces ca-
naux sont généralement formés par les deux talus qui séparent
deux jardins voisins Tun de l'autre ; des barrages trĂšs simples,
en terre, graviers et bois de palmiers, sont Ă©tablis de loin en
loin et permettent d'arrĂȘter l'eau courante, si le besoin s'en
fait sentir, et de l'emmagasiner selon les besoins des riverains;
l'eau pénÚtre dans le sol par infiltration, on peut la puiser en
tout endroit pour l'arrosage des cultures et, de temps Ă autre,
OQ inonde les rigoles creusées dans les jardins ou le ter-
rain tout entier, en faisant une coupure Ă la digue^. Les
cultures les plus variées prospÚrent sur le sol sablonneux, dé-
trempé par l'arrosage, reposant sur une couche argileuse
qui empĂȘche l'eau de se dĂ©rober Ă une trop grande pro-
fondeur 3, et couvert de l'humus accumulé par une végéta-
tion séculaire : sous l'ombre des palmiers dont les palmes
tamisent les rayons du soleil et les empĂȘchent de brĂ»ler le
sol et d'en absorber l'humidité, dans une atmosphÚre de
serre ihaude, les arbres fruitiers se pressent et protĂšgent
eux-mĂȘmes des lĂ©gumes de toutes sortes.
Le palmier croit facilement sur le terrain Ă sous-sol ar-
gileux de l'oasis de Gafsa oĂč il se trouve vĂ©ritablement « le
pied dans l'eau »; et, s'il a moins « la tĂȘte dans le feu »
que les palmiers du Djerid, il est sensiblement plus robuste
et plus fécond que ceux du nord et de la région du GabÚs.
Les maraĂźchers de Gafsa, comme ceux du Djerid, prennent
le plus grand soin de leurs arbres; outre des arrosages ré-
L ShiiMque des travaux publics, 1003, p. 42. â Ce barrage, complĂ©tĂ© par
tine conduite maçonnée do 330 mÚti^es, a coûté 10.000 francs.
â 2. TĂŻBA^T et Rebatel, Voyage en Tunisie, Tour du Monde, 1875, p. 311. â
COGNAT el Saladin, op cit. y p. 198.
3. Supra, p. 40.
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PL. V.
VIU, â In barrage dans l'Oasis.
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THĂź: N!'-.v yo:vk
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GĂOGRAPHIE ĂCOiNOMIQlK. 87
galiers et soigneusement calculés suivant les saisons, ils
les soumettent à des fumures périodiques et prennent grand
soin d'Ă©viter que les racines ne paraissent Ă l'air libre, par
suite d affaissements momentanés du sol dus au systÚme d'ir-
rigation. La fécondation des palmiers femelles a lieu au
débat du printemps. La récolte a lieu à la fin de l'au-
tomne : elle attire dans l'oasis toute une population de no-
mades et de sédentaires, venus spécialement pour la cueil-
lette des dattes, parfois de trĂšs loin, du Hatmata et de la
rĂ©gion de GabĂšs oĂč la rĂ©colte n'est pas importante, de la
c6te, du désert, des steppes du nord. Les maraßchers de
Gafsa ne sauraient se passer de cette main-d'Ćuvre tempo-
raire qui exige des salaires parfois Ă©levĂ©s pour le pays (2 Ă
3 francs par jour). Les grappes sont coupées à la main
sur l'arbre et les cueilleurs, échelonnés généralement sur des
échelles grossiÚres, se passent les régimes de main en main
afin d'Ă©viter de les meurtrir K Les palmiers d'Kl-(iuett;ir,
bien abrités du vent du nord par le dj. Orbata, bien ar-
rosés par seize sources souterraines réparties sur un trÚs
petit espace de 150 has, formeraient une oasis relativement
plus féconde encore, s'ils étaient mieux protégés contre Ten-
sablement^.
Les dattiers en pleine production donnent en moyenne
50 kilogr. de dattes. Les unes, de variétés trÚs nombreuses,
sont de qualité inférieure, sirupeuses ou sÚches, et servent
principalement Ă la nourriture des indigĂšnes; ce sont les plus
nombreuses Ă Gafsa qui se trouve Ă la limite septentrionale
de la production et, malgré les bonnes conditions que le
1. Tirant et Rebatel, op. cil., p. 311-312. â RiviĂšre et Lecq. }ftfinfet d'Af/ii
culture algĂ©rienne, p. 342. â Cagnat et Saladin, op, cit., p. rJĂŻ-198. â Blam ,
U sud de la Tunisie, p. 19. â Claretie, De Syracuse Ă Tripoli, p* 2WĂ-2H2.
Du Paty de Clam, Le Djeind, Bull. GĂ©ogr. Com. Ir. hisl. et xr., I8LU, p. 325-
328. â ScHWEiNFURTH, La culture du palmier dattier. II. Cuit. atL^ VM2^ 81-87*
175-177. â E. C, Notes sur le sud delĂ Tunisie, Bull, tiĂ©ogr. Comm,, llJOCi. Il,
p. 122. â Supra, p. 40 et sq.
2. Baraban^ op. cit., p. l\\).
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88 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
palmier y rencontre, moins bien favorisée que les oasis du
Djerid; elles valent environ 1 fr. 50 la grappe de 10 kilogr.
Les autres, charnues et riches en sucre, connues sous le
nom de Deglat en-Nour, sont exportées en France et dans
tout le bassin de la MĂ©diterranĂ©e au mĂȘme prix et avec la
mĂȘme marque que les dattes cĂ©lĂšbres du Djerid, et valent
40 Ă 60 francs les 100 kilogr. K
Le nombre officiel des palmiers de Toasis Ă©tait de 32.000
environ en 1887, d'aprĂšs M. Blanc^ de 64.000 en 1891, d'a-
prĂšs la statistique du gouvernement tunisien (en compre-
nant dans cette Ă©valuation les palmiers d'El-Guettar) ^, et le
produit de Kanoun des dattiers en 1903 permet d'Ă©valuer Ă
40.000 environ le nombre des arbres productifs Ă cette date
et Ă 80.000 le nombre total des palmiers de Gafsa et d'El-
Guettar ^
1. ScHWEiNFURTH, op. cU.y p. 241-245, 302. â Blanc, op. cit., p. 19. â Rebatel
ni Tirant, op. cit., p. 311. â Rimkhe et LEcq, Afanuel d^ A gHculture algĂ©rienne,
p. 341.
2 Blanc, op. cil., p. 19.
3. Secrétariat général du gouvernement tunisien, statistique officielle, 1881-1892,
p. 263.
4. Le produit de Kanoun des dattiers dans le caïdat de Gafsa a été de
22.852 fr. (55 en 1903, d'aprÚs le rÚglement déOnitif du budget de 1903 (rensei-
gnement fourni par le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres). Le taux de Kanoun
Ă©tant Ă Gafsa do 1 franc par dattier deglat et de fr. 50 pour les autres va-
riétés, si nous évaluons à un huitiÚme de la recette totale le produit des dat-
tiers deglat, proportion observée à Tozeur et à Nefta (Indicateur tunisien, 1905,
p. 408-409), nousobtenons un total d'environ 3.000 dattiers deglat et 40.000 dat-
tiers ordinaires. Il faut ajouter Ă ce nombre les palmiers non producteurs de
dattes et les dattiers de moins de vingt ans exempts de l'impĂŽt, environ 40.000
arbres d'aprÚs la proportion observée à Tozeur et à Nefta (Indicateur tunisien,
1905, p. 125, 408-409).
Masselot, Les dattiers des oasis du Djerid, Bull. agr. et comm., a\Til 1901,
p. 114-161; uov. 1901, p. 115-116 : ⹠Le palmier est larbrebéni des Arabes. 11
sert Ă tous les usages. Tandis que les fruits subviennent Ă la nourriture d'une
trÚs nombreuse population, ses feuilles pressées, sont converties en chapeaux,
vn paniei's, en nattes, en zembils d'Ăąnes, en Ă©ventails, en plumeaux et mĂȘme
en récipients pour l'eau ; ses palmes, au Djerid, servent à la confection des pla-
fonds, des berceaux, des cages de lit, des barriĂšres, des nervures de tentes et,
disposées parallÚlement, elles constituent un trÚs bon sommier; c'est avec les
rpines des palmes qu'on fait les peignes pour carder la laine et la tisser; son
stipe, indépendamment du chauffage, est, à l'exclusion de tout autre bois, em-
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GEOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. lH^
Les arbres fruitiers de toutes les espĂšces croissent A Tabri
des palmiers dans Toasis de Gafsa : amandiers, pĂȘcbers, abri--
cotiers, pruniers, pommiers, cognassiers, figuiers, jujiibiei^,
grenadiers, orangei*s, oliviers; les jardins sont en pleine flo-
raison au début du printemps et la cueillette des fruits, à Tau-
tomne, coĂŻncidant presque avec celle des dattes, les remplit
d'animation et de vie intense.
I-,es légumes et les plantes les plus diverses, abrités du vent,
viennent dans d'excellentes conditions, grAce Ă l'irrigation el
à Tactivité intelligente des maraßchers : henné, tabac, piment,
fĂšves, pois, haricots, melons, potirons, concombres, citiouilles,
pastĂšques, tomates, aubergines se pressent et se succĂšdent
dans Toasis; le maïs, Forge et le blé occupent des espaces re-
lativement considĂ©rables, principalement dans les parties oĂč
la palmeraie, moins épaisse, laisse le soleil pénétrer davantage
ployé dans la menuiserie ou dans la charpente des maisons, selon la Lfua*
lité.
⹠On a remarqué que les palmiers dont les racines étaient pivotaute* ilon-
naient un bois beaucoup plus résistant et à grain plus serré que len aiUro^f. Lu
matiĂšre textile qui entoure la base des palmes que nous nommons la boune et
les Arabes âą liffa âą sert Ă faire d'excellentes cordes, des matelas^ drs nattas,
des zembilsy des cliouaris (sorte de sacs) pour les dattes. Les pédoncules des
régimes sont utilisés pour la confection de certaines cordes grossi Úfï^s^ ceux
d'une espĂšce particuliĂšre appelĂ©e - gundi â sont employĂ©s dans la teiniijjvrie.
Les brindilles qui supportent les dattes sont données quelquefois an \ chameaux
pour leur nourriture, on en fait aussi des balais et des allumettes qui' I on
enflamme en les frottant l'une contre Tautre. Entaillé d'une certaine faron, \o
palmier produit selon le procédé d'extraction une boisson douce et fermentée
qu'on nomme* lagmi âą. Bref toutes les parties de cet arbre sont ulilĂM-es. LĂȘJ^
indigÚnes disent qu'un chameau pénétrant dans un jardin de paluiin^ fieul
en ressortir complÚtement harnaché de sa bride, de sa naouia, de scii deux
chouaris et mĂȘme, ajoutent-ils naĂŻvement, du bĂąton pour les faire liiaivher.
Lorsque, trop vieux pour produire encore, le palmier doit céder à un plus
jeune la place qu'il occupe dans le jardin, abattu sans pitié parti' kli^ïiaméù
qu'il a nourri si longtemps, son gigantesque cadavre jonche le sol, il offiT
encore un dernier don : son cĆur dont les indigĂšnes sont trĂšs friands, w ot son
bois.
En outre on peut fabriquer de l'eau-de-vie avec les dattes : en faisant rermen-
ter pendant quinze jours dans de l'eau additionnée de fenouil 100 k^. de datie»,
on obtient aprÚs distillation 40 litres d'alcool à 50 degrés. A Gafsit. quiiL7.e Is-
raélites sont pourvus d'alambics et distillent l'eau-de-vie des daui-s l£lk\,
Let industries imiiyĂšnes de ta Tunisieyp. 93).
LA GAPSA ANCIENNE. 7
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Ă
90 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
entre les palmes ; ils complÚtent la série des végétaux alimen-
taires cultivés dans l'oasis ^
Cependantles cultures n'ont pas dans toute Toasis l'aspect que
nous venons de décrire : l'olivier en effet est trop arrosé dans
les jardins à palmiers; il y est trop à l'ombre et manque d'aé-
ration; il jaunit, ses racines pourrissent, ses fruits sont peu
nombreux et de qualité médiocre^. Aussi des olivettes trÚs
étendues ont-elles été plantées hors de la palmeraie, principa-
lement au nord et au sud-est de l'oasis, dans la direction du
chemin de fer; elles occupent environ les deux tiers de la sur-
face de l'oasis : sÚches ou légÚrement arrosées au moment de
la floraison, en avril, mai, et au mois d'août ou de septembre,
ces olivettes sont trĂšs productives, bien que les indigĂšnes de
(iafsa ne pratiquent pas la taille des arbres comme les m'rharei
sfaviens et les jardiniers d'El-Oudiane*^.
La culture de Tolivier a une importance spéciale à Gafsa,
marchĂ© central oĂč les nomades du sud-ouest de la Tunisie vien-
nent chercher l'huile qui est un des articles les plus importants
de leur régime alimentaire : il y avait à Gafsa en 1899 plus de
l'i.QOO oliviers produisant annuellement 15.000 Ă 20.000 hec-
lolifns d'olives et 3.000 Ă 5.000 hectolitres d'huile ^ En 1905
lo nombre dos oliviers dans tous les caĂŻdats de Gafsa i El-Guettar
L TiUANTOt Rabatkl, op. Cit., ]). 311-312. Ca(jn\t et Sai.adin, Clakf.tie, Blanc.
Ole, hc. cil. RiviKiiE ot Lecq, fip.ril.y p. 21M]-3ß*S, 0111»- 722. Il y a mÎme à (Jafsii
1 11 ce tare HT) do vigne {Itappuvl au Président, llKXß, p. 5G()).
La i-aiine Ă sucre et le coton pourraient trouver sans doute dans les jardins
In^ nii^dies conditions d'humidité du sol et de sécheresse de Pair qu'ils rencon-
ircril l'u Egypte ou au Soudan. Mais ces plantes néces-siteraient, à cette limite
exljvine de leur zone de production, des soins trop méticuleux, un arrosage
irap aiiondant pour les ressources en eau de Gafsa et nuisible aux autres
produits de roßisis : la culture en serait trop délicate et trop restreinte pour
ĂȘtre ivMlunĂ©ratrice (Hivn*:uEel Lkc(^ op. rit., p. 281>-21)t), 31 l-3lt>. Cohnl, li.O.S..
15dĂ©fi-inbrel8lXi, p. 10HI-1Ă85).
2, AJnAN<;oiN, Culture lie rolivirr,\). 39.
'A. \\K ftfiil, l.(MM) mĂ©trĂ©s cubes d'eau par Ha. â Vivien de Saint-Mautin, op. cil.
^- Fi.^utv, Les industnrsitutif/Ăšnes en Tunisie, llMl), p. l!5. â /nfra,p. 105.
L FuLUY, op. cit., p. ĂC>. â La moyenne de la production, pendant les di.x
derniÚres années, a été de l.G<x> hectolitres (moyenne fournie par le contrÎle
civil de Gafsa en lUOt)).
\
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 91
et NĂ©cbiou compris) Ă©tait de 133.758, dont 9.561 sauvages et
13.508 plantés depuis moins de vingt ans (non imposés) ^ La
fabricaiion de l*bui1e est une industrie trĂšs active dans Toasis;
les procédés, du moins ceux des indigÚnes, sont grossiers :
leurs instruments, les pressoirs surtout, rappellent tout Ă fait
ceux dont se servaient les agriculteurs de l'Ă©poque romaine :
« AprÚs la cueillette, les olives sont entassées dans une cham-
bre obscure de rbuilerie, par coucbes alternant avec une cou-
che de sel. Elles macĂšrent ainsi pendant trois ou quatre
mois... Malbeureusement la fermentation qui se produit pen-
dant la macération des olives communique à l'buile une
rancidité qui la rend insupportable à des palais européens.
Les olives sont ensuite portées au moulin qui consiste en un
rouleau de pierre dure ou en une meule tournant dans une
auge, en pierre Ă©galement, par le moyen de la traction ani-
male. La pulpe et le noyau sont broyés ensemble, ce qui
contribue encore au mauvais goût de Tbuile ; la pùte résul-
tant de ce broyage est recueillie dans des couffins en alfa, les-
quels, empilés les uns sur les autres, sont soumis à Faction de
la presse. Celle-ci toute en bois, se compose de plateaux, mo-
biles entre deux montants verticaux, et actionnés soit par une
vis, soit par un tronc d'arbre faisant levier. Le liquide exprimé
se rend dans un rĂ©cipient oĂč, par le repos, l'buile ne tarde
pas Ă surnager et est recueillie dans de grandes jarros do fa-
brication locale 2. » Malgré l'imperfection de ces procédés, les
huiles de Gafsa, célÚbres dans la Berbérie depuis jïlusieurs
siĂšcles, suffisent largement Ă la consommation locale; les hui-
les de fabrication europĂ©enne plus fines alimentent mĂȘme un
certain trafic d'exportation et le commerce total des huiles se
monta en 1900 Ă 300.000 francs environ 3.
1. /Rapport au PrĂ©sident, 11)05, p. IjOT. â Imlicaleur luitisien, VM7t, ]k 1 *C.
2. Fleury, Les industries indif^Ăšncs en Tunisie, UWI, p. 7.
3. U y a des fabricants d'huiles européens à Gafsa (Indicateur tituiiien^ lliiiTi.
p. 1*227); ils emploient une main-d'Ćuvre indigĂšne. â Flklhy, ftp. i iV.. [\M)],
p. 7. â 11 y avait Ă Gafsa en VJOO cinq presses Ă leviers et deux pii^^sf^s euro-
péennes appartenant à des indigÚnes (Flelky, op. Ht., 190(), p. 93;. J/huile vaut
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i
92 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Dans les olivettes comme sous la palmeraie, les Gafsiens
cultivent de l'orge et du blé dont la farine, jointe à la viande
de mouton et Ă Thuile, forme le fond de leur alimentation et
leur permet la fabrication du couscous : le grain, générale-
ment enfoui en terre par un labour superficiel aprĂšs les se-
mailles, se trouve Ă une profondeur suffisante pour ne pas
iiuinquer d'humidité et germer sans souffrir de la sécheresse ^.
en moyenne 1 franc lo litre (Id., Ibid). L'oasis d*fil-Oudianc produit itO.CKiU
litres il'huilo environ dont la moitié^ est exporl^'c. Le nombre des arbres est de
ÂŁ>.OUf) environ (t*L- Paty de Clam, Le Djerid, p. 2^15). L'oasis de FĂ©riana est coin-
post'e presquf" nniqiieinent d'oliviers (Minangoin, op, cii.j p. 39). â Rivikre et
Ltrg, up. tit., \K ^fTi^Ăź et sq.
L IiLA\c, op. ciC, p. 19. â A. CoLTLitiER, \otes de voyage, culture intensive,
nov. UmJ, p, 13tJK â RiviĂuE et Lecq, op. cil., p. 170-202.
Il fut offert en 181*8 sur le marché de Gafsa :
Blé. Orge. HaTé. FÚree.
En février
6.2M L
11.370 L
7.710 1.
»
â luai's
4.0B0
14.385
7.090
»
â avril ,
2.170
3.720
8.540
.
â mai. ,
5.960
9.520
1.680
.
â Juin
10.850
17.560
3.200
»
â juillet
ia5
170
»
31 1.
â aoĂ»t........
614
996
âą
»
â BGplembre...
501
1.015
»
âą
â octobre
49.100
384.600
âą
2.760
â novembre, . .
25.080
44.HJ0
»
720
â dt^cembre, . .
30.000
42.8(K)
âą
6.000
Scit...... 135.014 L 531.302 L 28.220 1. 9.5111.
pendant les onze derniei-s mois de l'année.
En IH97. pemlanl les six dornirs mois, les offres avaient atteint :
Blé. Orge.
Juillet
AoĂźU......
Septeuibre.
Oi'tobre , , . .
Novembre .
DĂ©cembre.
13.930 L
9.960 l
10.015
15.885
7.500
20.300
7.370
7.850
18.900
16.620
15.990
:i9.580
Cbifrressu^nsiblenii^nt différents de ceux de 1898, indiquant que la production ot
la vente ili^sfĂčn-nlj^^. l'troitementliĂ©esaux variations climatiques, ne peuvent at-
loindn' la Htabßl ßd* ili^sirable. Ces cbiffres ne représentent que les produitsofTerts
sur ĂŻt^ lĂiarrĂźiĂ©, et non toute la production du pays. Huit. dir. agr. et comm.,
janvier lK98, p. ftl; avril 1898, p. 90; octobre 1898, p. ĂM; janvier 1899, p. 92:
avril 189^» p. 96. -â il y avait Ă Gafsa en 1905 28 meules simple Ă traction ani-
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 93
Il restait encore des terrains en friche dans Toasis il y a
vingt ansL Aujourd'hui, les cultures se perfectionnent : « Ă
la suite de leçons pratiques données avec succÚs par l'institu-
teur dans le petit jardin de l'Ă©cole, un certain nombre d'indi-
gÚnes ont modifié ou amélioré leurs procédés de culture ma-
raßchÚre et se sont mis à cultiver des variétés de légumes
inconnues auparavant daus l'oasis. Quelques-uns de ces indi-
gĂšnes s'adressent mĂȘme Ă une maison parisienne pour avoir
leurs graines -. »
Il est à désirer également que des efforts soient faits pour
généraliser l'emploi des charrues françaises dans les parties
de FoasĂźs oĂč les labours ne se pratiquent pas Ă la bĂȘche ; les
indigĂšnes se servent encore presque tous d'instruments ber-
bĂšres; les araires sont trĂšs imparfaits, sans Ă©quilibre, Ă manche
unique, sans coutre ni versoir, et le joug grossier blesi^e et
strangule frĂ©quemment le chameau, le bĆuf ou l'Ă ne qui le
porte, souvent attelé à cÎté d'une femme indigÚne. Quelques
indigĂšnes possĂšdent des charrues plus modernes; il est pro-
bable que leur exemple sera suivi quand leurs voisins auront
pu suffisamment apprécier les avantages qu'ils en tirent ^
DĂ©jĂ les plantations s'Ă©tendent au nord, autour du cercle
militaire, et au sud-est, dans la direction de la gai e oĂč une
agglomération s'est créée; peu à peu l'oasis principale et ses
annexes, Lalla, El-Ksar, SidiMansour, se rapprochent. Le réta-
blissement de la paix, la diminution des impĂŽts^ les pcifec-
male (28 manĂšges) pouvant moudro cinquante-huit quintaux de fariae par
jour. Rapport au Président, 1905, p. KM).
1. Blanc, op, cit., p. 19.
2. Rapport au PrĂ©sident de la RĂ©publique, 1901, p. 99. â Peut-ĂȘtre des rrsul-
lats meilleurs encore pourraient-ils (>lre obtenus par le phosphatage dos jar-
dins; il n'existe malheureusement ni Ă Gafsa, ni mĂȘme en Tunisie de fabrique
de phosphate bicalcique ou monocalcique qui j)ermette l'emploi it boix compte
des produits des gisements de Metlaoui. 1/offct de différents enjfnûßi a ds\j;i
été étudié dans le sud de la Tunisie. Rapport au Président, 1902, p, *'5,
3. Grandeau, R. g, s., 15 dĂ©cembre 1890, p. I09Ăźi-1095. â A. CeiTLKiEK^ ^or.
cit. Rapport au PrĂ©sident, 1905, p. 21. âSouvent les femmes tireiil les araires,
4. De Lanessan, La Tunisie, p. 165-107, 179-191. â Blanc, op. cH., p. 14-10. La
Tunisie, p. 131-132, 424. L'Indicateur tunisien, p. 125 et sq.
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Ă
94 U GAFSA ANCIEiNNE ET MODERNE.
tionnements des procédés et de Toutillage agricole et écono-
mique sont venus en aide Ă la population gafsienue qui a su
en Hrer le meilleur parti.
„à si Toasis de Gafsa n'est tout à fait comparable ni aux cé-
lĂšbres jardins d'orangers d'El-Oudiane ni aux belles paluie-
raies de Tozeur, ni aux olivettes de Sfax, si ses cultures
variées tiennent une place intermédiaire entre ces types sé-
lectionnés d'établissements agricoles sans arriver à la perfec-
tion d'aucun, ce n'est pas l'incapacité de ses habitants qui
en est cause, mais le climat plus complexe de la zone de
transition oĂč elle se trouve*.
Sans doute les Gafsiens ne pratiquent pas la taille des ar-
bres mais tous, petits propriétaires ou métayers (kbammÚs)^,
trÚë attachés au sol par des siÚcles de culture industrieuse et
chaque jour améliorée, ont su tirer de l'oasis, en quantité
suflisante, les produits nombreux qu'elle pouvait leur donner :
k blé et l'orge soigneusement ensilés ^, les huiles, les dattes,
les fruits et les légumes de l'oasis paraissent avoir satisfait
aux besoins d'une population sédentaire de 500 habit mts au
kilomÚtre carré (6.500 hab.) et de i^O.OOO ou 50.000 nomades ^
1. Supra, p. 24 et passim.
t, Ftivjf:uE et Lscq, op. cit., p. 143-115. Du Paty i»e Clam, vp. ciL, p. 1337.
Cii y Li. t:\-BEHT, IL G. S., 15 dc^cembrc 18ĂM), p. 114MU5. Le KhamniĂšs est un
nïétay»'r pay(^ avec le cinquiÚme de la récolte; il reçoit en outre du proprié-
tain? doj* avances en grains, animaux, outils, argent, remboursables par lui,
au ninment de la récolte; par imputation sur la part (1 5) qui lui revient. La
vi<^ du kliammĂšs Ă (iafsa est sensiblement la mĂȘme qu'au Djerid et telle
qu« Ta dĂčiTite M. du Paty de Clam (op. CĂŻ7.,p. 317) : âą Le khammĂšsdoit partir
au jour Ă la priĂšre de Fedjer, pour le jardin. Souvent mĂȘme il doit y pas
mv la nuit pour arroser. Peu aprÚs le lever du soleil, il a déjà envoyé son frÚre
ou son lUs au marciié avec un à ne chargé de légumes et d'herbe fraßche.
Penilaut ce temps, lui-mĂȘme repique, etc., retourne la terre avec la houe,
surveilĂŻe l'arrosage quand il a lieu le jour, visite les palmiere, en co\x\^ les
gourmands avec un lourd couteau-levier, fructifie les régimes si c'est la sai-
son, enïn tient les allées du jardin, refait les clÎtures et rentre au coucher du
soleil rapportant des légumes pour sa fßimille, du bois pour faire du feu, du
fourrage pour ses animaux. âą
X RiviĂHEet Lecq, op. cil., p. 198 et sq.
L Appendice, p. 173-175. Nous estimons que la moitié au moins des nouia-
dcs du contrĂŽle de Gafsa sont en relations commerciales avec l'oasis.
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PL. VI.
IX. â Le retour des jardins.
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. .^.JAliOXi
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE 95
jusqu'Ă la construction du chemin de fer et la mise en exploi-
tation des gisements de phosphate * : c'est un exemple trĂšs
frappant d'utilisation économique d'une région géographique
déterminée.
Il suffĂźt de l'appoint des grains et des troupeaux des no-
mades dq voisinage pour assurer la subsistance des Ksouriens
deGafsa et d'El-Guettar«.
Les gens de Gafsa en effet ne pratiquent pas TĂ©levage ; la
terre cultivable, au voisinage des sources de l'oasis, est trop
prĂ©cieuse pour ĂȘtre employĂ©e en pĂąturages. Les Ksouriens
ne possĂšdent que des bĂȘtes de somme pour le transport de
leurs denrées et le travail des jardins : des ùnes en assez
grand nombre, des mulets, des chameaux, quelques chevaux;
Ă peine font-ils paĂźtre dans les olivettes et les friches de l'oasis
quelques moutons, quelques chĂšvres, quelques bĆufs : en-
core le bĆuf sert-il plutĂŽt au labour et Ă Tentrotien des plan-
tations que comme bĂȘte de boucherie.
Les nomades au contraire sont essentiellement des Ă©leveurs :
le bled leur fournit des pĂąturages suffisants pour nourrit' do
nombreux troupeaux de chameaux et surtout de moulons et
de chÚvres qu'ils échangent sur le marché de (iafsa contio
l'huile et les dattes nécessaires à leur alimentation. Ils (ïtit
en outre quelques cultures de céréales dans les bas-fonds hu-
mides, et la double nécessité de trouver de;* pùturages pour
leurs troupeaux et de surveiller leurs maigres cultures
explique tout le mouvement de leur vie nomade.
La végétation de touffes de driss, de reteni, d'armoise, par-
semée dans le bled et les flancs des djebels apri^s la saison
1. Le rapport du conseil d'administration de la Compa^'^irĂźo dp Gafsa {\WJiy,
p. 6) signaile le transport par la voie ferrée de 1.191 tonnes ili* farines eß céréa-
les, probablement importées en majeure partie pour les hvsoins du pei^sonnel
de la compagnie et des européens de la garnison, ou transi timi d'un point
de la ligne Ă un autre.
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i
96 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
des pluies, tes tamarins qui croissent sur les bords des oueds,
des sebkhas et des garaats, les broussailles et les quelques
arbres qui existent encore dans la montagne, quelques hec-
tares de chaumes de céréales constituent ces pùturages du
steppe ([ai nous paraissent si pauvres et désolés mais qui suf-
fisent cependant Ă nourrir, depuis des siĂšcles, des milliers de
chamoaux, de moutons et de chĂšvres. Ils sont plus abondants
et plus verfs les annĂ©es oĂč la pluie est moins rare ; certains
d*entre eux tmt une valeur particuliĂšre : les tamarins de la
vallée saline fie Toued Tarfaoui, ceux de Toued Melah, de la
Garaat ed-l)ouza sont spécialement appréciés et le puits de
GouĂźflu, AU centre du bled Tarfaoui, est un centre important
de passage des troupeaux ; de mĂȘme la plaine du Guemouda
oĂč Ton trouve de l'herbe toute TannĂ©e; comme nous l'avons
déjà indiqué, les pùturages de la partie du bled Segui com-
prise enti^ Bir Cheigga et le Tarfaoui, au nord du chott El-
Ujerid, sont assez abondants pour nourrir 6.000 moutons, et
si favorables à la race ovine que « les moutons du pays trans-
portés eu un autre point de la Tunisie y dépérissent, et que
les bétes étrangÚres qui y sont importées prospÚrent rapide-
ment* ĂŻj.
Les raquettes de cactus qui contiennent des matiĂšres nutri-
tives et une forte proportion d'eau, constituent Ă©galement une
bonne nourriture pour les moutons et les chÚvres et sont fré-
quenmient données aux troupeaux du voisinage immédiat de
Gafsa et dans les villages du massif d'El-AyaĂŻcha oĂč le figuier
de Barbarie forme des haies nombreuses^.
L Supt^t p. l--i-45. Du Paty de Cl\m, op. cit., p. 281, note. â Auo. Bernard
pt N. Lacroix, VĂvolvtioix du nomadisme en AlgĂ©rie^ p. 96.
'1. GkasdEsU', /^ G. .V., lĂŽdcccmbre 18%, p. 100^-11011. â Composition com-
parée di?a raqueiies de cactus et de la betterave :
Cactus. Betteraves.
Eau 94,84 % 88 %
MatiÚres azotées 0,41 1,1
Cellulose
Amidon
Bakaban^ Ăčp. cil. y p. 151.
I 4,75 l 10,9
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GĂOGRAPHIE ĂCOiNOMIQUE. 97
La plupart des nomades du pays de Gafsa transhument
avec leurs troupeaux, suivant la saison, abandonnant un pĂą-
turage épuisé pour en chercher un autre : ils passent ainsi
du bled Segui aux rives duchotl El-Djerid et au Tarfaoui (Oulad
Mammeur); des plaines du Seldja Ă celles de l'Oum el-Ksob
(Oulad Selema). Ils campent TĂ©tĂ© dans les bas-fonds oĂč un
peu d'humidité et de végétation subsistent pendant la saison
sĂšche, et oĂč leurs pauvres cultures de cĂ©rĂ©ales, abandonnĂ©es
aprÚs les semailles, arrivent à maturité au mois de juin ou
de juillet. AprÚs la récolte, ils séjournent quelque temps sur
les chaumes dont les moutons sont trĂšs friands. AprĂšs les
premiĂšres pluies d'automne, le labour et les semailles, ils
se séparent en plusieurs groupes qui vont planter leurs tentes
dans les pĂąturages des hautes plaines et de la montagne oĂč
leurs troupeaux trouvent une nourriture suffisante en se dis-
persant sur de grandes Ă©tendues dans le bled pour brouter
les herbes dures*.
L'exemple le plus frappant de ce nomadisme Ă petits par-
cours est fourni par les gens des villages du massif d'El-
Ayalcha : sédentaires puisqu'ils possÚdent des ksours et quel-
ques jardins, ils sont obligés de noniadiser dans la mon-
tagne et de descendre dans la plaine pour nourrir leurs trou-
peaux, pour semer et récolter quelques hectares de blé et
d'orge au voisinage des redirs, parmi les gommiers du bled
Thala et dans les bas-fonds du bled Segui. Ils ne demeurent
guĂšre dans leurs maisons que pendant les semaines les plus
chaudes de l'année, vivant de réserves ensilées ^.
Dans les années les plus sÚches, quand les pùturages man-
quent et quand le bled est aride, la zone de transhumance
s'étend et les troupeaux sont envoyés sous la conduite de ber-
gers choisis dans le nord et le centre de la RĂ©gence, oĂč ils
obtiennent â moyennant une faible redevance dans les ter-
1. RiviĂšre et Lecq, op. cit., p. 181 et sq.
2. R. Af. française, 1888, p. 193, 194. â Baraban, op. cU., p. 151. â RiviĂšre et
Lecq,o/>. cit., p. 198 et sq.
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98 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
rains domaniaux du Gueniouda â le droit de pacage sur des
parcours plus favorisés par le climat*.
Dans le contrĂŽle de Gafsa, on compte environ 60.000 mou-
tons (5 % du troupeau tunisien). 22.500 chĂšvres (9 % du trou-
peau tunisien), 1.500 bĆufs, 10.000 chameaux, 5.200 Ăąnes,
150 mulets, iOO chevaux 2.
Le clianieau, employĂ© comme bĂȘte de caravane, TĂ ne, uti-
lisé par les indigÚnes pour les transports dans Toasis et en-
tre les douars, ne sont pas Tobjet de transactions actives :
36 Anes et iO chameaux seulement furent présentés par
mois sur le marché de Gafsa en 1898. Au contraire les mou-
tons, dont la chair constitue une partie importante de la
nourrit cre des Ksouriens et dont la laine est employée par
les tisserands locaux, sont trÚs recherchés, ainsi que les chÚ-
vres appréciées pour leur lait et leur poil : en 1898, 86i
moutons et 567 chÚvres furent présentés en moyenne chaque
Tiiois sur le marché de Toasis. La valeur de tous les animaux
ainsi présentés à Gafsa en 1898 fut de 15.000 fr. par mois en-
viroßK Kticore faudrait-il ajouter à ce chiffre déjà élevé, pour
avoir une idée exacte de Timportance de l'élevage dans la
réf.'^ion, la valeur des animaux vendus dans les oasis et les
contrĂŽles voisins par les pasteurs et celle des animaux con-
sommés dans les oasis et les douars sans donner lieu à des
transactions publiques.
Les moutons tunisiens ne donnent pas lien Ă un commerce
d'exportation considérable et les moutons du pays gafsien en
particulier paraissent donner lieu Ă un trafic presque exclusi-
vement local: Gafsa est en effet, aprÚs Kebili, le marché le
juoins important signalé par les statistiques tunisiennes^, et
l. Vtiiftn rolttniaie, ce qu'on peut faire en TunUie (Conféi'ence), R. tun.,
W!^ p. UVl. â Aug. Bernard et Lacroix, op. cit., p. 57.
'2. BtttL dir. agr. et comm., 1902, p. 3:;'7.
% M,, iwrn, oct., p. 97 et sq. ; 1899, janvier, p. ^ et sq. ; 1899, avril, p. 96 et
stl^ L'exportation des moutons tunisiens a Ă©tĂ© de de 76.500 tĂȘtes en moyenne
pHTidanf I*« cinq derniĂšres annĂ©es, dont 44.000 tĂȘtes (60 %) transhumant en
Algf*rit\
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 99
si 1 élevage tient une grande place dans la vie de la région,
c'est en raison du complĂ©ment indispensable qu'il apporte Ă
la nourriture et Ă l'industrie des cultivateurs ksouriens, et
de sa valeur d'Ă©change pour les nomades : TĂ©levagc du
mouton et de la chÚvre complÚte en effet Tindividualité éco-
nomique du pays de Gafsa et achÚve de réunir ses habitants
par des liens d'intĂ©rĂȘt si Ă©troits et si conformes aux conditions
géographiques locales que nomades et sédentaires pourraient
se suffire Ă eux-mĂȘmes et satisfaire leurs besoins essentiels sans
avoir recours Ă l'importation.
Des mesures pratiques, destinées à améliorer cette situation
en la rendant plus stable et en créant un commerce d'expor-
tation, ont été envisagées.
La plupart des moutons des bleds gafsiens sont des burba-
rins à grosse queue, résistants, bien adaptés à la rudesse du
climat et au régime de la transhumance ; mais leur appendice
graisseux , s'il les préserve de la disette eu leur fournissant
une réserve nutritive, a l'inconvénient de nuire au dévelop-
pement et Ă la saveur de la chair; en outre la laine de cette
espĂšce ovine est grossiĂšre et mĂȘlĂ©e d'impuretĂ©s. Il serait donc
à l'avantage des éleveurs de créer des produits de viande et
de toison plus fines, qui seraient plus appréciés des consom-
mateurs européens établis dans le pays, des tisserands indi-
gĂšnes et des exportateurs. Le croisement des types locaux
avec des barbarins à queue fine et des mérinos de la Grau
ou de Castille a donné de bons produits en Algérie et en
Tunisie oĂč les espĂšces importĂ©es, accoutumĂ©es Ă la trans-
humance, ont trouvé des conditions climatiques presque
semblables Ă celles de leur pays d'origine. DĂ©jĂ le gouver-
nement tunisien a facilité l'introduction dans les douars de
brebis et de béliers sélectionnés en les procurant aux in-
digÚnes à prix coûtant. Les 2.000 moutons à queue fine
du bled Segui, renommés pour leur belle qualité, donnent la
certitude que le croisement des races entrepris dans de plus
grandes proportions, aurait des résultats excellents dan» le
587672A
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100 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
paysgarsien qui est véritablement le « pays du mouton^ ».
I'q aulre moyen d'améliorer les troupeaux consisterait dans
la construction, au voisinage des principaux bordjs et points
d'eau, de hangars et d'abris lĂ©gers oĂč les animaux pour-
raient ĂȘtre protĂ©gĂ©s pendant la mauvaise saison de la pluie
torrenlielle et du froid 2.
11 serait à la fois désirable et difficile d'arriver à généraliser
remploi de ce procédé de stabulation temporaire chez les in-
digÚnes habitués depuis des siÚcles à laisser leurs troupeaux
en plein air nuit et jour, à toutes les époques de l'année.
La grande Ă©tendue des pĂąturages serait peut-ĂȘtre un autre
obslacle Ă l'utilisation rapide, en cas d'orage, d'abris qui res-
teraient nécessairement éloignés les uns des autres.
L'aménagement et Tentretien des points d'eau est un pro-
cédé beaucoup plus pratique et plus urgent. 11 s'agit là de
travaux trÚs peu importants et peu coûteux qui ont été en-
trepris déjà en assez grand nombre et avec succÚs : Restau-
l'citioii de barrages, d'aqueducs, de réservoirs romains, captage
de sources, constructions de conduites maçonnées, d'abreu-
voirs, de citernes. Ces travaux sont si pratiques et les noma-
des en comprennent si bien l'utilité qu'en 1893, quand le
Majen Smaouï fut remis en état, 140 indigÚnes se présen-
tÚrent spoatanément et déblayÚrent la citerne ruinée sans de-
mander de salaire 3. Ces travaux ont en effet l'avantage de
L lĂŻELKCK.w, Le mouton en Afrique, R. lun., 1899, p. 11, 12, 13-17 et passim.
â HouiĂźDE, /.'Ă©levage du mouton en Tunisie, p. 22, 24, 27, 294^5. â Du Paty de
Cr.AM, fjp. tiL, p. 281, note. â RiviĂšitEet Lecq, op. cit. y p. 939 et sq. â Rapport
nu PrĂ©Hidtmt, 1ĂK)5, p. 24. De FAr.Es, Ătablissement d'un pror/ramme de grands
intvait^r tm Tunisie, p. 51.
2. DfxĂcHA/, op. cit. y p. 13. â Un abri de 400 mĂštres cubes pouvant contenir
environ 90fi moutons ou brebis avec leurs agneaux coûterait vraisemblable-
ment 5fVl Ă 7M) francs. Aug. Bernard et Lacroix, op. cit., p. 3^337.
3. KeMAuration du barrage et du j>etit aqueduc d'AĂŻn MoularĂšs (1.500 fr.J, de
la i'ilerne ilr SmaouĂŻ (1893, 3.800 me, 3.000 fr.), du Majen el-Fedj (1899,
10.5(X) fr.); tiégagement et réparation des Majen Bel Abbés (1893, 2.000 me,
ti.WNj fr.j; ri^couvrement d'une citerne des Majen Bel AbbĂšs (1897, 5.000 fr.);
captag*^ d'urnj source, construction d'une conduite maçonnée de 1.150 m. et
d'nn barrage au dj. YounnÚs; réparation du barrage et des conduites maçon-
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I
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LI3RARY
A^'K^P, Lh.iA)\ AND
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GĂCKiRAPHIE ĂCONOMIQUE. 401
procurer aux hommes et aux troupeaux une eau saine, infi-
niment préférable à celle des redirs et des mares que les
animaux souillent en y pénétrant ; ils permettent surtout Tu-
tilisatiou par les nomades de parcours nouveaux que TĂ©ioi-
gnement des anciens points d'eau praticables ne laissait
guÚre la possibilité d'exploiter; ils permettent également de
ménager les pùturages anciens et d'y empÚclicr la destruc-
tion presque complÚte de la végétation, résultat de l'abus du
pacage; peut-ĂȘtre leur multiplication aurait-elle pour der-
nier effet, en augmentant le nombre des pĂąturages acces-
sibles, de cantonner les nomades dans certaines parties du
bled et de la montagne bien déterminées et plus restreintes,
et de diminuer l'étendue réelle du pays qu'ils occupent, sans
grande utilité pour eux, au détriment des cultivateurs sé-
dentaires ^.
Ainsi c'est, comme Ă l'Ă©poque romaine, par des travaux hy-
drauliques bien compris que le bled est rendu plus produc-
nées de rouod Bou Haya (1893, 2.(JU0 me, 4.tiOU fr.); construciioEi du puits do
Maknassy (4.000 fr.); réparation du puits de Sened (H<N> fr.); consirueiio» iJu
barrage, de la conduite maçonnée et de l'abreuvoir do l'oued CJjordiai*a, hui-
l'emplacement de l'ancienne Thala (IHlfci, Ă^TjO me, 1(K(X)0 fi-J; aiiiĂ©iia^eiiienĂŻ
du Bir Rekeby de la source de Djemma et de la source de Softiuii*
Gauckler, EnquĂȘte sur les travaux hydrauliques des fhmuim en 7*uHisie^ \^ p.
190-1 ; II, p. 24. â Dir. gĂ©nĂ©rale des travaux publie^ t(ifiUtui.T ĂȘiatUiiquet^ 19L)G,
1, p. 30-31-39-40-4-i. De Faces, loe, eit.
1. SuprOf p. 3G et sq., 42 et sq. â RiviĂšre et Lfxq, op, çU,^ p. <li5.
L'Ă©lude de MM. Aug. Bernard et Lacroix sur VĂvolutum du HOftintĂŻhme eti Al*
géiHe, publiée récemment d'aprÚs les rapports des chefs dos hnroatu ß(i'Jigt>iiea
de TAIgérie, indique trÚs nettement que, d'une façon giMjr raie, daimlos it'^^nonH
de l'Afrique du Nord oĂč les conditions de la vie sont sonsiblenicnt les mt^ues
que dans ce pays gafsien, la sécurité chaque jour plus slssuh'h*, Ta ugm en ta lion
des ressources hydrauliques, l'utilisation meilleui*e des piltufagos dos sirpjn^s,
la construction d'abris, sont susceptibles de dévcloprior le iroupi'im ovin et
d'aniéliorer ses qualités. Cette amélioration et ce dévclnf^ioineiit, en Algéno
comme dans lesud de la Tunisie, semblent compatibles avoc uno oiension Iiu-
portante des cultures et une plus grande fixité despojiulatßoti^ iLomadrs dati^^
le bled mieux aménagé et plus sûr (op. cit., p. ll>l et sq., passiuii.
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i
102 LA GAFSA ANCIKNNK KT MODERNE.
tif et plus habitable. Ces travaux sont exactement de mĂȘme
nature et de mĂȘme importance que ceux d'il y a dix-huit
siĂšcles; ils en sont souvent la restauration; ils ont des effets
ĂźdentiqmB.
('.ette rĂ©pĂ©tition des mĂȘmes manifestations de l'industrie
humaine est d'autant plu» curieuse qu'elle se produit d'une
maniĂšre plus complĂšte encore dans un mode d'utilisation du
hl*ßd ([ui nous semble nouveau et est en réalité la reproduc-
tion Je mesures prises par les cultivateurs gafsiens pour colo-
niser le pays sous l'empire romain.
Ces cultivateurs avaient réussi à couvrir les plaines gaf-
Ăź^iennes de riches olivettes en construisant des travaux de
préservation contre le ruissellement torrentiel des eaux de
pinße et en aménageant des réserves d'eau destinées à l'ali-
meutiition des habitants, Ă l'entretien de quelques jardins
et à l'arrosage des plantations pendant les années les plus
sĂšches.
Le gouvernement tunisien^ soucieux de poursuivre la poli-
tique agricole préconisée avec beaucoup de force et de clair-
voyatice par M. Bourde, s'inspirant de ces précédents et en-
eouragé par la prospérité des olivettes de Sfax, homologua,
par un décret du 5 août 1899, les procÚs-verbaux et plans de
reconnaissances de 55.000 hectares de terrains domaniaux, sis
dans les bleds Maknassy, Zannouch et Sened*.
Ces bleds étaient cultivés à l'époque romaine : on y re-
trouve de nombreuses ruines, principalement au voisinage
de Ksar el-Ahmar, de l'H. Fersch et de la vallée de l'oued Ser-
kress. Situés au pied de la haute chaßne du dj. Bon Bellel
el du Bon Hedma, ils sont trÚs arrosés ot les terrains d'allu-
viĂŽns sablonneuses qui les composent sont relativement fer-
tiles : les indigĂšnes y ont mĂȘme quelques cultures de cĂ©rĂ©ales
à Touest dans la haute vallée d'un affluent de TO. Serkress.
L UoLRDE, Rapport sur la culture de Votivin^ en Tunisie. Bull. dir. agr. et
ĂĂ»mm^u 18Ăź:lĂź:», oct., p. 11.
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIOUK. 103
La masse d'eau souterraine en suspension dans le sol est abon-
dante; les puits ont un débit élevé*.
Ces terrains, traversés sur une longueur de prÚs de 60 ki-
lomÚtres par la voie ferrée qui en augmente encore la valeur,
ont été lotis et concédés dans les mémos conditions que les
terres Sialines de Sfax^. Au 1" juillet 1902, des capitaux se
montant à la somme de 350.000 francs y étaient engagés,
12.283 Has f aient déjà aliénés, 3.580 étaient plantés, 2^1
habitants étaient fixés autour de la station deMaknassy^.
Depuis cette époque, le centre de Maknassy n'a cessé de se
développer. En 1905, il y avait dans le caldat des Hammama
24.066 oliviers de moins de vingt ans dont la plupart devaient
ĂȘtre dans les terrains domaniaux de Maknassy *.
⹠Les oliviers sont plantés et exploités à Maknassy dans les
mĂȘmes conditions et suivant les mĂȘmes procĂ©fJrs qu'Ă
Sfax.
Des éclats détachés d'arbres productifs sont enfouis dfins
le sol sablonneux, dans des trous creusés à l'avance, au mo-
1 . BtUL dir. agr. et comm.j 1902, p. 355.
2. Les terrains domaniaux situés autour do Sfax, dans un rayon dû 70 ^ 8ii
kilomĂštres, avaient Ă©tĂ© codĂ©s en 1514 parle khalife Ă Salem IlassĂiii iO-AiiSiicy,
à titre de concession renouvelable à la mort de chaque souverain. Le» des-
cendants de Hassan el-Ansary les vendirent en 1759 Ă la fan^ilio Sialii gui
leur donna son nom. A la suite du développement dos plantations d"olivii*js
parles Sfaxiens qui s'emparaient de ces terres, des conflits incosĂź^juil !> sVlov^-
rent : le Bey Mohammed Sadok reprit possession des terres sialinos tm 1H7L
Le régime définitif de vente de ces terrains fut établi par un détrnft du H fé-
vrier 18ß>2 qui fixait le prix d'achat de l'hectare à 10 francs i)a yublf'Sj moilié
au moment oĂč l'autorisation de planter Ă©tait donnĂ©e, moitiĂ© au moment oĂč
les plantations étaient faites et le titre définitif délivré. Le nouthro cl oliviors
dans le caĂŻdat de Sfax Ă©tait en lĂźM>5 de 2.053.020 dont l.:i37.0,'if; lonno^ non
imposte (ĂągĂ©s de moins de vingt ans). Bourde, op. cil., p. 58-59. â Uk j/KĂź^I'I-
.NASSE Lanoeac, H. G. S.j 18Ăź)6,p. 1108. Mixangoin, op. cU.,\i. 48. â Hiippurfuit
Président, V.Hj, \\ 507.
3. Ihill. dir. afp\ ri comtn., liJ02, p. 1^50-357. â Le Rapport au Pr/'sidetit de
la KĂ©piibliquo (10(15, p. 575) indique Ă Maknassy rexistonee de lO/i!ir Ihis
lotis, divisi'S en ĂJ8 lots dont 30 vendus et rĂ©servĂ©s.
\. Du BosQ DE Beal'most. La Tunisie, p. 1 15-1 10. â Hopport titt prhidt'ni\
1905. p. 567. 11 y avait dans ce caĂŻdat 31.810 oIivioi*s au tot:il ^inut l.OH
sauvages et 0.139 vieux oliviei-s, â sans doute dispersĂ©s dans l'Ăźli-nolilr liiu^
mouda et les montagnes d'El-AyaĂŻclia (//i</iVa/fio' Tunisien, UNĂ, p, KN'f lui].
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m LA GAFSA ANCIENNK ET MODERNE.
ment des pluies d'hiver, Ă raison de 17 Ă 20 pieds par hec-
tare et recouverts de terre ; au printemps, les premiers rejets
apparaissent Ă la lumiĂšre: s'il ne pleut pas, on arrose chaque
pied plusieurs fois par an, suivant les besoins de la plante^
Chaque année, l'arbre est soigneusement taillé, afin que Tair
puisse circuler librement entre les branches maĂźtresses. Les
espaces produisant des fruits de qualité supérieure '⹠sont seules
greifées; jamais les espÚces à huile^ ne le sont.
Pondant les premiÚres années de croissance des olivettes,
des cultures intercalaires d'orge et de fÚves sont pratiquées
entre les arbres; elles diminuent chaque année à mesure que
les oliviers se développent, et disparaissent généralement la
HepfiÚme année. Le terrain est alors réservé aux seuls oliviers
et subit au moins cinq labourages par an : deux Ă la charrue
et trois à la maacha, instrument sfaxien approprié aux terres
légÚres et dont la grande lame emmanchée horizontalement
coupe les herbes Ă 2 centimĂštres de terre; ces labourages
ont généralement lieu aprÚs les pluies qui font germer les
mauvaises graines; ils sont multipliés tant que les mauvaises
herl>es n'ont pas complÚtement disparu; pratiquées d'octobre
h mai, ces façons ont en outre l'avantage d'aérer la terre au
moment oĂč le soleil n'est pas assez ardent pour dessĂ©cher le
sol Ă une grande profondeur.
AprÚs la huitiÚme année l'arbre commence à produire; il
atteint Ă vingt ans son rendement normal : dans deux ans, les
premiĂšres plantations de Maknassy porteront des olives, et
Tolivette, Ă Tautomne, se remplira de cueilleurs cotnme les
jardins de Gafsa et de Sfax et les vignes du nord de la Tuni-
sie ; elles seront dans douze ans en pleine production et, dans
vingt ou trente ans, le bled sera peut-ĂȘtre couvert sur une
L L'arrosage alieu généralement trois fois pendant les deux premiÚres an-
ni^is; ciiaque arrosage est de deux jarres de 15 Ă 20 litres par pied (Bolrde,
Qfi, cit., p. 35).
i. EspĂšces MĂ©halli et Nab, produisant des olives de table.
3, l'spĂšce Chemlali.
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GĂOGKAPHIE ĂCONOMIUrE. lo:;
Ă©tendue de 55.000 hectares* de plantations en pleine pro-
duction 2.
Non seulement les propriétaires de Maknassy emploient les
mĂȘmes procĂ©dĂ©s que ceux de Sfax, mais ils emploient la
mĂȘme main-d'Ćuvre : EuropĂ©ens et Tunisiens font appel aux
cultivateurs sfaxiens secondés par des indigÚnes tU^ larcgrßon,
et passent avec eux, devant notaires, des contrats d' associa Hou
dits contrats de mgharça^.
Le concessionnaire fournit la terre, les clĂŽtures s'il y a lied
et des avances en argent remboursables Ă IV xpi ration du
contrat. Le mgharci fournit les Ă©clats Ă planter, les animaux
(1 chameau de labour pour 10 hectares) et les instruments
de travail; il cultive environ 10 hectares s'il vit seul, ;ĂŻO bec-
tares s'il a de la famille, se charge de tous les soins Ă donner
à Texploitation et dispose généralement de 2/3 ou de 3/i de
la récolte intercalaire. Vers la huitiÚme ann^^e, quand ley oli-
viers commencent à produire, la propriété est divis/'e par les
aminés en deux parts égales attribuées par le sort au pro-
priétaire et au mgharci. Chacun des associés retrouve sa li-
berté; mais, le plus souvent, le propriétaire prend ^on ancien
mgharci, devenu son voisin, comme fermier ou comme métayer
(khammÚs) et lui abandonne 1/3 ou 1/2 de la récolte de son
lot*.
1. La superflcie du déparlement de la Seine est de 47.500 Uectai^!?..
2. Dans les olivettes de Sfax, la taille est soigneusement coniiniuv' chaque
année aprÚs la huitiÚme année. L'olivier fleurit en mai, les fruits sont formés
en juin et la cueillette a lieu d'octobre Ă janvier : les cueilk^jrs ne gaulmil
pas les olives comme dans le nord, afin d'éviter de détruire les bourgrions et
les jeunes pousses; ils se servent d'Ă©chelles doubles et peignent les fruits k la
main. La récolte n'est pas réguliÚre chaque année : les olivettes doiinonl ou
gĂ©nĂ©rai successivement une bonne, une moyenne et unemauvai^it; rĂ©colir. â
BoLRDE, op. cU.t p. ^{-SQ. â RiviĂšre et Lecq, op. et/., p. 353 «'t sq.
3. Bull. dir. agr. et comm., 1902, p. 355-356. â Il y avait 11 Mrvknassy au
l" juillet lß*>2, en dehors des employés du chemin de fer, l i Fmmjais, ^ éiram*
gei"s(ltaliens),63 Sfaxiens et Sahéliens(sans compter les femmes et les enfants),
08 indigĂšnes (id.). Une partie de ces habitants, les Ă©trangei-s et les indigĂšnes
delà région surtout, étaient employés au commerce de l'alfa.
L Bourde, op. cit., p. U-KĂź.
LA G4FS4 ANCIENNE. f
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106 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
« Le contrat de mgharça, écrit M. Ribau, a l'avantage d'as-
socier les intĂ©rĂȘts français et arabes : il se recommande par
lĂ mĂȘme Ă l'intĂ©rĂȘt politique de la France ; il permet, en outre,
de fixer le nomade, de l'attacher au sol; il procure une plan-
tation économique; il assure la réussite, puis ju'en travaillant
pour soQ patron l'ouvrier travaille Ă©galement pour lui; il ga-
rantit le colon français contre les déprédations et le décharge
des soucis de la création ^ »
AprÚs M. Bourde, M. Minangoin a calculé avec beaucoup de
sĂ»retĂ© qu'une olivette de 1.000 hectares, Ă Sfax, revient Ă
65.000 francs en capital, soit Ă 7 fr. 22 par pied d'olivier restant
an propriétaire aprÚs l'expiration des contrats mgharça^.
La dépense annuelle par arbre, impÎt compris, est de 2fr.70
L Rin.vL, ch(^ par l'Espinasso Langeac, op. cit., p. 1108.
Ăź. Compip frotablissenienl d'une olivotle de l.OĂK) hectai-es dont 500 revien-
drotit RU propri(^taire, à la lin de la huitiÚme année :
V* ann^e .- Versement de la moitié du prix du terrain 5.000 Trancs.
* puits par aso hectares, soit ft, Ă i.OOO l'un 8.000 â
i maison pour le gĂ©rant 4.000 â
Avances aux mgharcis, 9 francs par olivier, soit
pour 1.000 hectares (!iO oliviers Ă l'heclare)... 4X000 â
Acquisition et transport des Ă©clats 4.000 â
I* ann^e : Versement de la i* moitiĂ© du prix du terrain â 6.000 â
Piirl du gérant 1/10 de 10.000 oliviers soit 1.000
oliviers Ă 10 francs 10.000 â
InlĂȘrifM ; k^ % des dĂ©penses de la l*^* annĂ©e (59.0' fr.}, soit
S.950 par an, pendant 10 ans <2).530 â
A 5 X des dépenses de la 4* année (5.900 fr.), soit
i;^ francs par an, pendant G ans 1.500 â
105.000 francs.
Ues:nuels ß] y a lieu de déduire 40.000 d'avances aux mgharcis, remboursa-
blcfi sans rnt<^r(>ts.
Hcsle comme frais d'Ă©tablissement nets : 05.000 francs pour lesquels le pro-
prieiarj-e reçoit 9.000 oliviers, la part du gérant une fois prélevée. Le prix de
rarbiv ost donc de 65.000 : 9.000 = 7 fr. 22.
&lr\ANuiĂŻ\, La culture de l'olivier, Bull. dir. ayr, et com., liXX), p. 59. Le prix
de revient rixĂ« par M. Bourde Ă©tait de 3 francs par pied. â Bourde, op, cit.,
j), A^-M. â Le prix de revient de l'olivier dans une olivette exploitĂ©e» directe-
jHcnt par le propriĂ©taire, avec l'aide d'une main-d'Ćuvre salariĂ©e, est fixĂ©
par M. Minangoin Ă 7 fr. 79 {op. cit., p. 02).
Les l'valualions de M. Duponchel sont manifestement exagérées. Ditonciiei.,
Lu cotoniĂȘĂ»tion française dans l'Afrique du \oid et la culture de l'olivier dons
Vantißiiic B]fiocÚne, Bull. Soc, languedocienne géogr., 1902, p. 281 et sq.
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 107
à 2 fr. 75 environ, à partir de la huitiÚme année. De la hui-
tiÚme ou de la dixiÚme anaée à la vingtiÚme, les dépenses
sont largement couvertes par les premiers bénéfices. Le rap-
port moyen par arbre ùgé de 20 ans est de 45 à 50 litres d'o-
lives qui donnent environ 10 Ă 11 litres valant6 fr. 20 Ă 6 fr. 75 ;
le produit net de Tarbre est donc de 3 fr. 50 Ă 4 francs;
Tarbre vaut une cinquantaine ^e francs; Thectare 800 Ă
1.000 francs; la valeur de 450 hectares restant au proprié-
taire est de 400.000 francs environ, soit 6 Ă 7 fois le capital
engagé; le rapport moyen varie entre 32.000 et 36.000 francs.
Dans certaines plantations particuliÚrement favorisées, ces
chiffres peuvent ĂȘtre largement dĂ©passĂ©s^
Ces chiffres, établis d'aprÚs les résultats de l'exploitation des
olivettes de Sfax, sont applicables aux terres de Maknassy
oĂč la culture, qui rencon^tre des conditions gĂ©ographiques
favorables, est poursuivie avec les mĂȘmes procĂ©dĂ©s par la mĂȘme
main-d'Ćuvre et donnera sans doute les mĂȘmes rĂ©sultats quand
la période de pleine production sera atteinte. La marge des
bénéfices est assez grande pour permettre aux olives et aux
huiles du paysgafsien de supporter le transport en chemin de
fer et de lutter avec les huiles sfaxiennes et sahéliennes^; et
les débouchés ouverts à l'huile d'olive tunisienne sur le marché
fran<;aiset le marché européen sont considérables^. On com-
1. MiNANCOiN, op. cit., p. C9. âBourde, op. cit., p. 47-18. Afin de ne pas prĂ©-
senter d'évaluations exagérées nous nous sommes servi, pour le capital d'éta-
blissement, des chiffres de M. Minangoin, plus élevés que ceux de M. Bourde, et,
pour les bénéfices nets, des chiffres de M. Bourde beaucoup moins élevés que
ceux de M. Minangoin (10 francs bruts et 13 fr. 25 nets par an). â De l'Esi'i-
nasse-Langeac, op. cil. y p. 1110. â Mcnangoin, op. cil., p. 70.
"1. Supra, p. 24, oipassim. Le prix de transport de l'huile est de 1 1 le. i*\ ĂŻn
tonne de Maknassy Ă Sfax (par envois de 5.000 kgr.), soit de fr. 01 4-* le kilo-
gramme et deOfr. 155 environ les 10 litres, laissant au producteur uno uiargo
nette de 3 fr. 35 environ en gare de Sfax.
3. La France a importĂ© en moyenne pendant les trois derniĂšres annro,^(19<XĂ-
1905) 2oß.000 quintaux d'huile d'olive. Pondant les six derniÚres années (T.NNk
10U5) la Tunisie a exporté en moyenne en France pour 3.770.500 francs dluiile
d'olive, représentant au prix moyen de 05 centimes le litre (00 fr. le qviintiil)
62.8^2 quintaux. Ăconomiste français, 24 fĂ©vrier VM). Rapports au Pn'iiffettl
de la R^uhlique. 1903, p. 130-105; IWI, p. 563; 11)05, p. 597. â Bourde» op, cii,.
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108 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
prend dĂšs lors rempressement des colons et des Sfaxiens Ă
venir s'Ă©tablir dans le Maknassy qui n'Ă©tait qu'un steppe il
y a quelques années à peine.
I/extonsion des olivettes dans toute retendue des terrains
domaniaux du pays gafsien ne dépend que des ressources en
eau de la rĂ©gion et de leur amĂ©nagement : partout oĂč le sous-
sol contiendra assez d^humidité en suspension pour les racines
des oUviers, partout oĂč des rĂ©serves d'eau pourront ĂȘtre cons-
tituées pour larrosage périodique des arbres pendant les an-
nées sÚches, pour l'alimentation des hommes et des animaux
et rentretien de quelques jardins, les plantations pourront
s'Ă©tendre. Or il parait bien que la plus grande parlie, non seu-
lement des bleds et des vallées de Maknassy et de Zannouch,
mais de tout le pays gafsien, présente ces conditions : les
ruines agricoles romaines, l'olivette de 50 hectares située
Ă 3 kilomĂštres de Lalla, dans la plaine et loin de tout canal
d'irrigation^ en font foi. La plaine de l'Oum el-Ksob oĂč les
henchirs sont nombreux et oĂč subsistent des oliviers sauvages,
les hautes plaines phosphatées du Seldja, le bled Tarfaoui
jusqu'Ă El-llainma, une partie du bled SeguĂź paraissent parti-
culif^rement propices Ă cette culture *.
L'Ătat tunisien possĂšde encore dans ces rĂ©gions, en dehors
de rimmcnse domaine de Maknassy, des terrains cultivables
trÚs étendus et qui seront à proximité des voies ferrées nou-
velles, d'AĂŻii MoularĂšs Ă Sousse et de Tozeur Ă Gafsa^. Peu Ă
peu lantique forĂȘt romaine se reconstituera partiellement Ă
cÎté des parcours des troupeaux nomades.
Pour arriver à ce résultat, il ne s'agit pas en effet de couvrir
jK (>1-0H, M. Bonnlo estimait en l^X\ que les prix de l'huile baisseraient sans
doulc dés que L(J<X).000 d'oliviei*s nouveaux auraient été plantés, mais laisse-
rflienl une mar^e de bénéfices suffisante. Ces prévisions se sont réalisées en
partie*
I. ĂźiittuiiE, op, vit. y passim. â Carton, Onsis disparupf, f{. tun., ISOri, p. -^Jl-
21 L â Dl rv^i V un Clam, Ăfude sur le blrd Tarfaom, Bull. GĂ©ogr. corn. h\ hisl. et
irâ m:. |>. KN^ĂM.
ßß. In/ra^ p, itU et s<|.
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GĂOGHAPHIK ĂCONOMIQUE. 109
le pays de travaux hydrauliques grandioses : il ne faut que
quelques citernes, quelques puits, k ou 5 par 1.000 hectares,
construits Ă peu de frais (2.000 Ă 5.000 fr.), souvent simples
restaurations des ouvrages romains, mais suffisants pour les
besoins de Tolivette et de la population.
Quand le fond des plaines sera occupé et que les cultures,
remontant peu Ă peu les basses pentes, arriveront aux terrains
plus exposés au ruissellement torrentiel des eaux de pluie, des
travaux antiques réparés, des barrages en pierres sÚches pla-
cés en travers des lits d oueds, des fossés creusés en travers des
pentes pourront suffire Ă arrĂȘter Teau, Ă Femmagasiner ou
à la forcer à s'infiltrer dans le sol en déposant en avant de
l'obstacle les débris fertilisants qu'elle transportait *.
Ainsi la zone de culture, s'étendant lentement et méthodi-
quement, autant que la nature le permettra, ne rencontrera
plus d'autre obstacle que la nécessité de laisser aux pasteurs les
parcours indispensables Ă leurs animaux, principalement dans
la région de Sened qui sert de passage aux troupeaux transhu-
mant du sud au nord de la RĂ©gence, plus nombreux dans les
années sÚches ^ : encore les travaux hydrauliques pourront-ils
profiter dans une certaine mesure aux pauvres cultures de cé-
réales des nomades, en augmenter l'étendue, le rendement et
la vente; la régularisation du régime des eaux qui sera sur
certains points la conséquence des cultures et des ouvrages
nouveaux, pourra rendre leurs pĂąturages meilleurs-^; les cen-
tres de colonisation seront un débouché précieux pour leurs
troupeaux améliorés et pourront contribuer à resserrer les
liens de solidarité qui unissent le nomade et le sédentaire;
déjà le caïd des Hammama Guebala a établi à Makoassy une de
1. Dlponchel, op. cit., p. 281 et sq. â Bourde, op. cit., \i. TiL â Minangoiv,
op. cit., p. 59. Bull. IHr. agr. et comm., 1902, p. 307. â Sttpt'a, p. Cl vl sq. â
KiviĂHE et Lecq, op. cit., p. 159 et sq.
2. Los inquiĂ©tudes conçues au sujet de la pĂ©nurie de maiaHrĆuvĂŻ'o cxercdfl
(MiNANGOiN, o/. cit., p. 48) semblent devoir se dissiper.
3. Supra, p. 36 et sq.
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410 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
ses rĂ©sidences \ et peut-ĂȘtre une partie de la population no-
made aura-t-elle avantage Ă se fixer, comme Ă l'Ă©poque ro-
maine, dans les centres et les exploitations agricoles -.
Le village arabe de Guemouda, situé sur la piste de Kai-
rouan, à 110 kilomÚtres de Gafsa, dans une région analogue
au pays de Maknassy, se trouve au centre de terrains doma-
niaux d'une Ă©tendue de 90.000 hectares; les indigĂšnes s'y li-
vrent principalement Ă l'Ă©levage, mais des oliviers trĂšs vieux,
remontant à une époque reculée, sont disséminés dans le bled
qui paraĂźt propice Ă leur culture, et 3.000 hectares sont la-
bourés et irrigués, grùce à un barrage construit sur l'oued
Fekka par la direction de l'agriculture de la RĂ©gence, qui a fait
en outre dlmporlantes plantations de cactus ; pendant la récolte
des fruits il y a sur l'henchir plus de 8.000 chameaux. Le vil-
lage créé à Sidi Bou Zid, nouveau chef-lieu du territoire de
Guemouda, est le centre d'un marché important et parait ap-
pelé à se développer ^.
L'exploitation de Maknassy, avec ses constructions trĂšs mo-
destes, ses citernes et ses puits peu coûteux, ses gourbis de
mgharcĂźs, ses quelques hectares de jardins soigneusement
cultivés pour la nourriture des habitants, nous donne le type
modĂšle de ces Ă©tablissements ruraux nouveaux et de ces mar-
chés qui se multiplieront sans doute dans les terrains doma-
niaux de Maknassy et dans les bleds gafsiens. Fournissant aux
coiuiis européens et aux indigÚnes des bénéfices appréciables,
I. Btill. dir. af/v. et comm., lĂź)02, p. 355.
't Stipra, p. 01 et sq.
Il Ihipporl au Président de la République, 1902, p. 49. Indicateur tunisien,
lyCiTĂŻ, p. 107.
Le torritoire do Guemouda est situé dans le contrÎle civil de Gafsa (caïdal
des lïammama) en dehors de la région délimitée par nous (supra, page 4fi et
sf|.K Lo Rapport de 1902 signale la création et le développement d'autres cen-
U-esà agricoles, analogues à Maknassy et à S' Bou Zid et situés dans Tancienne
Bj'ssaci^ne ; l'AĂŻn Kabbi et Triaga. La construction de la ligne d*AĂŻn MoularĂšs
à Sousse amÚnera sans doute la création de centres nouveaux dans le Fouçana
H la région de Kasserine et Sbeitla, si riches à Tépoque romaine. Un chennin
de ffir fie Sfax au centre de Bou Thadi est en projet (De Faces, op. cit,).
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. iH
et fixant au sol toute une classe de petits propriétaires attachés
Ă la terre, ces Ă©tablissements assureront aux chemins de fer et
aux porls de la RĂ©gence un fret d'exportation qui pourra de-
venir considérable.
Ils reproduiront Ă dix-huit siĂšcles de distance TĂ©tat du pays
tel qu^il existait sous Tempire romain : exemple remarquable
de rĂ©pĂ©tition des mĂȘmes faits de gĂ©ographie humaine dans les
mĂȘmes conditions de gĂ©ographie physique.
Il n'est guÚre possible de développer dans le bled d'autres
cultures que celle de l'olivier et, sur des Ă©tendues moins gran-
des et choisies, celle d'autres arbres fruitiers : pistachiers,
amandiers, genévriers, caroubiers, orangers, vignes. Ces espÚ-
ces peuvent en effet prospérer dans le pays : des plantations de
vigne et d'amandiers ont été faites à Maknassy ; les genévriers
poussent sur les pentes ensoleillées de l'Orbata, et le pistachier
existe à l'état sauvage dans presque toute la région, princi-
palement dans le Bon Hedma oĂč les Sfaxiens viennent s'appro-
visionner de sujets Ă greffer *.
La culture du blĂ© et de l'orge ne peut guĂšre ĂȘtre pratiquĂ©e
que pour la nourriture des habitants et sur de petites Ă©ten-
dues : les récoltes sont trop irréguliÚres et le rendement est
faible pour alimenter un courant d'exportation 2. Mais il existe
dans la région de Gafsa un produit végétal, exploité industriel-
lement et qui, dÚs à présent, et depuis de nombreuses années,
donne lieu Ă un important trafic d'exportation : c'est l'alfa.
Cette graminée, répandue sur de vastes territoires, se pré-
sente sous l'aspect de touffes trÚs espacées et assez élevées
(0âą,50 Ă 0^,80), aux feuilles enroulĂ©es et coriaces que leur
caractĂšre fibreux fait rechercher pour la fabrication des
objets de vannerie et de certains papiers. Elle pousse de pré-
1. Bourde, op. ci(,^ p. 52-57, 71. â Leroy-Beaulieu, La Tunisie^ p. 353. â Huit-
dit. ayr. et comm.y 1902, p. ^^7. â Supra, p. 33 et sq.
âąi. Supra, p. 37-38.
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112 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
fcrencc dans les parties du bled les plus sĂšches et ne nuit pas
ainsi aux meilleurs pĂąturages ; sa prĂ©sence contribue mĂȘme Ă
empĂȘcher le dĂ©chaussement et le ravinement excessif des pentes
et Tenvahissement des bas-fonds par Teau torrentielle ou le sa-
ble. Elle ne se prĂȘte malheureusement pas Ă une culture
méthodique et la plus grande prudence est nécessaire pour
éviter qu'elle disparaisse par suite d'une exploitation défec-
tueuse ou abusive ^
DÚs le début de Toccupation française, en 1881, un Fran-
çais reçut le monopole de l'exploitation de Talfa dans les
montagnes situées à Test de Garsa (dj. Bou Hedma, dj. Ma-
djourah, massif d'El-AyaĂŻcha et du Bou HaddĂšge), et le cĂ©da Ă
une compagnie anglaise qui entreprit d'exporter l'alfa par le
port de la Skhira, au préjudice des indigÚnes qui en faisaient
auparavant le commerce pour leur compte personnel, et au
détriment du port de Sfax -.
En 1887, la déchéance de la compagnie fut prononcée et
l'exploitation de l'alfa redevint libre. Mais la concurrence des
alfas algériens et tripoli tains, l'existence d'un droit de sortie
élevé ^, firent tomber les cours à la Skhira et à GabÚs de 7 fr. 50
ou 8 francs les 100 kilogrammes en 1888 Ă h francs ou 5 francs
en 1898. Ces prix cessaient d'ĂȘtre rĂ©munĂ©rateurs pour les in-
digÚnes du pays gafsien obligés de transporter leurs alfas par
caravanes jusqu'Ă la cĂŽte ^.
La construction du chemin de fer de Sfax à Gafsa a modifié
cette situation.
Les indigĂšnes des Ksours montagnards et des douars voisins
coupent l'alfa dans la montagne et le bled et l'apportent Ă dos
d'Ă iic ou de chameau aux gares du chemin de fer : le produit
de leur vente suffit pendant des semaines Ă leur subsistance, et
ĂŻ. UiviKRE et Lecq, op. cit., p. 2><7-288.
'^. hE Lanessan, La Tunisie, p. 53. â Tridon, Lalfa tunisietiy R. C. O., 1898,
p. 4b a 47.
3. 1 piastre 2 par quintal tunisien. Rapport au Président de la République .
V.n}\, p. 577.
*L Tridon, op. cit., loc, cit.
I
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GEOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 113
quand leurs réserves d'huile et d*orge sont épuisées, ils revien-
nent avec une charge nouvelle d'alfa et quelques moutons
qui leur permettent de se procurer de nouvelles provisions.
Des courtiers européens établis dans les gares, principale-
ment Ă Sened et Ă Maknassy, achĂštent Talfa et TexpĂ©dieut Ă
Sfax par balles, Ă bon compte *. La suppression complĂšte du
droit d'exportation (1902) '^ a achevé de favoriser leur com-
merce, et l'exportation de l'alfa par la ligne de Gafsa Ă Sfax a
été en moyenne de 15.107 tonnes pendant les six derniÚres
années; en 1905, elle a atteint 19.636 tonnes, chiffre pi*e*j-
que Ă©gal Ă la moyenne de l'exportation annuelle de tous les
alfas tunisiens de 1885 Ă 1895 K
L'alfa est en outre employé par les indigÚnes à la fabrication
des sparteries et de vanneries destinées à leur usage domesti-
que et se rattache ainsi au groupe des industries locales qui
complÚtent l'autonomie économique de la région de Gafi^a,
Les gens des villages et des douars du massif d'El-ĂyaĂŻt ha
emploient chaque année 500 quintaux d'alfa dont les fibres
trÚs résistantes servent à la confection d'objets de premiÚre
nécessité, solides et bon marché : uattes, couffins de toutes
dimensions, grands paniers (kourba) pour le transport des
dattes ^.
1. Du BosQ DE Bkaumont, op. cit., p. 146, 151. â Indicateur tumsifftf p. 4tt7,
737. â Le tarif de transport de l'alfa est de fr. 09 par tonne et |Kir kilomi'-
tre pour les 100 premiers kilomĂštres, de fr. 08 par tonne ot pai^ kiluiuĂštie
pour les 100 kilomĂštres suivants, soit 10 fr. 74 par tonne de Maknassy Ă Sfax
(123 km.).
2. Rapport au Président de la République, 1904, p. 577.
3. Tridon, op. cit. y p. 45-40. â Rapports au PrĂ©sident de ta RĂ©pvhfhjuc, liHl
p. 169; 1904, p. 363; 1905, p. 597. L'exportation moyenne de 1885 -i ĂŻt^So vt;*it
de 1.500.000 francs reprĂ©sentant environ 20.000 tonnes (Ă 7 fr. ĂM les h^
kgr.). L'exportation a atteint 3.408.060 francs en 190:^, 2.701. 5iw» francs en
1904 et 3.239.060 francs en 1905 pour toute la Tunisie (Ă 4 fr. 05 ^.'nvirvjn les
100 kgr.).
4. Fleury, op. cit., 1900, p. 48. Les gens du massif d'El-AyaĂŻcha fabriquent
environ chaque annĂ©e 2.000 nattes Ă 2 fr. 50, 4.000 couftins Ă fr. 15, JĆ zen-
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H4 lA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
L'industrie de la vannerie lĂ©gĂšre de palmes et de cĆurs de
palmiers séchés est pratiquée à Gafsa et à El-Guetlar par un
grand nombre de Ksouriens qui y trouvent un proBt s' ajoutant
au produit de leurs jardins *.
Les nomades fabriquent des outres d'un usage constant avec
dos peaux de chĂšvre cousues.
Enfin les poteries de Gafsa, comme jadis celles de Gemellae,
achĂšvent de fournir les agriculteurs et les citadins de Gafsa des
objets nécessaires au transport de leurs denrées et à la vie jour-
naliÚre. L'argile, délayée dans l'eau, malaxée avec les pieds,
est misi^ en tas, recouverte de nattes pendant deux jours, tra-
vaillée au tour, séchée pendant 20 ou 30 jours et cuite
Ă feu progressif, sans vernissage, pendant un jour et demi,
dans des fours chauffés au retem, à l'alfa ou au palmier ver-
niouhu Chaque fournée de cuisson comprend 200 à 300 objets,
et quatre potiers suffisaient en 1900 Ă fournir les gens de Gafsa
de gouUa, gargoulettes, marmites, vases Ă traire, tuyaux,
etc. 2. Le développement de l'oasis et des olivettes pourra con-
tribuer Ă augmenter cette industrie, ainsi que celle du travail
do la pierre, trĂšs prospĂšre Ă El-Guettar, oĂč 200 indigĂšnes sont
employés à confectionner des meules pour les moulins ^.
Ces industries ont une grande importance dans la vie du
pnya gafsien, malgré la faible valeur de leurs produits, car elles
sont intimement liées à sa production agricole et aux habi-
tudes ménagÚres de ses habitants.
Hak rindustrie la plus importante de toutes est certaine-
bils fcoiĂŻffms doubles) Ă fr. 75, 200 adila h 1 fr. 25, 3.Ă0O kourba Ă fr. 50 :
H,*)Ort fmacs.
L Supt-a, p. 88, n. 7.
Fi.Kt'RVjO/>. cit., p. 41-45. Les 200 ateliei*s domestiques de Gafsa et d'EI-Guet-
larb briguent environ 6.000 Ă 6.500 objets (chapeaux, Ă©ventails, chasse-mouches,
coisfiĂźns, cordes, etc.) d'une valeur totale de 5.000 francs.
:?, I'Yelry, op. cit., p. 58-59. Le prix des poteries est pou élevé : la goulla
amphon^ de 10 litres vaut fr. 30 ; les marmites valent fr. 15 ; une fournée
do cuj^ifion vaut 15 Ă 35 francs.
^. Flkiry, o/>. fi/., p. 83. Les salaires de ces ouvriers, assez élevés pour la
n'^fe'ion, ctaient en 1900 de 2 francs par jour.
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 115
ment Tinduslrie de la laine : la difficulté des communications
dans les temps troublés et la présence de la matiÚre premiÚre
qui se trouve en abondance dans le pays et permet de sub-
venir largement aux besoins de la consommation locale, ont
facilité la création et le développement de la filature et du
tissage. Depuis des siĂšcles, le commerce et Tindustric de la
laine sont un des éléments les plus importants de Taclivité
économique des cultivateurs sédentaires et des pasteurs no-
mades de Gafsa K
Les laines sont achetées par les ksouriens aux nomades sur
le marché de Gafsa ou dans les douars, et, pour une part trÚs
restreinte, en Algérie. Elles se vendent en toison, quelquefois
mĂȘme avec la peau de Tanimal, et la plupart du temps par
voie d'Ă©change contre d'autres produits : orge, dattes, huiles,
couvertures 2.
L'industrie est familiale. Il n'y a guĂšre que quelques teintu-
riers qui soient des entrepreneurs et des spécialistes : au mo-
ment de l'occupation française, les matiÚres tinctoriales étaient
extraites des plantes du pays, de l'indigo, de la cochenille, du
henné, de l'écorce de grenade, del'arjaknou. Quelques tionées
plus tard, les couleurs chimiques allemandes furent em-
ployées en grandes quantités et firent perdre aux fils de Gafsa
leurs teintes franches et réguliÚres. Aujourd'hui des ißls des-
tinĂ©s au tissage sont mĂȘme importĂ©s de Sfax oĂč existent des
teintureries plus importantes. Mais les matiÚres végétales ont
repris la premiĂšre place dans la consommation et la tcinlnre
se fait encore Ă domicile chez certains fileurs ^.
1 . Supra, 80 et sq.
2. Fleury, op. cil.y p. 15-lG. La toison vaut on moyenne l Ă 2 fm tic s suivant
son Ă©paisseur et sa couleur; suivant la Hnesse du tissu Ă obtenir ou r**clicrc!io
(les laines rousses, noires et blanches.
3. Blanc, op. cil , p. 19.
Claretie, op. cit., p. 238-239.
Flelry, op. cit., p. 38.
En 1900, M. Fleury estimait que les teinturiers de Gafsa coiisoiuiiiaiout
en moyenne chaque année :
40 quintaux de henné de GabÚs à 10 francs (rouge soaki) ;
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i
116 LA (;afsa ancienne et moderne.
Ce sont presque toujours les femmes qui tissent la laine pen-
dant que les hommes gardent leurs moutons ou leurs cha-
meaux, cultivent leurs jardins, vont Ă leurs affaires ou au
café maure. La ville de Gafsa, sesannexes, les douars nomades,
restent silencieux et comme morts jusqu'Ă Theure oĂč les
femmes vont battre le linge dans le lit de Toued Balach et
remplir d'eau les guerbas et les amphores aux ruisseaux des
oasis et aux puits du bled ; pourtant les maisons et les tentes
sont remplies de Factivité des Qleuses, des tisseuses, des fabri-
cants de tapis S et « c'est un spectacle touchant que de voir
accroupie devant son métier, entourée de ses enfants, la femme
arabe, tirant sur la laine et frappant sur les fils avec son
peigne de fer - n.
Les instruments de travail, peignes, quenouilles, rouets,
métiers, sont primitifs. Le métier à tapis, sensiblement le
mĂȘme pour tous les tisseurs, « est vertical et ressemble Ă celui
des Gobelins; il est composé de deux cylindres de bois que
nLciinticnûcnt deux montants verticaux. Sur ces deux cylindres
est tendue ki chaĂźne; la trame se passe Ă la main, sans na-
vette, entre les fils, on la serre avec un peigne aux dents de
fer. L'ouvrier, comme aux Gobelins, se place derriĂšre la
chaĂźne sans voir son ouvrage, son dessin, et mĂȘme sans point
de repÚre, à la dillérence de nos ouvriers. Mais ce dessin, il le
connaßt, chaque famille a le sien depuis un temps immémorial
etlo transmet de génération en génération^ ».
Les piÚces fabriquées à Gafsa et dans les douars nomades
sont usuelles, assez grossiÚres, mais peu coûteuses. Les Gaf-
sions et principalement les nomades tissent des burnous, vĂȘte-
31) quintaux d'alimn flu pays à 3 francs (rouge bédouß);
*é) quintaux JV^on-r^ ûc grenade du pays à 30 francs (noir);
H ijuInUiux d'arjaskiĂźou du Kef et de Thala ti 15 francs (jaune);
ï^f* imx thi la leßïituï'c était de fr. 60 à fr. 80 par kilogramme de
iaint*. Le ĂąaiaĂźre des ouvriei*s Ă©tait de 1 franc par jour.
L UL\sCyO/i. cit. Clahetie, op. cit., p. 211-215.
2* Clakëtie, o/j, ri7., p. 240.
3. CmrctiĂ«, ti/3. ciL, p, 210-211. â Flelhy, op. cit., p. 30-31.
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PL. VIII.
XII. â Filcuse gafsicnne.
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j ij ;;A.iv:
VA\h
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMiylE. 117
ments de premiÚre nécessité, qui sont vendus 28 à 30 francs;
ils en fabriquent chaque année 6.000 environ représentant
une valeur de 175.000 francs. Ils tissent Ă©galement prĂšs de
6.000 haoulis, piĂšces d'Ă©toffe que les indigĂšnes sVnrouleut au-
tour du corps et qui constituent le seul vĂȘtement des hommes
et des femmes de la campagne; leur valeur totale est de
150.000 francs.
AGafsa et surtout au Djerid sont faliriqu^s des haouUs^ des
haïks de laine plus fine ou mélangée de soie et dos ous^^adas
(coussins).
Dans tout le pays, on tisse Ă©galement des Ă©toffes de laine et
de poil de chĂšvre et de chameau pour sacs Ă grains (ghara),
couvertures (hamel), bandes de tissus noirs ou bruns de tentes
(félis), besaces doubles de cavaliers etc. K
Mais la spécialité des gens de (ßafsa est la fabrication di^s
couvertures. Tandis que les couvertures de Tozeur sont légÚres
et mélangées de soie, celles de Gafsn sont généralement tout
en laine, lourdes et trÚs appréciées des indigÚnes. Leur origi-
nalité consiste dans les raies multicolores et surtout dans les
dessins variés, croix, poissons, clmniefinx, hommes, qui les
ornent. Soit scrupule religieux, soit naïveté artistique ou
manque d'habileté professioimelle, ces dessins sont presque
tous triangulaires ou rectangulaires : nn chameau est repré-
sentĂ© par deux triangles â un pour le corps, uo ponr la tĂȘte
â soutenus par cinq barres rigides â les jambes et le cou â ;
un triangle forme également le bras replié (Fun général qui
salue militairement en portant la main Ă son bicorne. C'est le
triomphe de la ligne droite et de la ligne brisée.
M. Fleury estimait en 1900 qu*il Ă©tait fabriquĂ© par an Ă
Gafsa 1.500 frachs (grandes couvertures), 500 frachs moyens et
500 ferrachias (petites couvertures) représentant une valeur
totale de 190.000 francs environ -.
1. Fleury, op. cil. y p. IG, 17, 28. Les liixouĂŻts mesurant 5 mĂŽlrow x t"* ZM
et valent 2t Ă 30 francs.
2. Fleury, op. cit., p. 13-15. Le frach de Gafsa, gi^andecouvcrlui-e i^apaUlu Ue
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118 L\ GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Malgré la concurrence des couvertures et des burnous de
Djcrba, facilitée aujourd'hui par la voie ferrée, le nombre des
articles fabriqués ne diminue pas : en baissant légÚrement
leurs prix, les tisserands gafsiens ont réussi à conserver dans
le pays la préférence pour leurs produits moins luxueux et
d'un usage plus courant. Ils les vendent facilement aux en-
cliÚres sur la place du marché, au milieu des cris gutturaux et
de la bousculade des acheteurs et des curieux. Ils en exportent
mĂȘme une certaine quantitĂ© hors de Gafsa, particuliĂšrement Ă
Ne fia et Ă El-Oudiane oĂč Ton n'en fabrique pas ^
Les gens de Gafsa et les Ilammama fabriquent en outre,
puur meubler et orner leurs maisons et leurs tentes, des tapis
(ktifa) semblables à ceux de Kairouan et « analogues aux tapis
français dits de la Savonnerie dans lesquels la laine, nouée
sur chaque fil de la chaĂźne, forme des boucles que Ton tond
ensuite avec des ciseaux ».
Ces tapis valent, suivant leurs dimensions, 250 Ă 800 francs 2.
Enfm on fabrique Ă Gafsa une sorte de tapis en poil de cha-
meau, trÚs original et que Ton ne voit pas ailleurs : « C'est un
lapis trĂšs Ă©pais et trĂšs lourd, trĂšs solide, inusable, au poil
trĂšs long et trĂšs dur. Le dessin est rudimentaire, on peut
tnt^me dire qu'il n'existe pas : quelques lignes noirĂątres qui se
détachent sur le fond d'un gris jaune, couleur du poil de cha-
meau, Et ce tapis, trĂšs simple, est extrĂȘmement artistique. Le
poil nesï pas teint; on choisit de préférence des parties plus
ou moins foncées, afin de donner le coloris au tapis; et cette
çotiviir UQlit cnlicr, mesure de 7'"50 x 2'"25 (frach moyen) à 10 mÚtres x 5 m»'^-
Vf^% cl coiUo X) Ă 110 francs piĂšce. La petite couverture (ferrachia) mesure
TSt x2"i.") et vaut 30 Ă 40 francs. A Tozeur il faut Ă trois femmes 15 jours de
liicvail environ pour tisser une couverture de G mÚtres carrés. Un article vendu
un ijiaximuin 10 francs représente donc outre la laine filée (2 fr. 50 le kilo-
gnuïuue) 10 ou l.j journées do travail. Les femmes salariées sont payées Ofr.Sf»
par jour. Bkrtiioi.on, Les industries indigĂšnes^ R. G. S., 180G, p. 1100. â Blanc,
1* KuATiv, (>p. cil. y p. 12-15. Clahetie, op. cit., p. 215.
2, Fl.ei.hy, oj). cil.j p. 0-12. Ces tapis mesurent de t ĂąO mĂštres X 1"80 envi-
TOĂi
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 119
teinte indéfinissable qui tient le milieu entre le jaune et le gris
est de l'effet le plus harmonieux ^ »
Si les voyageurs ne sont pas tous d'accord sur la qualité et
le caractĂšre artistique des produits de l'industrie lainiĂšre de
Gafsa 2,il n'en est pas moins vrai que cette industrie occupait en
1900 plus de 2.500 ouvriers Ă Gafsa mĂŽme oĂč l'on comptait
750 ateliers ou métiers de famille, presque un métier par mai-
son^. Elle satisfait les besoins et les goûts d'une population indi-
gĂšne nombreuse ; elle ne diminue pas d'importance; il est mĂŽme
vraisemblable qu'elle pourra progresser Ă l'avenir si elle se
restreint Ă la fabrication des modĂšles qui lui sont propres et
qui ont fait sa réputation dans le sud de la Tunisie, si elle
n'essaye pas de lutter avec les produits trÚs différents qui
pourraient ĂȘtre importĂ©s par les EuropĂ©ens. L'amĂ©lioration de
ses procédés et de ses produits lui gardera la faveur des indi-
gĂšnes; peut-ĂȘtre mĂȘme pourra-t-elle crĂ©er, Ă rc.vcmple de
Kairouan, un léger trafic d'exportation de tapis ktita qui sont
appréciés des Européens ^.
Non seulement cette industrie occupe les cultivateurs et les
nomades aux jours oĂč la culture chĂŽme, non seulement elle
fournit du travail aux femmes et apporte dans les familles un
surcroit de bien-ĂȘtre, mais en procurant un dĂ©bouchĂ© k Tune
des matiĂšres premiĂšres que le bled produit en abondance, la
laine, et en assurant aux populations des vĂȘtements et des
objets ménagers indispensables à la vie, elle complÚte T auto-
nomie Ă©conomique du pays gafsien : c'est ce qui fait son ori-
ginalité et son prix.
Le gouvernement du protectorat français n'a pas seulement
rétabli l'ordre dans le pays et effectué les travaux hydrauliqiu-s
1 . Claretie, op. cit., p. :> in-2 1 1 .
2. Blanc, loc. ci7., Richardot, Sept semaines en Tvnisie cl en Ahy-nf^ jv M).
3. Flelry, op. cil., p. 13.
4. Claretie, op. cit., p. 2U'».
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120 \A GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
que nous avons indiqués * : il s'est efiforcé, pour développer les
échanges et faciliter l'accÚs de Gafea, centre et marché de la
région, de rendre les communications plus aisées et plus sûres.
II a amélioré la voirie de Gafsa et entretenu les pistes dont les
principales sont praticables aux voitures légÚres; il a construit
des caravansĂ©rails couverts oĂč les voyageurs et les caravanes
de chameaux et d'Ăąnes viennent s'abriter : Ă El-Guettar et Ă
Bip Saada sur la piste de GabĂšs, Ă l'oued Cherchera sur la piste
de Sfax, aux Hajen el-Fedj sur celle de Kairouan, au Majen
Bel AbbĂšs sur la piste de TĂ©bessa, Ă l'O. Jaacha (Gouifla) sur la
piste de Tozeur 2.
Le télégraphe installé à Gafsa, à Tozeur, à Nef ta, à Fériana
et dans les gares, est aujourd'hui trÚs apprécié des indigÚnes
qui télégraphient et font volontiers par mandats des expédi-
tions d^argent -^
Enfin YĂtat a concĂ©dĂ© les phosphates du Seldja et, par la
mĂȘme convention, dotĂ© le pays de Gafsa d'une voie ferrĂ©e qui
réunit Motlaoui et l'oasis à la cÎte. Cette ligne sera prolongée
dans quelques années jusqu'à Tozeur et traversera le pays gaf-
sica dans toute sa longueur. Un prolongement jusqu'au dj. Re-
deyeff et une voie nouvelle de Sousse Ă l'henchir Souatir (Phos-
phates d'AĂŻn HoularĂšs), avec embranchement vers la ligne de
JUetlaoui, sont en construction; la région de Gafsa se trouvera
bientÎt reliée directement au nord de la Régence et à Tunis*.
DĂšs la mise en exploitation de la ligne de Metlaoui k Sfax,
UD iradc d'exportation s*est Ă©tabli, en dehors mĂȘme du trans-
port des phosphates : les produits agricoles de la région, dattes,
alfa^ dont la production était supérieure à la consommation et
qui se vendaient difficilement autrefois à cau^e des aléas,
1. Supra, p. a5-80, KK). - Un crédit de 3.000.000 francs est prévu à l'em-
prunt de 75 millions voté par les chambres, pour la construction de nouveaux
travaux d'iiydraulique agricole en Tunisie (1906). De Faces, op. et/., p. 4445.
-J. Dtr. t/i'rt. des tr. publics^ slalisliquej ltM)3, p. 25. â Richardot, op, cil, y p. 98.
^mipparfaau Prémlent, 1807, p. 52; 1902, p. 102-103.
lß. Hi« miuiOT, o/y. Cß'r, p. 1U3-UM.
L Infra, j). 142-143.
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 121
et de la cherté du commerce des caravanes, ont été envoyés
chaque année en plus grande quantité au port de Sfax par
la voie ferrée. Il s'est également créé un commerce de blé
importé ou en transit, sans doute destiné à Talimentation
des populations nouvelles installées à Metlaoui *. La prolon-
gation du chemin de fer de Metlaoui Ă Tozeur facilitera
rimportant commerce de dattes de Tozeur et contribuera lar-
jireraent au dĂ©veloppement du bien-ĂȘtre des populations
du Djerid. Aux stations de la ligne de Sfax Ă Gafsa, Ă Gralba, Ă
Sened, des centres commerçants se sont créés; à Maknassy, au
centre des jeunes olivettes, le caïd des Hammama a fixé une de
ses rĂ©sidences : ces agglomĂ©rations de populations tendront Ă
se multiplier dans les régions de parcours comme dans les
nouvelles régions de culture et le chemin de fer sera, comme les
points d'eau disséminés dans la plaine, un centre de ralliement
pour les pasteurs, un agent de leur transformation partielle en
demi-nomades, peut-ĂȘtre en sĂ©dentaires.
Cependant sauf en ce qui concerne l'exploitation industrielle
des phosphates *, la région gafsienne n'a pas été et ne sera pas
profondément modifiée.
Elle forme un tout Ă©conomique en mĂȘme temps qu'un tout
géographique : ses cultures, son industrie pastorale, ses indus-
tries sont bien adaptĂ©es au pays oĂč elles trouvent les conditions
climatiques et les matiÚres premiÚres nécessaires à leur déve-
loppement; elles sont intimement liées entre elles et constituent
un ensemble de faits géographiques et économiques localises.
1. Rapports, etc., 1001, p. 5; 1ĂK)2, p. 5; 1903, p, Ăźj: vm. P^ H; \\m, \\ 5;
11M3, p. 6. Le chemin de fer a transporté :
Dattes. Alfa. Cfirt;^«i et farlufti^.
1901 521 tonnes. 1 1 .357 tonnns. 1 .6ii"i loones.
1902 m) â 8.112 - I.IUĂ â
1903 7(>i â H. 55^1 " 'lMi\ â
1904 1.331 â 18.0U ^ l.'iTĂŻl â
1905 â 19.f>36 â â
1906 â 18.310 â l.lOi -
2. Infra, p. 125 et sq.
L\ CAFSA ANCIESltE. Jl
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>
lĂźii2 LA GAFSA ANCIEiNNE ET MODERNE.
absolument unis les uns aux autres ; elles ont donné lieu à des
mouvements d'Ă©changes si complexes et ont rendu les habi-
tants du pays, nomades et sédentaires, si étroitement solidaires
que Ton conçoit bien les raisons de leur rivalité constante avant
le rÚg^ne dr la paix française : c'était une nécessité économique
inrluctable, pour les pasteurs de s'assurer la suzeraineté sur
Toasis^ pour les ksouriens de sauvegarder leur indépendance
afin de pouvoir traiter d'Ă©gaux Ă Ă©gaux avec tous leurs voi-
sins; ces luttes sans cesse renaissantes, ces guerres de la faim
no leur procurÚrent que la misÚre : nomades et sédentaires,
plus isolés dans leurs cantons que les habitants de nos vieilles
provinces agricoles françaises ne le sont du reste du pays,
ont un besoin de calme et de sécurité plus grand encore, ils
sont unis par des liens plus intimes peut-ĂȘtre que les maraĂź-
chers, los artisans, les bourgeois de nos villes et les cultiva-
teurs, les bergers plus rustres des campagnes voisines.
Détenninés par les conditions naturelles du pays, ces rap-
ports étroits ne pouvaient que gagner en régularité à rétablis-
sement du Protectorat français qui leur a permis de se mani-
fester, sans ĂȘtre entravĂ©s par l'Ă©tat de guerre et de pillage.
C'est par le seul perfectionnement de ces rapports entre les
populations, par l'amélioration des procédés de culture,
d'élevage ot d'industrie locale que l'on a cherché, avec rai-
son, à développer la prospérité du pays; instruit par l'exemple
des Romains, le gouvernement tunisien a donné tous ses soins
à la conslruction d'ouvrages hydrauliques et d*aménagement
de Teau^ qui sont la condition essentielle de tout progrĂšs en
ce pays.
Si dans vingt ou trente ans, comme il est probable, l'oasis
de Garsa s'est largement Ă©tendue, si les cultures d'oliviers
couvrent dans le bled de vastes territoires à cÎté des parcours
nomades, «i l'élevage est plus parfait et donne lieu à des tran-
sactions nombreuses, si le commerce des lainages reste plein
iFaclivité, cette situation nouvelle sera due au développement
de la situation actuelle; si un important commerce d'expor-
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GĂOGRAPHIE ĂCONOMIQUE. 123
tation s'établit, si un courant d'importation se crée, si le chemin
de fer devient l'artÚre vitale de la région et Tun des princi-
paux agents de sa prospérité agricole, l'autonomie ccïjnomiciue
de la région n'en subsistera pas moins : c'est le vieux nuirché
local de Gafsa qui aura donné naissance, par son extension,
au marché nouveau, et le séculaire groupement gcographiqur
des cultures et des industries du pays restera le fondement id
la garantie de sa prospérité.
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\
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CHAPITRE IV
L'EXPLOITATION DES PHOSPHATES
LE CHEMIN DE FER
La plus grande richesse de la région de Gafsa est constituce
par les gisements de phosphate de Hetlaoui, du Redeyeff et
d^Aïn MoularÚs, dont nous avons signalé plus haut remplace-
ment et l'importance ^
Ces gisements furent découverts en 1885 par M, le vétéri-
naire de l'armée Thomas, membre de la mission d'exploration
scientifique organisée et envoyée en Tunisie par le ministÚre
de rinstruction publique. Le 7 décembre de la iiiÎme année,
M. Thomas fit part de sa découverte à T Académie des Sciences.
Il explora de nouveau en 1886 la région de Gafß^a, et, dÚs 1887,
des phosphatiers de la Meuse envisagÚrent I éventualité de
l'exploitation du Seldja^. Mais la dépréciation des cours, oc-
casionnée par la mise en exploitation des phospliates de Floride ^
empĂȘcha la formation d'une sociĂ©tĂ© financiĂšre. MalgrĂ© les
efforts désintéressés de M. Thomas, et les pourparlers engagés
par le gouvernement tunisien avec des maisons françaises,
aucune combinaison ne put aboutir dans les années suivantes \
l.SuprOy p. \i et sq.
2. Un ingénieur du service des mines et M. Pattin, do nevipiV'Sur-Meusci
visitĂšrent les gisements; M. Pattin entra en pourparlei*s avec le gouvoruemeiit
do Tunis et demanda une concession (1890).
3. Les travaux publics de la RĂ©gence de Tunis, III, p. 38, IĂ9^ 4^* ElsĂšbl Vaskel,
L'auteur de la découverte des phosphates tunisiens, p. 2 1-2H.
En 1893 le gouvernement tunisien résolut de faire appel à rßridustrie privée
et pressentit plusieurs maisons françaises sur la formation d'une société qui ob^
tiendrait la concession, sans subvention ni garantie dMntéiÚUs de Texploit^ifion
des gisements de Gafsa, de la construction et de l'exploitation du ohfiu in de i>i*
de Sfax Ă Gafsa et Ă©ventuellement du port de Sfax, du coin merci' de l'alfa dans
la région. Cette premiÚre tentative ne réussit pas.
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Ă
126 La GAFSA ancienne et MODEHiNE.
Au concours ouvert en janvier 1895, M. de Robert, agissant
avf^c la garantie financiÚre de la Société française d'études et
âŹi entreprises y fit les offres les plus avantageuses. Un premier
accord conclu entre le directeur général des travaux publics
Je la Régence et M. de Robert le 1" juin 1895 et sanctionné
par décret hoylical (20 juin 1895), fut remplacé par une con-
vention définitive signée le 15 août 1896, par MM. Pavßllier,
directeur général des travaux publics, de Robert et Molinos,
rt approuvée le 20 août par décret beylical*.
Par cette convention, le gouvernement tunisien concĂ©dait Ă
M, de Robert, pour une durée de soixante années, sans ga-
rantie quelconque Ă la charge du budget tunisien ni subven-
tion autre que Tabandon gratuit pour soixante années des
terrains dĂčoioniaux concĂ©dĂ©s (Art. 2 et 3) :
i< V L'exploitation des gisements de phosphates de chaux
qui se rencontrent sur les terrains domaniaux situés au sud-
ouest de Gafsa, dans un périmÚtre s'étendant jusqu'à la fron-
tiÚre algérienne et comprenant notamment les djebels Zitoun,
Zimi*a, Alima, Seldja, Metlaoui, et Stah, ainsi que les djebels
situés au nord et dans le voisinage de Tamerza;
« 2" La construction et Texploitation d'un chemin de fer par^
tant de Sfax, desservant Gafsa et aboutissant Ă Foued Seldja ou
à tout autre point de la zone des gisements situés entre Gafsa
et Toued Seldja;
w 3° La cession, à titre gratuit, en toute propriété, de
30.000 hectarey de terrains domaniaux cultivables situés dans
le contrĂčlc de Sfax. v, (Art. 1.)
na i>*M In gouvr^rncnient ouvrit un concours en disjoignfvnt de la concession
la coDstmetioTi (1 Texploitation du port de Sfax confiées à une compagnie sp^-
ctaJi^ (Comptifjnu^ dc$ ports de Tunis^ Souise^ Sfax) et le commerce de l'Alfa. Les
dr^mandeufK ^rtaLcnt invitĂ©s Ă fĂźxer eux-mĂȘmes la durĂ©e de la concession et le
taux de la redevance. M. Barthélémy qui fit les ofl'res les plus satisfaisantes ne
put jui^tiiĂźer de moyens financiers.
ï . I^? ßrn\uni^ publics de la Régence^ III, p. 43. Un nouveau décret du 18dé-
eenibre WMĂź sanctionna une modification introduite dans la convention du
15 août : nous en tenons compte dans l'exposé des principales clauses de celte
convention.
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L'EXPLOITATION DES PHOSPHATES. 127
Le concessionnaire devait jouir en outre « d'un droit de
préférence, à conditions égales, pour l'exploitation de tous
gisements de phosphates connus ou à découvrir, situés dans
les terrains domaniaux compris dans un périmÚtre do protec-
tion limité : au nord par le parallÚle de Sfax, à Test par la
mer, au sud par le parallĂšle d'El Hamina du Djerid, et Ă
louest par la frontiÚre algérienne ». (Art, 8.)
Le concessionnaire s'engageait Ă ac(]uittrr une redevance
de 1 franc par tonne de phosphate lavé ou séché, exportée hors
du lieu d'extraction. Le minimum annuel do redevance Ă©tait
fixé à 150.000 francs à parlir de la huitiÚme année de Texploi-
lation du chemin de fer. Mais il était fait « remise au conces^
sionnaire, Ă titre de prime sur la redevance due pour Texpor-
tation dépassant 150.000 tonnes, de 35 centimes par tonne pour
les cent premiÚres mille tonnes supplémentaires et de 70 cen-
times par tonne pour le surplus ». (Art. 10.) Enfin tout relÚve-
ment des droits d'extraction et de sortie et des taiifs de trans-
port de la ligne de Tebessa-BÎne appliqué aux phosphates de
Tebessa était déclarée immédiatement applicable aux produits
exportés de Gafsa. (Art. il.)
Le concessionnaire s'engageait Ă construire, Ă exploiter k
ses frais, et sans garantie d'intĂ©rĂȘt, le chemin de Sfax Ă Gafsa,
Toutefois, « dans le cas oĂč la dĂ©pense totale de premier Ă©ta-
blissement ferait ressortir Ă plus de 50.000 francs le prix de
revient kilométrique moyen du chemin de fer, rexc*^Jent.*p
serait misa la charge du gouvernement tunisien et remboursé
au concessionnaire, sans intĂ©rĂȘt, au moy«Mi de retenues opĂ©-
rées pendant toute la durée de la concession sur les rede-
vances annuelles ». (Art. 14.) Ces redevances devaient en (mtre
ĂȘtre affectĂ©es, en cas de besoin, Ă la garantie de Texploitation
du chemin de fer, les frais d'exploitation de celui-ci utant fixés
à 1.500 francs par kilomÚtre plus la moitié de la recette brute
(F = 1500 + 5). (Art. 17 et 18.)
Les gisements de phosphates, y cornons tous les ouvraeres
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m Lk GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
souterrains, les terrains domaniaux y attenant et le chemin de
fer devaient faiie retour Ă TĂtat Ă l'expiration de la conces-
sion. L'Ătat se rĂ©servait en outre le droit de raclieter le chemin
de fer aprÚs la vingtiÚme année de la concession. (Art. 23 et
Cette convention assurait Fexploitation des riches gisements
de phosphates de Gafsa dans des conditions excellentes pour la
Tunisie : elle permettait Ă des produits nouveaux, dont l'ex-
portation n'Ă©tait pas Ă la merci des fluctuations climatiques,
d'augmenter le coramerce extérieur de la Régence , sans que le
budget tunisien ait Ă intervenir; elle dotait le sud de la Tunisie
d'une voie ferrée de 250 kilomÚtres et ouvrait ainsi à la colo-
nisation une région dont la prospérité passée permettait de
hicn augurer de l'avenir; elle fournissait au port de Sfax,
ĂźiouvĂȘllement construit, un fret de grande valeur; elle offrait
aux Ă©nergies, k la main-d'Ćuvre, aux capitaux, un champ
nouveau d'activité et d'expériences fécondes; elle garantissait
la prospérité moderne du pays gafsien.
Le concessionnaire se substitua le 22 mai 1897 ^ la Compagnie
des phosphates et du chemin de fer de Gafsa [Tunisie], fondée
Ă Paris, au capital de 18.000.000 de francs.
La Compagnie entreprit aussitĂŽt la construction du chemin
de fer et ramcnagement de la mine ^. Les travaux furent
commences au mois d'octobre 1897; la voie atteignit la sta-
T. TexlĂȘ t\f^ la convention du 15 aoĂ»t 1896, publiĂŽ par Vaux, Les chemins de
p-r iHi 7\ttilsifi, [). ilHl et sq. En ce qui concerne les 30.rX)0 hectares de terrains
doiiiaiiiaux cultßvabK\s qui lui étaient concédés dans le contrÎle de Sfax, M. de
Robert s'iviga^fĂŻaĂźt Ă les planter en arbres fruitiei*s Ă raison de 3.000 hectares
(far an]usqu*a concurrence de 22.500 hectares.
2. Conform^-menl :'i l'article 5 de la convention du 15 août 1898.
3. EUe traita à forfait avec la Société Duparchy, Dollfus et Wiriot pour l'exé-
culioii de la vol*' (voie unique, de 1 m.), Ă raison de 45.000 francs par kilo-
mL'ire, so ri^servant la fourniture du matériel roulant, des adductions d'eau,
di's atdiei^ ilu petit iniitcriel et du mobilier.
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1;EXPL0ITAT10N des phosphates. 1-20
tion de Metlaoui le 24 décembre 1898; les trains purent cir-
culer de Sfax Ă Metlaoui dans les premiers jours d'avril et la
premiÚre expédition de phosphate fut faite le 19 avril, moins
de deux ans aprĂšs la reconnaissance de la Compagnie par
décret beylical*. La ligne fut inaugurée solennellement le
20 novembre 1899 Ă la suite de fĂȘtes auxquelles assistĂšrent
H. Krantz, ministre des travaux publics, MM. Mougeot, Jules
Legrand, René Millet, résident général ^.
La voie, en quittant Sfax, longe la cĂŽte par l'oued Chafifar
(29 km.) et MaharĂšs (36 km.) ; puis, tournant Ă Test, elle gagne
l'oued Chahal (50 km.), GraĂŻba (63 km.); s'engage dans la
vallée de l'oued Raun et monte sur la haute plaine de Maknassy
en contournant le djebel Zebbeus par Mezzouna (98 km.). Elle
descend ensuite vers le centre du bled (Maknassy, 123 km.),
passe à TAïn Zannouch (162 km.), traverse le défilé compris
entre le djebel Goussah et le djebel Bou Bellel, passe au nord-
ouest de Sened et gagne le fond du bled EI-Hamra, au pied
des derniers contreforts de TOrbata; aux AĂŻoun-el-Melah, elle
s enfonce dans le défilé de Lalla, atteint entre cette oasis et
celle d'El-Ksar la gare de Gafsa (205 km.), traverse Toued
Balach et le bled Cheria et longe le djebel Stah jusqu'Ă Toued
Metlaoui (243 km. 325) ^. Un embranchement particulier de
1.500 mĂštres relie la gare de Metlaoui aux installatloos de
sĂ©chage des phosphates qui sont elles-mĂȘmes en communi-
cation avec la mine par un raccordement de 3 km. 500 K
1. Rapports du Conseil d'administration de fa (''"des Phosphates ri do chemin
de fer de Gafsa (Tunisie), \m7, p. 3-G; ISDH, p. 2-3; lHi»ß», p. 3.
Grùce à remploi du wa^on poseur, la voie a été posi'e avec unf vilo^s^r»
moyenne de 1.500 mÚtres par jour, aloi*s que les procédés ordinain^s [lermi'l-
lent difficilement de dépasser 800 à 1.000 mÚtres. Vatin, o/>. cit., p, wj.
2. P^ER.sAND Vatin, Les chemins de fer en Tunisie, p. 8*2-8;^.
3. Les travaux publics, I, p. 307. â Carte.
4. HapportSy eic,, 1899, p. 4. Des tracés différents furent propos<s un 181K> K
1896 pour rétablissement de la ligne du chemin de for : les uns proposaßciu
que les phosphates fussent embarqués à la Skhira, au sud de Mahaivsß d'au-
trÚs préconisaient la voie de GabÚs, plus courte (1 10 km. do (Msn h i\uhi%
au lieu de 200 de Gafsa à Sfax) et moins coûteuse (liortholon, H. Ttm.t IMIT*,
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1
J30 lA GAFSA ANCIENNK ET MODERNE.
Surtout ce parcours le maximum des rampes est de 15 mil-
limĂštres dans le sens Sfax-Hetlaoui, et de 8 millimĂštres dans
le sens Heflaoui-Sfax. Le minimum de rayon des courbes est
de 200 mĂštres ^
La voie, destinée à transporter des marchandises lourdes, a
(Av trĂšs solidement construite : les rails qui pĂšsent 25 kilo-
grammes le mĂštre et mesurent 10 mĂštres de long, reposent
sur des traverses métalliques de 1",75 et de 35 kilogrammes,
terminées par de larges palettes qui augmentent la surface
adhérente au ballast et assurent la stabilité de la voie -.
Le nombre des travaux d'art est assez considérable, bien
que le pays traversé ne soit pas trÚs accidenté; le passage
de nombreux lits d'oueds, vides pendant la plus grande partie
dr Tannée, mais débordant au moment des orages, nécessita
la construction d'un nombre élevé de remblais et de pon-
ceaux. On dut construire, pour la traversée de Foued Baïach,
sujet à des crues terribles, un pont de vingt-quatre travées
p. r>01). En réalité, écrivait en 189G M. du PatydeClam (BM. Soc. géogr. comm.,
MKif p. 119), « bien abrité, doté de fonds de mer suffisants, Skhira avait le
double inconvénient de manquer totalement d'eau potable et de n'avoir rien
dt} ci^é comme port. GabÚs, outre ce dernier désavantage, présente celui d'a-
voir une rade connue Ă juste titre comme tellement mauvaise que la cons-
irucrion d'un port exigerait des sommes trop considérables pour le budget de
la ĂŻ^^gencc. La construction de la voie elle-mĂȘme se ferait dans des conditions
di' favorables, attendu qu'une partie notable du railway serait chaque année
lĂŻnriĂźicĂ©o d'ĂȘtre envahie et dĂ©truite par les eaux aux points dits Zelloudja et
Mchamla âą. En outre il n'y aurait pas eu dans la rĂ©gion comprise entre Gafsa
n (rabĂȘs, de grands terrains domaniaux Ă concĂ©der ultĂ©rieurement.
Uaiis ces conditions il est trÚs compréhensible que l'on ait adopté le tracé
<trtfsu-Sfax, qui traversait des terrains domaniaux considérables (Maknassy-
Cljahal-banlieue de Sfax) cultivables en olivettes, ne présentait pas de diffi-
ciitli s particuliĂšres pour la construction de la voie, et offrait aux produits do
iiiihii un port d'exportation nouvellement construit et bien outillĂ©. â Le port
<lo (ĂźabĂšs est encore sensiblement le mĂȘme qu'en 1897 : ce n'est qu'au pro-
^raritme de grands travaux de 190() qu'un crédit de cinq millions a été prévu
pour la construction Ă GabĂšs d'un port susceptible de permettre un trafic im-
IKjrimt (."iOO.OOO tonnes). Toutefois cette construction est subordonnée à la
conciĂźssion dans le sud de gisements de phosphate ou de manganĂšse pour
los<niels des permis de recherches ont été délivrés. De Faces, op. cit., p. 39-11.
L Vasskl, Le chemin de fer de Sfax Ă GafsUf H. Tint., 1902, p. 228.
^t. Travaux publics, 1, p. 301.
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1/EXPLOlTATlON DES PHOSPHATES. 131
mesurant 319" ,75 entre les culées et prÚs de 400 mÚtres de
maçonnerie K
D'ailleurs la voie, malgré tout le soin avec lequel elle a
été construite, causa dans la suite des désillusions : en bien
des endroits elle avait été posée à plat sur le sol du bled qui
ne présentait pas d'obstacles ; malgré des travaux de protec-
tion contre Tensablement et les avaries pouvant provenir des
orages, elle fut coupée momentanément en plusieurs endroits,
surtout en 1900 et 1901, Ă la suite de pluies diluviennes-
qui firent déborder les oueds et ruisselÚrent en dehors des
lits oĂč des ponts avaient Ă©tĂ© construits. On dut, pour Ă©viter
ces accidents, construire un grand nombre de ponts nou-
veaux, augmenter le débouché dun certain nombre d'ou-
vrages en les munissant de radiers et de contre- radiers, ré-
parer et renforcer des culées et des piles, construire des
remblais protégés par des rigoles pour l'écoulement des eaux ^ ;
on dut substituer Ă la voie ordinaire, en d'autres points, des
armatures trÚs résistantes et trÚs basses n'offrant pas de prise
Ă l'eau ruisselante, de telle sorte que l'inondation, quand
elle se produit en ces points, oblige Ă interrompre le passage
pendant quelques heures, mais n'occasionne pas de dégùts
longs à réparer.
L'approvisionnement régulier en eau des gares de la ligne
a présenté également de grandes difficultés. Non seulement
la rareté et Tcloignement des sources obligea à amener Teau
de 7 et 8 kilomĂštres ; mais la mauvaise composition de Teau
qui contient de fortes proportions de magnésie et de chaux
nécessita, dans presque toutes les gares*, la création d'appa-
reils épuratoires de l'eau destinée à l'alimentation des loco-
1. Travaux publics f 1, p. 301. â Rappottx.i^ic..^ lW.fl\ p. 5.
2. Convention du 15 aoĂ»t 1890, art. 7; cili-r' par Yati\, ftp. rit. â ffrtpporfft,
etc., 1900, p. 8.
3. Convention, art. 7, op. ciL â l{apporlH\ olc, VMĂ, p, Tj; lĂźJ(ti, \h Tn iiU%
p. 5; 1904, p. G; 1906, p. G.
1. Sauf au ChafTar et Ă Zannoucli.
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132 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
motives ^ Ces installations fonctionnent aujourd'hui dans de
bonnes conditions; l'exploitation du chemin de fer dispose
de 160 mĂštres cubes d'eau par jour au Chaffar, de 210 mĂštres
cubes Ă Zannouch 2, de 300 mĂštres cubes Ă Gafsa^. Des travaux
ont été récemment entrepris pour amener à Metlaoui les eaux
de Ras el-Aloun et assurer ainsi l'alimentation en eau po-
table de la population de Metlaoui approvisionnée antérieu-
rement par des wagons citernes envoyés de Gafsa '*.
Pour satisfaire aux besoins d'un trafic en augmentation
constante, la ligne a été améliorée par la construction de voies
de garage nouvelles, de ponts tournants, d'ateliers, de han-
gars, de salles d'attente et de couchage ^. Le matériel roulant
a passé de 120 wagons à phosphate, quelques wagons de
voyageurs et 12 locomotives en 1899^', Ă 52 locomotives' et
prĂšs de 700 wagons^.
Le compte d'établissement du chemin de fer ainsi constitué
montait au 31 décembre 1906 à 17.409.392 fr. 12, dont
14.694.692 fr. 74 (compte provisoire au 31 dĂ©cembre 1906) Ă
la charge de la compagnie, et 2.714.699 fr. 47 (compte dé-
finitivement clos en 1905) Ă la charge de l'Ătat tunisien^.
Ce compte fait ressortir Ă 71.550 francs environ au
kilomÚtre le coût de celte voie établie non sans difficulté
J. Tiimau piihlicsj I, p. 3O4-:)05. â Rapporta, otc, ISĂ^T, p. C; 1898, p. 4:
\m), p, 4.
:;. linppoti^, cic.y 1899. p. I; 1904, p. C.
II. lĂźftftpott<(, etc., I8Ăźf7, p. (>.
A. Ihippmt'^, etc., 19()3, p. 5; liXil, p. C.
hj, Ihipportu, etc., passim.
il Ăźhippurh, Ole, 1899, p. 1.
7. Liûiti H (Jo 13 tonnes dune puissance exceplionnoUc pour la voie de 1 mr-
\v*% el 1(J à cinq essieux couplés, plus puissants encore.
N, Happorh, etc., 19()3, p. 5-0; 1906, p. : 33 wagons de voyageurs et four-
pons, '.Ui nagons de marchandises dont 12 couverts, 2 wagons de secours,
\2 wagons citernes et 590 wagons Ă phosphate.
9. Rapports, etc., 1906, p. 9-10, 18. â Convention, Art, 14. Supra, p. 133-131.
Qi* compte a été définitivement clos en 1905 aprÚs que certaines dépenses
il(* tĂŻiat4}riel effectuĂ©es en 1904 eurent Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es par TĂtal tunisien.
Crtto somme est remboursable sous forme de remises des redevances perçues
ïwir I(* trésor ^ur les phosphates ex])ortés hors des lieux d'extraction.
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II
L'EXPLOITATION DES PHOSPHATES. 133
mais capable de faire face à un trafic considérable K
La ligne une fois construite, le recrutement du personnel
nécessaire à l'exploitation a présenté de sérieuses difficultés :
les ressources en main-d'Ćuvre sont nulles dans la rĂ©gion
traversée par le chemin de fer : le service de la voie ne com-
prenait guĂšre Ă l'origine que des ouvriers Ă©trangers au tra-
vail d'entretien si important sur une voie neuve livrée à la
circulation de trains lourds ^. Les petits employés, contre*mal-
ires et bons ouvriers de nationalitĂ© française hĂ©sitaient Ă
venir se fixer dans des régions presque déserti c[ii es : il en est
résulté dans les premiÚres années un flottement trÚs préjudi-
ciable Ă la bonne administration dans le personnel dos gares
et de la traction. Cependant aujourd'hui le chemin de fer
emploie environ 650 employés et ouvriers, presque tous de
nationalité française, dirigés par un personnel supérieur ex-
clusivement française
Malgré toutes les difficultés trÚs grandes dues au climat et
aux conditions spéciales dans lesquelles se trouve une entre-
prise coloniale, le chemin de fer a pu répondre à tous les
besoins de la mine et de la région. Il a pu Iransporter, de-
puis son ouverture au trafic jusqu'Ă la fin de 1906, pies de
2^0.000 voyageurs et 2.950.000 tonnes de marchandises. Le
tonnage de 1906, 652.846 tonnes, représente une circulation
de 2.600 trains environ Ă la descente vers Sfax, soit sept
Ă huit trains en pleine charge dans ce sen^ par jour, ce
qui est considérable pour une ligne coloniale à voie étroite*.
1. Ce prix de revient est sensiblement supérieur à celui du ri?s<?au à voie
étroite du Nord de la Tunisie qui a été de 53.112 francs au kilonuMrc Wt ki-
lomĂštres 5 pour 10.925.000 francs; Vatin, op. cit., p. 159) : cH Ă©cai-r fM f-xpli-
cable parles facilitĂ©s plus grandes rencontrĂ©es dans le nord (Ăźe la TuniĂŻiio, â
notamment en ce qui concerne le recrutement de la main-d*a?uvre ei l'ap-
provisionnement en eau, â et par la lĂ©gĂšretĂ© plus grand»^ des xoies du n'-sç-au
de Sousse qui n'étaient pas destinées au transport de matßéro^ lourdes (Vatin,
op. cit., p. 271 et sq., Convention du 12 octobre 1892).
2. Rapports, etc., 1899, p. 4.
3. Rapports, etc., 1900, p. 8; 1903, p. 6; 1904, p. 7.
4. Rapports, etc. j passim. â Rapport au prĂ©sident, VM*. p. lklHĂź35. Vassll.
op, cit., passim.
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Google "^
i
iU
U GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Les premiers travaux d'aménagement de la mine qui pou-
vaient ĂȘtre entrepris avec un matĂ©riel sommaire ont Ă©tĂ©
commencés dÚs 1897, et, quand le chemin de fer fut achevé
en avril 1899, la Compagnie se trouva en mesure d'exporter
du [ihosphcite ^ L*exploitation commencée à la table du
Louftif se continua par l'attaque successive de la table Ouest,
i\v. h partie inférieure de la table du LÎusif, de la table Jaa-
eha et de la table Metlaoui, desservies par un petit Decau-
vĂźllc, en 1000, 1903, 1905 2.
I/exploitation a lieu tantĂŽt Ă ciel ouvert (Nord de la table
de Loiisif), tantÎt au moyen de galeries creusées dans le gite,
(juand celui-ci est recouvert par une cçuche calcaire trop
Ă©paisse, comme au sud de la table de Lousif le sortage du
Tes trains ?!ont <lo 400 tonnes brutes on moyenne et 250 tonnes utile». Le
ĂŻionjbre (k^s trains de voyageurs est de deux dans chaque sens.
Trafic général du chemin de fer.
Pbo8p)iatcs MarchandlMi aatreg
transportés. que le phosphate Vo>'agcnrs.
1899 70.018 tonnes. 10.000 tonnes.
1900 178.151) â 15.000 â 21. W)
1901 172.*J16 â 10.794 â 22.130
19Ăfl,... 263.1,51 â 11.471) â 2^^872
1903 373.100 - 23.386 â 32.263
1B04 479.267 â 29.339 â ^M:
1W6...... 521.731 - 32.891 â 38.554
1906... 619.165 - 33.681 â 43.962
K«ccttes en espÚces. Recettes totales Recettes en Reoettn
t Unrchandlses antres (phosphates espĂšces au km. totales an km.
<iue le phosphate et compris). â â
voyageurs). â â â
im I0.55r20 137.112' - LDOO"
iflĂO...... 266.103 93 1.736.502 . 7.117
1«K ..... 331.690 82 1.711.33:] \ :Mi' 7.178
19Q2 328.134:}8 2.126.112 I.XjO 9.981
1903...... 457. 6(U - 3.181.110 1.883 14.325
1904,., .. 53().70Ăź)r>i 1.306.380 3.209 17.501
1906 51H).(r.6 8I 4.915.610 2.455 29.229
1800 665.068.89 5.800.000 (env.) 2.737 23.850 (env.)
1, fUtppurU, otc, 1897, p. 6; 1898, p. 4; 1899, p. 1.
2. HoppmiH. etc., 18Ăź)8, p. 4; 1899, p. 5; 190<>, p. 4; 1ĂK)1, p. 3; 1902, p. 3;
Hm, i*. 3ß 191 H, p. 3; 1905, p. 3; lOOC», p. 3.
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L'EXPLOITATION DES PHOSPHATES. 135
minerai hors de ces galeries se fait « par des voies de niveau,
à flanc de coteau ; ces voies aboutissent à des culbuteurs placés
sur le pourtour d'une gigantesque trémie qu'on a constituée
en barrant un raviû par un mur en maçonnerie. A la partie
inférieure de cette trémie, un tunnel a été aménagé dans
lequel viennent s'engager les trains du Sfax-Gafsa. Des trappes
à la partie supérieure du tunnel permettent de faire tomber
directement le phosphate dans les wagons * ».
Le phosphate ainsi sorti de la mine contient 10 Ă 15 ^ de
son poids d'eau. Le séchage à Fair libre et au soleil suffit
généralement à faire perdre au minerai cette humidité qui en
augmente inutilement le tonnage : le siroco et les vents dessé-
chants du sud et du sud-ouest sont particuliĂšrement favorables
à cette opération. Cependant pour activer le séchage et pou-
voir le pratiquer mĂȘme en hiver, quand les pluies et les rosĂ©es
sont moins rares et l'atmosphÚre moins réguliÚrement sÚche,
la Compagnie a installé prÚs de Metlaoui trois grands fours
rotatifs et six fours Ă chicane. Cinq autres fours de grand
modĂšle sont en construction 2. Deux grands hangars d'une
contenance de 30.000 tonnes ont été construits pour l'entrepÎt
des phosphates 3.
La Compagnie emploie aujourd'hui 2.500 employés et ou-
vriers dont plus de 400 Européens*, et rien n'est plus curieux
que cette agglomération d'individus de touti^s races et de
toutes couleurs installés avec leurs familles en plein dcsert.
Toutes les personnes investies d'un commandement sont
françaises. Pour les travaux nécessitant des connaissances
spéciales, pour les recherches, labatage du minerai, la con-
duite des fours, on emploie des contrc-maltrcs français, des
1. Rapporh, etc., Id., Ibid.; Travaux publics, III, p. 47, TJ). MaĂŻgn'' l0Ăź(tr>s \\^%
pi*Ă©cautions prises, un Ă«boulement eut lieu clans la mine \f \^^ octohn^ JĂWO et
easevelit 31 ouvriers dont 9 européens, mettant le deuil iluns tout le pap.
Rapports, 1900, p. 3; Clarf.tie, De Syracuse Ă TiHpoli, p. ^M-MK
2. Rapports^ etc., 1904, p. I; 19(^5, p. 4 et passim.
3. Vassel, op. cil., p. 237.
4. Rapports, 1903, p. 4; 1901, p. I; 1905, p. 4; 1906, p. 4.
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\
136 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Italiens des soufriĂšres de Sicile et des mines de calamine de
Sardaigne, des Maltais, des Kabyles de Hokta el-Hadid, quel-
ques Tunisiens. Leurs salaires moyens sont de 3 Ă 4 et 5 francs
par jour. De trÚs grands eflPorts ont été filits par la compa-
gnie pour retenir à Hetlaoui le personel européen de l'exploi-
tation et lui en faciliter le séjour; elle a construit pour eux des
maisons ouvriÚres, une infirmerie dirigée par un médecin
spĂ©cial, une Ăglise, une Ă©cole; une boulangerie, une auberge
et une cantine pour les Européens non mariés fonctionnent
sous son contrĂŽle; elle fait venir Ă grands frais, par le ravin
du Seldja, Teau de Ras el-AĂŻoun pour alimenter en eau pota-
ble le campement de cette smala d'un nouveau genre*.
Les manĆuvres sont fournis par les indigĂšnes de la rĂ©gion
et par ces populations sans feu ni lieu des pays barbaresques,
Marocains, Tripolitains, Soudanais que l'on rencontre dans les
ports de rAfrique du Nord oĂč ils font le mĂ©tier de dĂ©bardeurs,
dans les oasis au moment de la cueillette des dattes et sur tous
les chantiers de travaux publics. Cette main-d'Ćuvre est seule
capable de résister au travail extérieur sous le soleil brûlant
et possÚde une expérience professionnelle suffisante. Elle se
contente de salaires modiques, mais elle est malheureuse-
ment trĂšs instable. Ces indigĂšnes dont les besoins sont trĂšs
restreints, attirés par la nostalgie du désert, quittent la mine
aprĂšs la paie qui leur suffit pour vivre longtemps; des mois se
passent, et misérables, en haillons, ils reviennent demander
du travail pour repartir encore*.
GrĂące Ă tous les efforts faits par la Compagnie au point de
vue technique et aupointdevuede la main-d'Ćuvre, 2.628. 7iV
tonnes de phosphate, d'une teneur correspondant Ă la classe
raoy^nue 58-63, ont pu ĂȘtre extraites des gisements du Seldja,
L nnpports, etc., 11)()0, p. 5; 1901, p. H ot passim; 1004, p. 5; 1906, p. 5.
Tt^vittt.r puhlirs^ HF. p. ĂŽ<j, 57. Yassel, op. ri7., p. 235. Ci-\retib, De St/ra-
CHxe à Tripoli, p. 'i«S9.
"2, Tnfraux puhfics, III, p. 5G-r>7. Rapports y qXc.^ 1900, p. 5; 190G, p. 4, 5. Cl\-
«ETiE, 0/.. f?7., p. 2ßK>-293. Appendice, p. 183 et WX
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L'EXPLOITATION DES PHOSPHATES. 137
jusqu'au 31 décembre 1906; 700.000 tonnes environ seront
extraites en 1907. Les ventes de phosphate, stationnaires en
1900 et 1901 (171.298 et 178.0i7 tonnes), ont pris en 1902 et
surtout en 1903 un essor trĂšs rapide (263. V82 et 352.088 ton-
nes) * qui a coïncidé avec une diminution générale de la pro-
duction américaine 2 et une baisse sensible de l'exportation des
phosphates de Floride ^
La progression des ventes de phosphate de Gafsa a continué
en 1904 (455.797 tonnes), en 1905 (524.165 tonnes) et en 1906
593.006 tonnes). Les besoins de la consommation augmentent
sans cesse, et les produits de Gafsa sont de plus en plus appré-
ciés et demandés par les traitants et fabricants de superphos-
phates, principalement en France, en Angleterre et en Italie ',
à cause de leur composition réguliÚre, de leur facilité de mou-
ture et de leur faible teneur en carbonate de chaux qui en fa-
cilitent le traitement industriel 5.
GrĂące Ă Timmense avantage que lui confĂšre son chemin de
fer, de transporter elle-mĂȘme, Ă frais coĂ»tant, et sans majo-
ration aucune à verser à une compagnie spéciale de trans-
ports^, la Compagnie de Gafsa a résisté victorieusement à la
L Rapports, passirii. /w/ra, p.
2. 1.G00.813 longions en 1902, et 1.570.228 longions on 1903; diminution por-
tant surtout sur la production des gisements de Floride {TliP minerai indmlry
diirinff 1903, engineering and mining journal^ Xll, p. 292).
X 838.48) longions en 19C^, et 778.480 longions on 1903 (Id., Ibid., p. 291).
4. En 1903, sur 352.088 tonnes de phosphates livrés, la Compagnie on a livn^
129.C59 tonnes en France, 82. 124 tonnes en Angleterre, 70.985 tonnes en Italie
(Id., Ibid., p. 299).
5. Rapports, etc. y 1903, p. 8; 19(M, p. II. Los phosphates tricalciquos lois
qu'ils sont extraits des mines de Gafsa sont utilisables seulement comme
amendements do longue durĂ©e, et non comme engrais : pour ĂȘtre assimila-
bles par les plantes aussitĂŽt que mĂ©langĂ©s Ă la terre arable, ils doivent ĂȘtre
transfonnés en phosphates bicalciques et monocalciques, par addition d'a-
cide sulfurique qui se charge de une ou dou.x molécules de thaux ou,
pour parler le langage courant, ils doivent ĂȘtre transformĂ©s en superphos-
phate. Les phosphates do Gafsa, traités on France par les usines de Saint-
Gobain, les établissements Kuhlmann, etc., sont employés dans toute la
France et principalement par les cultivateurs de primeurs du HhĂčno et du
Midi.
6. Les bénéfices de la Compagnie seraient sensiblement diminués^ elle devait
LA GAFSA ANCIEPINE. tO
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138 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
baisse des cours de 1902* et réalisé des bénéfices élevés qui
ont fait monter considérablement ses actions et permis de
constituer de fortes réserves et fonds d*amortissement et de
distribuer des dividendes élevés 2. Le nom de Gafsa a pris
dans le monde une signification de saine prospérité.
acquitter en espĂšces les transports des pliosphates de Metlaoui Ă Sfax. Les
recettes (recettes en espĂšces et recettes d'ordre) du chemin de fer en 1906,
soit 23.830 fr. environ au kiIomĂšti*e, si on leur applique la formule d'exploitation
F. = L500 4- 12 de R : 2, laissent un bénéfice net de 2.500.0fjO fr. environ
(10.425 fr. environ au km.) que la Compagnie n'eût pas réalisé si le chemin
de fer ne lui avait pas appartenu. D'aprĂšs Travaux publics, travaux statisti-
ques, 1903, p. 5.
1. Rapports, etc., 1902, p. 8.
2. Valeur des pUos- BĂ©nĂ©flĆs bruts BĂ©nĂ©fices nets
phates exportés (y compris le compte du domaine de
Ă Sfax. Ghahal et le compte du service d'au- Dividendes.
â tomobiles de Bourse Ă SÂŁax). â
4809 1.936.008' 296.794' 113.309'
1900 3.748.122 1.571.101 1.156.419
1901 1.174.582 1.804.691 ĂK.>2.808 25' .
1902 5.359.6Ă4 2.459.565 1.814.494 30 âą
1903 7.586.820 3.283.376 2.653.737 a5 âą
1904 8.000.000 4.325.822 3.711.491 45 -
1905 9.4Ć.n00 5.460.0rw* 4.786.473 60 âą
1906 . 6.135.253 5.743.717 80 .
/{apports, etc., passim. Rapport au président d^ la Hépuhlique, 1905,
p. 660. De 500 francs à l'émission, les actions ont monté à 583 francs le 1" avril
11^102, 865 le 1" avril 1901, 1.488 francs le 31 mars 1905, 2.140 le 28 avril 190l>;
elles se sont maintenues depuis l'hiver dernier Ă des cours compris enti^*
3.500 francs et 4.5(X) francs.
La publication américaine The Minerai Industry dunny 1903 évalue ainsi
la production totale de phosphate dans le monde (p. 292, 2i>9, 300, 302) : Belgi-
que, 1902, 1:35.850 tonnes. Canada, 1903, 1.205. France (PĂ©ronne, Marcheville,
Beauval, 1902, 1.5-13.900. Polynesian (islands), 1<K)3, 67.257. Algérie (BÎne), 19(«,
277.521. Algérie (Bougie), 1903, 20.350. Gafsa (d'aprÚs les rapports de la Com-
pagnie, {^03), 4a3.029 1.454.383 tonnes métriques.
Amérique, 1.600.813 longtons (tonnes de 16.000 kilogrammes).
En 1906 Gafsa a produit 607.619 tonnes métriques. Les sociétés de Kalaa «^
Senam et Kalaa Djorda comptent exporter 600.000 tonnes en 1907 (De Faoes,
op. cit., p. 27).
En septembre 1901, le prix de la tonne de phosphate rendue Ă Sfax Ă©tait de
15 Ă 16 francs (179.267 tonnes pour 8.000.000 francs environ, d'aprĂšs le Rap-
port anßiupl au Président de la République, 1904, p. 620). D'aprÚs des rensei-
gné! lioru s puisés à des sources sûres, le fret et les assurances pour le ti*ans-
port des mOmns phosphates dans les ports français étaient de 8 francs environ,
au.xqueU il convient d'ajouter 1 franc environ de perte de poids, escompte.
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L'EXPLOITATION DES PHOSPHATES. 139
La Compagnie de Gafsa, encouragée par ces beaux résul-
tats, se montre soucieuse de développer le chiffre de ses
ventes et de tirer toutes les ressources possibles des gisements
qui lui ont été concédés.
« A la suite de travaux de recherches méthodiques qui se
sont Ă©tendus dans toute la concession, dit le conseil d'adminis-
tration de la compagnie dans son rapport sur Texercicc 1904^
nous avons reconnu Texistence sur le versant nord, au djebel
Redeyeff, d'un gisement important dont la teneur est plus
élevée que celle du gisement de Metlaoui. La couche existant
en cet endroit pourra fournir au moins 12 millions de tonnes
d'un phosphate titrant environ 64,5 pour ci^nl de phosphate
tribasique de chaux; elle se classe ainsi dans la qualité dite
63-68, et ses produits bénéficieront d'une notable plus-value
par rapport à ceux de la qualité 58-63 que nous extrayons de
notre mine actuelle. DÚs cette importante découverte nous
avons pris des mesures pour mettre en valeur le gisement de
Redeyeff; sa mise en exploitation exige la construction d'un
embranchement de 35 kilomĂštres de longueur, pour lequel un
contrat vient d'ĂȘtre conclu avec un entrepreneur frant;im: la
ligne projetĂ©e pourra ĂȘtre terminĂ©e en moins de deux ans»
bien que son établissement présente quelques difficultés k la
traversée d'une gorge de 9 kilomÚtres de long. Nous espérons
donc pouvoir dĂšs 1907 livrer Ă la consommation notre nouveau
phosphate.
« Nos acheteurs retrouveront dans ce produit les qualités qui
ont fait apprécier dans toute l'Europe le phosphate de Metlaoui :
grande régularité de composition, faible teneur en carbonate
de chaux, facilité exceptionnelle de mouture. La mine de He-
deyeff nous permettra, tout en conservant son activité ù celle
courtage. Le prix de la tonne rendue en port français; vLûi iloin' tß<^LM fpßines
environ. A la mĂȘme Ă©poque la tonne de phosphate se vcn-LuLfi fr. '^^ l\iniliĂŻ
de phosphate par mille kilogrammes, soit environ 'M) Inincs. L^ briiĂȘlki^ <iaĂźt
donc environ de 6 francs par tonne. Le bénéfice net de la Cnjnpajt,'nie pour
l'exercice KK>1 {Chemin de fer compris) a été de 1.711 [>! fr:iiics pour
455.797 tonnes vendues, soit 8 fr. 10 par tonne.
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140 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
de Mellaoui, d'atteindre par nos ventes certaines régions qui
ont rhabitude de consommer un phosphate plus riche; son dé-
veloppement paraĂźt devoir ĂȘtre rapide, car aucun des gisements
connus en Algérie-Tunisie ne contient de phosphate d'une
teneur supérieure*. »
D'ailleurs la Compagnie a obtenu des permis de recherches
de nouveaux gisements dans la région des dj. Jellabia, Sehib
et Rosfa, au sud de Gafsa, et a obtenu, par une convention du
1*' août 190i avec le gouvernement tunisien, la détermination
des conditions dans lesquelles pourra s'exercer le droit de
prĂ©fĂ©rence spĂ©cifiĂ© dans son acte de concession*. La mĂȘme con-
vention a décidé que les produits de tous les gisemenfs situés
dans un rayon de 15 kilomĂštres au nord et de 35 kilomĂštres au
sud du chemin de fer de Gafsa seraient exportés par celui-ci et
parle port de Sfax; en outre la date Ă partir de laquelle la
ligne pourra ĂȘtre rachetĂ©e par l'Ătat tunisien a Ă©tĂ© reculĂ©e de
quatorze ans (jusqu'en 1930) ^. Ce qui constitue pour la compa-
gnie des avantages trÚs appréciables.
Enfin le gouvernement tunisien ayant mis eu adjudication
le 21 décembre 1904 les gisements de phosphates d'Ain HoularÚs
et du dj. Hrata, la Compagnie a exercé à leur sujet le droit de
préférence que lui accordait la convention du 15 août 1896*.
Ces gisements sont situés à une quinzaine de kilomÚtres au
nord de la concession ancienne de la Compagnie, dans la haute
vallée (le Foued Seldja. « Ils contiennent, dit le rapport du
conseil d'administration pour l'exercice 190V, des couches de
phosphate d'une teneur analogue Ă celle du dj. Redeyeff, c'est-
ï\-dßrf* de la qualité 63-68; le gisement d'Aïn HoularÚs en par-
ticulier, plus Ă©tendu et plus facile Ă exploiter que celui du
I Raitpfrfx, Dlc, KM}4, p. 1, 5; \\Kn\ p. 1. L'oiiibranchomont ost do 15 km.
i. nupporfs^ 1901, p. 5.
:^. lifjpfjtjrft, oti*., 1904, AssemblĂ©e oxlraordinaire, passim. Par la mĂȘme con-
voiitiûii Ui Coiiipii^nie s'est engagée à prolonger le chemin de fer jusqu'à To-
téur.
4, liappari au Président de la République, 1904, p. 113-115.
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k
L EXPLOITATION DES PHOSPHATES. 141
Hrata, paraĂźt contenir 18 millions de tonnes environ de ce
phosphate de la qualité supérieure. D'aprÚs les conditions de
radjudication, les produits de ces gisements devront ĂȘtre ex-
portés par le port de Sousse qui en est distant de 310 kilomÚ-
tres environ; sur ce total il reste Ă construire 260 kilomĂštres de
voie qui seront Ă©tablis aux frais de TĂtat dans un dĂ©lai maxi-
mum de cinq ans; Texploitatioii de la ligne sera concédée à la
Compagnie BÎne-Guelma dont le réseau comprend déjà la sec-
tion de Sousse Ă Kairouan. Le prix des transports des phos-
phates sur cette ligne sera de 9',05 par tonne.
« Le cahier des charges impose au concessionnaire d'exporter
annuellement par la nouvelle voie ferrée un tonnage qui sera
au minimum de 50.000 tonnes pour la premiÚre année, puis
devra atteindre 250.000 tonnes Ă partir de la quatriĂšme.
« La réunion entre les mains de la Compagnie des conces-
sions d^AĂŻn HoularĂšs et de Gafsa aura pour elle l'avantage d'Ă©-
viter une concurrence qui aurait pu présenter quelque danger,
caries mines de MoularĂšs et de Redeyeff sont celles qui doivent
fournir le phosphate le plus riche parmi tous les gisements ac*
tuellement connus dans l'Afrique du Nord. Le gisement de
MoularÚs est d'ailleurs jusqu'à présent le seul dans cette ré-
gion qui, comme ceux de la concession de Gafsa, donne un
phosphate Ă faible teneur en carbonate de chaux, et il importait
de réserver à la Compagnie la spécialité de cette nature de
produits qui est particuliÚrement apprécié des fabricants de
superphosphate. La redevance Ă payer Ă l'Ătat, l',52 par tonne,
permet en outre de compter sur une exploitation suffisamment
rĂ©munĂ©ratrice, et les dĂ©penses d'Ă©tablissement se rĂ©duiront Ă
celles nĂ©cessaires pour la mine elle-mĂȘme et pour rembarque-
ment Ă Sousse.
« L'attribution à la compagnie du gisement d'Aïn MoularÚs
doit enfin, à notre avis, avoir un heureux résultat au point de
vue du marché des phosphates ; on pouvait redouter que la
mise en exploitation à brÚve échéance, de plusieurs mines
nouvelles en Tunisie n'entraßnùt une surproduction qui eût
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U2 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
déprimé les cours. L'exploitation de HoularÚs notamment élail
susceptible d'avoir à ce point de vue une influence prépondé-
rante en fournissant à elle seule un tonnage élevé. La situa-
tion se trouve modifiée par le fait que cette mine a été concédée
à notre compagnie qui en possÚde déjà d'autres en pleine pro-
duclion, tout en observant exactement les conditions de son
cahier des charges, nous pourrons éviter de désorganiser le
niarciir par un développement trop rapide ; nous sommes con-
vaincue néanmoins que grùce à l'accroissement constant de la
consommation, nos nouvelles exploitations atteindront au bout
de peu d'années un tonnage important*. »
D'aillours une convention conclue le 20 mars 1906 entre le
gouvernement tunisien et la compagnie de Gafsa donne Ă celle-
ci le droit de raccorder Ă ses frais la ligne de Metlaoui au
Rcdeyeff par l'oued Tabcddid Ă la ligne de Sousse Ă Thenchir
Sountir (embranchement de 20 km.) et d'extraire des gisements
de la concession de Gafsa les tonnages de phosphates que la
convention de 1905 l'obligeait Ă exporter d'AĂŻn MoularĂšs, par
la ligne de rhenclûr Souatir à Sousse : cette nouvelle conven-
tion, en permettant Ă la compagnie de retarder la mise en
exploita Uon de la concession d'AĂŻn MoularĂšs et de concentrer
iur un mĂŽme point ses travaux d'extraction, rend sa position
plus avantageuse encore, tout en réservant au chemin de fer
et au port de Sousse le trafic que leur assurait la concession
(les gisements d'AĂŻn MoularĂšs et du Dj. Mrata -.
1. nnfiftorta, Qic, p. 8-10; lOiKĂ, p. 5, Ăź). La Compagnie compte oxtrain^ do sc's
frisj^nn nts» en UH)S, si elle s(» procure facilement la main-d'Ćuvre nĂ©cessaire,
tlTNj.fKKi tonnes de [)hosphate, dont 200.000 provenant du RcdeyeiĂŻ. â La con-
sommation ne cesse de se développer, non seulement en Europe, mais en Amé-
rique et au Japon.
-^. lloftporlSj etc., lßH)5, {). 28 et 130. Cette convention prévoit que rembran-
cljetuent de l'oued Tabeddid Ă l'hcnchir Souatirpourrait ĂȘtre gratuitement re-
pius )ĂŻar rĂtat Tunisien si celui-ci usait de son droit de rachat de la ligne de
Sfa\ Ă Metlaoui (Ă partir de 1030) ; l'Ătat pourrait de mĂŽme reprendre en VXS,
u ĂźV^pĂź ration de la concession de Gafsa, la partie de la ligne comprise entre
Mclbtoui et l'oued Tabeddid. En revanche la convention porte de *3j.f«J0 Ă
njl HKrancs le chiffre de re:!ette kilométrique à partir duquel la Compagnie
devrii doubler la voie de Sfax Ă Metlaoui.
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L'EXPLOITATION DES PHOSPHATES. 143
Enfin la région comprise entre Gafsa et GabÚs s'ouvre égale-
ment à Tactivité des colons. Il est question notamment d'ex-
ploiter des gisements de phosphates et de manganĂšse dans
cette partie du sud de la Tunisie et le gouvernement de la RĂ©-
gence a inscrit au programme des grands travaux de 1906 un
crédit de 5.000.000 de fr. pour l'établissement à GabÚs d'un
port en eau profonde qu'il n'hésiterait pas à construire en
mĂȘme temps qu'une ligne de chemin de fer, si de nouvelles
exploitations miniĂšres pouvaient ĂȘtre concĂ©dĂ©es dans le pays.
Ainsi la prospérité industrielle de la région de Gafsa se
trouve assurée pour de longues années : l'exploitation de gise-
ments du Seldja, celle, toute prochaine, des gisements du
Redeyeff et d'AĂŻn MoularĂšs, assurent au pays l'exportation
abondante de produits qui ne sont pa^ sujets Ă souffrir des va-
riations climatiques; elles fournissent des salaires qui suffi-
sent Ă la subsistance de toute une main-d'Ćuvre nouvelle et
profitent dans une certaine mesure aux agriculteurs et aux
marchands gafsiens, fournisseurs naturels des populations
campées autour des mines.
Le chemin de fer de Sfax à Metlaoui, bientÎt prolongé jus-
qu'au Redeyeff et Ă Tozeur, traverse le pays gafsien dans toute
sa largeur. Il met la région en communication rapide avec la
mer, procure à ses produits une voie de sortie sûre et peu coû-
teuse et rend facile sa pénétration économique. Dans un an,
la ligne de Sousse Ă Thenchir Souatir et Ă l'Oued TabeddĂźd
ouvrira dans les mĂȘmes conditions le nord-est du pays gai-
sien au commerce, Ă l'industrie et Ă la colonisation et ratta-
chera directement Gafsa Ă Kairouan, la ville sainte, et Ă Tu-
nis la capitale de la RĂ©gence.
Non seulement les antiques cultures des oasis et les trou-
I.De F.UiES,o/?. vil., p. 3D-n.
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144 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
peaux des nomades suffisent Ă rapprovisionnement du mar-
ché local, non seulement Talfa est déjà l'objet d'un trafic im-
portant et les dattes s'exportent chaque jour en plus grande
quantité : mais des exploitations agricoles nouvelles s*établis-
seul dans le [Kiy;^; lics olivettes sont créées; leurs produits,
destinés à Tcxportation, augmentent l'aisance de la popula-
tion iodigÚne et fournissent à des colons entreprenants la ré-
munération de leur travail et de leurs capitaux : ils créent
dans le pays gafsien une source nouvelle de richesse, stable
et de grand et long avenir, en fixant, sur des espaces jadis
incultes, toute une classe de propriétaires ruraux attachés au
sol.
Et, s'il peut ctre permis de prĂ©voir TĂ©poque lointaine oĂč les
gisements de pliospliate seront épuisés, du moins peut-on pré-
voir aussi le jour oĂč, grĂące Ă Tutilisalion rationnelle de l'eau,
les cultures d'oli\'iers, bien appropriés au sol et au climat,
occuperont dans le bled soigneusement aménagé toute la
place laissée libre par les pasteurs nomades et les cultivateurs
des oasis, fournissant au chemin de fer un fret nouveau et
durable, et rétablissant dans le pays gafsien, sous le Protec-
torat FraiHais, Tantique prospérité qu'il a connue sous le
rĂšgne de la paix romaine.
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APPENDICE
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liA POPUIiATlOIV
L'homme parait avoir habité le sud de la Tunisie des la
plus haute antiquité, et Torigine de Gafsa se perd dans la prt*-
histoire.
L'isolement des sources de Gafsa Ă 60 kilomĂštres de tout au-
tre point d'eau important, la topographie du pays voisin, as-
suraient aux premiÚres tribus la subsistance, la sécurité et la
domination sur la région environnante : riionnne devait né-
cessairement se fixer et prospérer en ce gite [nivil6g:ié de la
route naturelle qui traverse la terre d'Afriquo de lu Syrie au
Tell algérien.
En effet les stations paléolithiques et néolithiques sont nom-
breuses autour de Gafsa.
Au « poste n° 1 », mamelon formé de trois coueljes de tra-
vertin et de poudingues grossier et fin, dominant la plaine
formée d'alluvions plus récentes, à l'ouest de Gafsa, la roche
dure de la base renferme quelques instruments chellëens ty-
piques; dans les poudingues superposés les o)*jets taillés par
Ă©clats deviennent de plus en plus communs et remplacent
ceux de forme amygdaloĂŻde : ces produits primitifs remontent
au dĂ©but de l'Ă©poque quaternaire, puisque les terrains oĂč on
les trouve ont Ă©tĂ© reconnus les mĂȘmes que ceux du golfe de
GabÚs*; le travertin supérieur ne renferme pas ce silex, mais
1. CoixioNox, Les tlyesdela pierre en Tutiisiey p. 7. Suj/nt,\t. 10*
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I
148 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
dans les alluvions rĂ©centes de la base oĂč les eaux ruisselantes
ont entraĂźnĂ© tous les types mĂȘlĂ©s, on a trouvĂ© quatorze coups
de poing chelléens, à cÎté d'un grattoir rond, de plusieurs
o1)jets rt de deux pointes anciennes de forme amygdaloĂŻde,
tous relouchés, d'un grattoir ovale, de plusieurs racloirs, de
nombreux éclats perfcclionnés dont sept pointes triangulaires,
deux couteaux et une scie. On se trouve en présence d'une évo-
lution sur place de Tindustrie humaine, passant progressive-
ment des formes de Chelles et de Saint-Acheul aux formes
tnmisléi'iennes*.
De nuMne au poste n*" 3, constituĂ© sensiblement de mĂȘme
que le poste n** 1^ et situé sur la rive gauche de Toued Balacb,
en face des derniers jardins de Gafsa, on a trouvé un silex, une
dizaine de pointes grossiĂšres et d'Ă©clats, un instrument de
12 cm. X 7, à patine jaune orange, tous de travail chelléen,
et six grattoirs discoroïdes, à cÎté d'un grattoir et de pointes
(le UĂšclies modernes, et de deux instruments de forme cu-
rieuse, munis de manches^, peut-ĂȘtre des bĂȘches.
A '2 kilomĂštres au nord de Sidi Mansour, dans les graviers
inférieurs de la berge de Foued Balach que nous avons dé-
crite plus haut^, H. Couillault a observé plusieurs silex taillés
sur les deux faces et affectant la forme de Tamande de Chelles;
dans la couche de graviers moyens, les instruments sont plus
nombreux et d'aspect moustérien, et la diflPérence entre ces
types divers est marquée par une transition insensible : Ton a
recueilli des pointes épaisses et courtes, taillées sur les deux
faces, évidemment moustériennes et qui paraissent dérivées
du type en amande ; des haches moustĂ©riennes grossiĂšres, Ă
grands éclats; les pointes sont taillées sur une seule face, les
tranchants peu retouchés. (( 11 est difficile de séparer les indus-
tries souvent confondues dans une seule couche, d'autant plus
L ĂfiLLKiVOS, op. cit.j p. \) Ă 11.
2. Sitprft^ p. IG.
3, COLLKi>ON, op. cit.. p. 14.
4* Supra, p. 16.
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LA POPULATION. liO
que des types intermédiaires semblent établir entre Tune et
Tautre une transition insensible ' . »
La station la plus importante de Gafsa est située prÚs de Sidi
ĂŻansour et de la route de Kairouan, au pied du dj. Salah, dans
le canton ravinĂ© oĂč les alluvions superficielles ont Ă©tĂ© entraĂź-
nĂ©es par TĂ©rosion et oĂč le loehm quaternaire apparaĂźt Ă nu sous
la forme de buttes isolées. Il est connu sous le nom de poste
n" 2 et comprend une dizaine d*ateliers. La population Ă©tablie
en ce point facile Ă dĂ©fendre, oĂč elle Ă©tait assurĂ©e de ne pas
manquer d'eau, parait avoir été assez dense. M. Collignon y
a recueilli 1.597 piĂšces relativement modernes dont 57^ de
couteaux de 8 Ă 9 centimĂštres de long, et 15,82 % de pointes
triangulaires, et divers instruments dĂ©licats, aux arĂȘtes vives
et tranchantes, à patine grise généralement peu épaisse, et de
petite faille, indiquant des artisans plus habiles, moins préoc-
cupés de pourvoir à des besoins pressants et grossici-s : poin-
tes et racloirs de forme moustérienne fine ; pointes trian,tru laides
solutréennes; lames, grattoirs, poinçons, burins magdalé-
niens; enfin des racloirs concaves destinĂ©s peut-ĂȘtre h racler
des bois de flĂšches, des pointes de flĂšches, des scios Ă talon
de 1 Ă©poque nĂ©olithique; mĂŽme une bĂȘche en uuniaturef
un nombre considérable d'objets pédoncules destinés à t^tre
emmanchĂ©s, â et des objets en os fragmentĂ©s Ă rinfinĂź, â qui
témoignent d'une civilisation déjà avancée*'.
M. Gouillault a observé dans le col bien abrité de rAssnlali
un atelier plus petit, mais analogue, oĂč les types prĂ©citĂ©Ăź^ sont
mélangés, au voisinage de pierres ayant subi Faction du feu
et d'une couche de cendres et de charbons calcines, Ă©paisse
de O^joO à 0°*,60 et située sur un monticule d'argile '*.
Enfin M. Gouillault a exploré à 5 kilomÚtres au nord de
1. Coiii.LAULT, Noie sur les stations préliiitoriques iletiafsn, Atiiftrjfit/r. 181*1*
p. TM.
2. Gouillault, Xote sur tes stations préhistoriques de Oafdiiy p, ttXK Cohuiisoy*
op. cit., p. 18-19.
3. Gouillault, op. cit.*, p. 539.
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I
150 LA GAFSA ANCIEiNNE ET MODERNE.
Gafsa, au confluent de roued BaĂŻach et de Toued SaGoun, un
terrain de plusieurs hectares couvert d'Ă©clats de silex noirs ou
bruns (lofit ĂŻ^ la forme la plus commune est une pointe mince,
nphitic, finement retouchée sur les deux bords, produisant le
type si particulier de la feuille de laurier de Solutrc* ».
Il est bien difficile d'Ă©tablir la succession chronologique des
stations préhistoriques de Gafsa et des environs; les classifica-
tions adoptées en recourant aux époques de l'industrie primi-
tive française, ne peuvent servir de base certaine d'apprécia-
tion ^ puisqu'il n y a pas lieu d'attribuer une origine commune,
des rapports sociaux ni un développement identique aux pre-
miĂšres populations de France et du sud de la Tunisie.
Cependant M. Couillault pense que l'atelier de l'oued Safioun
fut créé k une époque récente par des envahisseurs de race
étrangÚre, tandis que les ateliers de Gafsa auraient été fondés
parles ha In tanls autochtones dont les procédés industriels se
seraient améliorés depuis Tépoque chelléennc, mais sans ar-
rivera la perfection solutréenne ou néolithique^.
Au contraire, Ă©crit M. CoUignon, « de mĂȘme que le chellĂ©en
s'est transforme sur place pour donner naissance aux formes
moustéricnnes, celles-ci à leur tour se sont perfectionnées peu
iV peu e* graduellement; en un mot, il n'y a pas un apport
brusque de procĂ©dĂ©s nouveaux par conquĂȘte ou invasion, mais
évolution naturelle de l'industrie locale^ ». Les habitants pri-
mitifs dont le nombre augmentait et dont les besoins deve-
naient plus complexes et plus raffinés, ont pu fonder des éta-
blissements voisins des premiers et plus considérables, plus
faciles à défendre, plus riches en eau et en terre cultiva-
lile : aiosi pourrait s'expliquer, à notre avis, les différences de
civilisation observées entre les postes anciens (Postes 1 et 3)
et les ateliers modernes de Sidi Mansour et de l'oued Sa-
fioun.
2. /Aid., p. fĂŻlO.
2. CL^uJG^u^, op. t*7., p. 33.
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LA POPULATION. lui
D'ailleurs, des ateliers de taille et des silex travaillés de
toutes les Ă©poques, mĂȘlĂ©s Ă des rognons intacts, ont Ă©tĂ© trou-
vés en grand nombre dans la plupart des ravins du dj. Orbata
jusqu*Ă Lalla, aux environs d'El-Guettar et du Bir Marbot, au
Saad el-Hamra, Ă Keroua, Ă loucd BesbĂšs, Ă Oum Ăli, Zel-
loudja, Hehamla; Ă Bou Amran, El-AyaĂŻcha, El-Hajey, oĂč l'in-
dustrie s'est perpĂ©tuĂ©e jusqu'Ă nos jours (pierres Ă fusil) ; Ă
Ouderef, Ă El-Hamma et jusqu'Ă GabĂšs, au dj. Tebagua, Ă
l'oued Akarit, Ă l'oued Melah; et principalement Ă Gourbata,
au sud de Garsa, et au Djcrid. Hais au nord de Gafsa les ate-
liers sont de moins en moins importants et les piĂšces de moins
en moins nombreuses Ă mesure que Ton s'avance vers Kai-
rouan : on a relevé des ateliers au dj. Bou Hedma, à Sidi
Aich, au Foum el-Maïla, et quelques piÚces isolées dans les
bleds de l'oued El-Hallouf K
Or l'ensemble de ces établissements paléolithiques et néoli-
thiques correspond presque exactement à l'aire de répartition
de celui des types ethniques de la Tunisie que l'on considĂšre
comme le plus ancien : le type djeridien. Cette race, abso-
lument pure Ă Tozeur et Ă Nefta, est encore trĂšs reconnaissable
Ă Gafsa, elle devient de moins en moins dense et de moins en
moins pure vers le nord, et les individus isolés disparaissent
presque en mĂȘme temps que les derniers vestiges de l'industrie
préhistorique. Cette coïncidence permet de considérer les Ber-
bĂšres du type djeridien comme les descendants de la race pri-
mitive qui taillait la pierre dans le sud de la Tunisie, race uni-
que Ă laquelle sont venus se mĂȘler plus tard des envahisseurs
plus civilisés^.
1. Ibid., p. 24 et sq. â M. Collignon explique l'absence d'inslrumonls {\i^
pierre polie par le manque de roches polissoires, et leur inuĂŻiUti; relative
dans un pays oĂč le seul arbre vĂ©ritable est le palmier, oĂč les iruĂźijLrĂšnes n'a-
valent Ă tailler ni grosses charpentes ni bateaux, oĂč les habitations iiermaneĂŻi-
ies devaient ĂȘtre en torchis. Collignon, op. cit., p. 23.
2. Collignon, Ătude sur l'ethnographie gĂ©nĂ©rale de la Tunisie, Huit, gvogr*
com. tr. hist. et se, y 1886, p. 224. â Un groupe ethnique important :ilisolun>ent
semblable Ă celui du Djerid, mais sĂ©parĂ© de lui par des aggloniĂ©raiioiii cĂčĂŻiĂŻ-
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il
132 LA GAFS4 ANClENiNK ET MODERNE.
Ce type berbĂšre du Djerid est de grande taille : la taille
moyenne des Ksouriens de Tozeur est de l'",691, celle des gens
deNeftade 1"',683; Ă GafsaoĂčlesindĂźvidus de cette race forment
une bonne partie delà population, elle atteint encore t",679, dé-
passant de 17''⹠la moyenne des sédentaires de la Tunisie. Ce
type a exercé une influence dans les régions montagneuses
voisines, oĂč il a pu rĂ©sister facilement aux invasions postĂ©-
rieures : la taille moyenne est de l^jCTG Ă El-Oudiane, l'^jĂŽSS
au Nefzaoua, r',691 à Bou Amrane, I^'JIG à Chebika'. « Les
Djeridis, Ă©crit M. Collignon, ont le corps haut, mince, pour ne
pas dire maigre, les épaules larges et carrées des statues égyp-
tiennoĂź*, le thorax alTectant la forme d'un tronc de cĂŽne remar-
quablement Ă©troit au niveau du bassin, les hanches fortes, les
extrémités plutÎt grandes, les avant-bras relativement courts.
La maigreur de celte race peut ĂȘtre attribuĂ©e au climat rĂ©elle-
ment accablant du Djerid et à un vieux fonds d'anémie pa-
lustre ^ »
La couleur est brune, presque mulĂątre, le crĂąne est nette-
ment dolichocéphale à Nefta (72,88), à Tozeur (73,62), à El-
Oudiane (74,23), et Ă Gafsa mĂȘme (7i,45)^. Le front est bas et
fuyant. *< De face, la figure frappe par sa hauteur et son Ă©troi-
lesse, ĂA' front est Ă©troit, les yeux sont noirs et enfoncĂ©s, grands,
bien ouverts, les pommettes sont saillantes, la bouche, graûde,
est garnie de lĂšvres fortes, les dents sont ordinairement laides.
pacloj? de types différents, a été étudié en Kroumirie, par M. le D' Berlliolon
{H. iuH., lw)5) : on doit, somble-t-il, en attribuer l'origine Ă une invasion rĂȘ-
c(>nii^ di^ Djerid iens.
l. CouHKNON, op. cit., j). '2()S. â Les tailles indiquĂ©es sont les moyennes des
nĂŻi^urca prises sur G3 soldats du l' tirailleurs originaires de Tozeur, 10 de Nefta,
;'!> de ^iafsii, 20 d'El-Oudiane, 7 du Nefzaoua, G de Bou Amrane, 3 de Che-
bika.
i. CoLuiiSOX, op. cil.j p. Ijll.
'.i. CoLi.irAON, op. cil., p. 213-'2l5. Les indices céphaliques que nous donnons
sont tes moyennes des mesures prises sur 10 individus Ă Nefta, 60 Ă Tozeur,
33 à El'Oudiane, 3U h Gafsa (soldats du 4' t irai lie ui*s). L'indice céphalique est
le rapport entre le diamÚtre transversal et le diamÚtre antéropostérieur de la
f^ce. Les indices 72, 73, 74 sont ceux des dolichocéphales; 75, 76, 77, 78 ceux
des mégalocéphales ; 70, 80, 81, ceux des brachjcéphales.
\
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LA POPULATION. 153
trÚs sujettes à la carie, les oreilles trÚs grandes et écartées de
la tĂȘte «. »
Le type est trĂšs mĂ©sorhinien Ă Nefta (indice nasal : 79^81), Ă
Chebika (78,25), El-Oudiane (76,83), Ă Tozeur (75,50). Mais
Ă Gafsa, carrefour d'invasions et gĂźte d'Ă©tapes, Tinfluence de
croisements postérieurs a atténué la mésorhinie de la race
primitive, Tindice nasal n'est que 71,71. NĂ©anmoins des indi-
vidus trĂšs purs se rencontrent Ă Gafsa, et mĂȘme dans les oasis
oĂč les croisements ont Ă©tĂ© plus nombreux encore : Ă El-Ksar,
Ă Lalla, Ă El-Guettar^.
GĂ©ographiquement, ces populations correspondent approxi-
mativement aux GĂ©tules des anciens.
Antbropologiquement elles se rapprochent de la race euro-
péenne de Canstadt et de NéanderthaP, et, comme elle, datent
du début de l'époque quaternaire, ainsi que l'indique la posi-
tion des ateliers chelléens dans les terrains quaternaires les
plus inférieurs. Toutefois il est impossible de définir les rap-
ports que ces deux groupements humains si Ă©loigni s ont pu
avoir entre eux.
Hais il existe des affinités qui paraissent irréfutables entre les
Djeridis, les tribus sahariennes et les population!^ claires, peu
métissées de sang nÚgre, du Sénégal, du Soudan et de TAbyS'
sinie : Maures, Peuhls, Abyssins et Somalis^.
D'ailleurs M. Collignon fut frappe d'une grande ressem-
blance entre les Djeridis et certaines statues Ă©gyptiennes,
principalement le prisonnier kouschite du monument d'Ame-
nophis III au Louvre. Il rappelle la parenté biblique étroite
entre les Kouschites (Kusch) et les Libyens (Lehabim), issus de
1. CoLLir.NON, ap, cit., p. 310.
2. CoLLiGNOX, op. cit. y p. 313-31G. L'indice nasal ost le rapport en Ire !a largeur
du nez, prise d'une aile Ă Tautre, et sa hauteur. Les indices au-dessus de 70
sont ceux des leptorhiniens, de 70 à 80 ceux des mésorhiniens, au-dessus de ù(}
des platyrhiniens.
3. MĂ©dina, Flore et faune de V Afrique du Nord Ă PĂ©poque quaternaire; R^
tun., 1894, p. 1649.
4. CoLLiGxoN et Demker, db QuATHEFAfiES, Rabourdin» IIamy. tT, la Dibliogra-
phie.
L4 GAFSA ANCIENNE. tl
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{
134 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
la souche chamitique. Le général Faidherbe, Barth, cités par
lui, TĂźssot, s'accordent Ă reconnaĂźtre des analogies ou une an-
tique parentĂ©, mĂȘme linguistique, entre les BerbĂšres et les
Ăgyptiens : en effet les tribus autochtones du Nil qui semblent
avoir été refoulées en haute Egypte et dans le désert par des
tribus asiatiques, travaillaient le silex, avant leur exode, dans
des atûliera semblables à ceux de Gafsa et témoignant, comme
ceux du Sahara, d'une Ă©volution parallĂšle de civilisation*.
Il peut donc sembler permis de rattacher les Djcridis de
Nefta, de Tozeur, de Gafsa et de Kroumirie Ă la race primitive,
probablement originaire d'Ethiopie, que M. Sergi désigne
tantĂŽt sous le nom de Species Eurafricana, tantĂŽt sous celui de
race méditerranéenne, et qui couvrait A l'époque préhistori-
que, les parties habitables de l'Afrique, du Nil Ă l'Atlantique
et du Niger Ă la MĂ©diterranĂ©e tunisienne, â peut-ĂȘtre mĂȘme
la Sicile, Pantellaria, les lies de la Méditerranée occidentale,
Gibraltar, les Canaries, l'Espagne, la France, la Grande-Bre-
tagne, la Suisse, la Russie méridionale et la GrÚce pélas-
gique%
(Cependant les rapports entre les populations du sud de la
Tunisie et celles du Soudan, â de l'Europe mĂ©ridionale â et
principalement celles de l'Egypte semblent avoir cessé trÚs
tĂŽt; les instruments de bronze, de cuivre et de fer parurent en
1, CrkLi.UtNON, op. cit., p. 314 :
Itfid., p. 200 (Instructions de Faidliorlx* Ă la S. Anthr.);
Ibid., i>. lĂźM) (Barth, I, p. 132-!) ;
Ti^m*Tt tip. cil. y p. 425-6, 392;
Mi?;rKi[0, Ifist. des Anciens peuples de l'Orient, I, p. .V2-53;
TuNKSiT Chantre, Bidl. GĂ©of/t\ com. (r. hist. et se, 1898, p. Ăźl ;
S, Reixach, La Préhistoire en Egypte, Anthr., 1897, p. 327-13;
RiiiOUROiN, Les Ăąges de la pierre au Sahara, Bull. S. Anthr. Paris, 1881,
p. IliWiL
lUwv, VJ{. A. Liscr. et Belles- Lettres, 3 février Mm.
t^ SKHitr» Bwe méditerranéenne, Anthr., \H%, p. 3.V>.
lĂLitTĂŻroLux, Anthrop. de la l^unisie, j). 8.
lu., La race du NĂ©ander thaĂŻ dans VA fnque du Xord, IL Tun., 18ĂK), p. 21-26.
Vay>;siĂš, Les mont^ primitifs de Pantellaria, IL tun., 18ĂM, p. 10,3-16.
ïlKni'st» loc. cit. et passim. Patrom, Les civilisations primitives de la Sicile
or kntak, Anthr., 18117, 12ß»-18. 296-317.
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LA POPULVTION. 155
eiiet d*assez bonne heure en Egypte : « La plupart des armes
en bois et en pierre furent remplacées, longtemps avant l'his-
toire, par des armes en métal, poignards, sabres, haches, qui
gardÚrent la forme des vieux instruments auxquels elles succé-
daient M ; ceux-ci ne furent plus employés que dans les céré-
monies solennelles ^ Au contraire. Ton ne trouve aucune trace
d'industrie métallurgique dans les stations préhistoriques gaf-
sienne3 les plus rĂ©centes : tout commerce avec TĂgypte devait
donc avoir cessé.
Les relations ne durent reprendre que bien plus tard, aprĂšs
la conquĂȘte de la Tunisie par des races Ă©trangĂšres qui y intro-
duisirent des armes et objets de bronze et de fer, et qui ache-
vĂšrent de peupler Gafsa et les oasis voisines'.
La plus importante de ces races envahissantes paraĂźt ĂȘtre la
race d*Ellez, trÚs répandue dans le bassin moyen de la Me-
djerda. Elle est petite (1°,62 à i^jGi), mais bien prise et bien
musclée, nettement dolichocéphale (indice céphalique, 74),
mais à peine mésorhinienne (indice nasal, 70,5). Le crùne est
Ă©troit, les pommettes ne sont pas saillantes, la face n'est pas
osseuse, mais dysharmonique ; le teint est pĂąle, la chevelure
noire ou trĂšs brune, la barbe bien fournie ^.
Cette race nouvelle est probablement d'origine européenne,
et se rapproche du type préhistorique de Sordes, de Cro-Ma-
gnon et de Gibraltar^; elle est voisine du type corse et ita-
lien^. Tissot et M. Duponchel l'assimilent aux IbĂšres dont les
descendants, plus ou moins métissés, se sont perpétués sur
tout le littoral etiropéen; ils appuient leur hypothÚse sur la
toponymie comparée de l'Afrique du Nord et de TEurope mé-
I.Maspero, op. cii., p. 5H et sq.
2. MĂ©dina, passim. â Collk.non, BEiiTiiui.nN, op. cil.
*^. CoLLiONOx, Op. cil., p. 316-317.
1. /^ĂźV/.; Tissot, I, p. (ĂTI.
5. CoLLiGsoN, op. cil., p. 300. Bertholon, op. cil.f p. 18,'^.
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i
fHu U GAFSA ANGIENNIi: KT MODERNE.
ri(lĂč»tiale*. En particulier, Tissot voit une filiation entre le
nom antique de Bir Oum Ali^, Anolianum, et le non espagnol
d'Aloiiao ; entre le Magradi de Tripolitaine et le Hagrada d'Es-
pagne ; entre le Gorrah de la vallée de Medjerda et le Gor
basque^ etc. ^ La Gafsa primitive se trouvait sur la route natu-
relle qui unit ces trois points : point d'eau et point stratégique
dont la possession était nécessaire pour dominer le pays, elle
ne pouvait Ă©chapper Ă Tinvasion.
Pourtant le nombre des représentants de la race d'ElIez est*
trĂšs faible Ă Gafsa.
Mais cette race, en se croisant avec les Djeridis de Gafsa et
des environs, a sans doute donné naissance au type brun do-
Hchocépliale, leplorhinien, de grande taille, à visage allongé
(taille, ^",68; indice céphalique, 7i,76), que M. CoUignon con-
sidérait comme un type absolument à part et qui forme les
deux cinquiÚmes de la population de Gafsa, et est trÚs répandu
dansles bleds du nord, jusqu'au bassin de la Medjerda, et dans
toute TAfrique septentrionale'*. Ainsi pourrait s'expliquer la
légÚre différence de taille et la trÚs grande infériorité de l'in-
dice nasal de la moyenne des gens de Gafsa (1",679 71,71)
comparĂ©s auK Djeridis purs de Tozeur (1",691 75,50; 79,81 Ă
NeftĂą),
Cette supposition est d'autant plus vraisemblable que la
race d'Ellez forme un ilĂŽt compact et pur dans la petite oasis
trĂšs voisine de Lalla (taille, 1âą,632; indice cĂ©phalique, 73,56;
indice nasal, 73,33) ; ce groupe ethnique a pu exercer sur les
1 . M* Dlponcuël retrouve ⹠dans les noms génériques de Gliargher, ghir.
jur, TJsitës sur les vorsanls de l'Atlas, les équivalents bien naturels des (iaixl.
Garonui\ Gei'S, de nos montagnes des Cévennes et des ^yrénées -. La coloni-
sation française dann le nord de l'Afrif/KP^ Bulletin S, Languedocienne Géoyr.j
h»CL*, ]P. 131-132.
*J. U\v Oiini Ali 1 il ĂŻĂŽ kilomĂštres au nord-est de FĂ©rianasur une des pistes
de Tebeiisaf Ă 1211 kilojnĂštres de Gafsa.
3. Tissot, o//. rit., I, p. 424-425.
4, t'oi.u«NO.N, ifp. rll.y p. 306. â - La taille du type est la moyenne des mesu-
res prisi^s sur lHi soldats du 4* tirailleurs originaires du Kef : les indices sont
La moyenne des mesures de 40 soldats de ménie origine.
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LA POPULATION. 13T
habitants primitifs de Gafsa la mĂȘme influence dĂ©cisive que
sur ceux d'El-Ksar (taille, l'°,654) et d'El-Guettar (taille l'»,65i ;
indice céphalique, 75,08; indice nasal, 70,19) ^
Le troisiÚme élément ethnique fondamental qui a concouru
Ă la formation de la population de Gafsa, d'El-Guettar et de
Bon Amrane, est la race brachycéphale leptorhinienne de
petite taille de Gerba (taille moyenne, 1",637; indice cé-
phalique moyen, 79, 9i; des types purs, 86,38; indice nasal
moyen, 69,81 ; des types purs, 62,62). Cette race répandue par
métissage dans la moitié de TAfrique du Nord, sur les cÎtes
tunisiennes, en Kabylie, dans TAurĂšs, au Mzab, a certaine-
ment influé sur la taille et Tindice céphalique des Ksouriens
d'El-Guettar, que nous avons indiqués plus haut, et sur l'in-
dice céphalique des gens de Bon Amrane et des habitants de
Gafsa (75,07 â 74,45) ^ trĂšs sensiblement plus Ă©levĂ©s que
ceux des Ksouriens de Tozeur (Djeridis dolichocéphales) et de
Lalla (race dolichocéphale petite d'Ellez).
Ces trois races, la race djeridienne, la race d'ElIez^ la race
de Gerba, forment le fond de la population de Gafsa et des
environs.
Issues de pays africains ou méditerranéens, elles ont pros-
pĂ©rĂ© Ă Gafsa dont le climat est de mĂȘme nature ou moins rude
1. CoLLiGNOx, op. cit. y p. 318, 208, 213-215. La taille des habitants tĂŻi? Lalla
est la moyenne des mesures prises sur 18 soldats originaires de cette oa^isĂź \t&
indices sont la moyenne des mesures de 8 soldats; la taill^ dta Jiabitjints tĂŻ'El-
Ksarest la moj'enne des mesures de 20 soldats, la taille d'EUCiueltar la moyemie
des mesures de 12 soldats; les indices d'El-Guettar la moyeiuii? dos mestiti's de
60 soldats.
2. Les BerbÚres bi-acliycéphales de Gerba pourraient Úlip d<^s Ligures, Cf.
H. Martin, Bulletin de la Société d'Anthropohf/ie de Paris, mai \^>: ché pai*
Bertholon, p. 42 L
3. Bertholon, Anthropologie de Vile de Gerba, Anthrop^fUt^i^^ IHNJ, p. 3Llli-
100, 406, 407, 411, 415, 419-424. Les mesures moyennes sont rHl<^!Ăź (\f 3rtf)Ăą 333
individus Ă Gerba; les mesures des types purs sont les moyonn<^^ do *;> indivi-
dus choisis. â CoLLiONON, op. ci/., p. 293, 213-215. â Malb<'T, ks VU ouĂŻa c\ la
trépanation de crùne dans TAurÚs, Anthropologie ^ 1897, p. l**l(!, ißO, 11*0, i£>T»
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158 LA GAFSA .ANCIKNNE ET MODERiNE.
que celui de leurs pays d'origine. Elles s'y sont mĂȘlĂ©es pour
donner naissance à des métis nombreux qui les relient entre
elles et dont les plus caractéristiques sont les grands dolicho-
céphales Icptorhiniens de Gafsa et des tribus nomades de la
Tunisie centrale, et les ])rachycéphales d'El-Guettar. Lm-
fluence de conditions géographiques spéciales et d'un climat
intermédiaire les a combinées et façonnées au point que les
Gafsiens sont assez facilement reconnaissables et se distinguent
par leur aspect physique gĂ©nĂ©ral, leui^ mĆurs, leurs costumes,
de leurs voisins les Ksouriens du Djerid, les rudes pasteurs de
FĂ©riana et de Sbiba, et les citadins du Sahel.
L*alliance des familles est si étroite, malgré les origines
différentes encore discernables, le groupe est si compact et
bien acclimatĂ© que les conquĂȘtes postĂ©rieures Font laissĂ© in-
tact : les envahisseurs, trop Ă©trangers au pays, comme les
blonds venus du nord de l'Europe à Tépoque préhistorique et
les Vandales; trop peu nombreux, trop proches parents, et
dominateurs trop Ă©phĂ©mĂšres comme les Ăgyptiens, les Orien-
taux, les Romains, les Turcs, ont été absorbés par les antiques
habitants de Toasis sans laisser de traces bien visibles dans
Tethnographre locale : seuls les premiers, les BerbĂšres blonds,
sans doute à cause de leur nombre plus grand, ont laissé
quelques descendants aux yeux bleus et aux cheveux chĂątains
dans le nid d aigle de Bou Amrane ^ et dans les douars no-
mades, et peut-ĂȘtre contribuĂ© Ă conserver aux gens, de Gafsa
une taille moyenne élevée. Les autres ont disparu, complÚte-
ment assimilés par le vieil élément berbÚre résistant : tout au
plus ont-ils pu momentanément contribuer à la fusion intime
des tioßs races primitives par des unions consécutives avec cha-
cune d'elles et par la diffusion d'une civilisation commune.
Us n'ont laissé de souvenirs appréciables que dans la légende,
rhistoire et Tarchéologie du pays : ils n'ont pas entamé son
indiviilualité ethnique trop solidement construite par son
^ I- U ^ 'le la population de Bou Aniranc, Collioxon, o?>. cil, p. -23^1-2^^5.
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LA POPILATION. ISĂ
individualitĂ© gĂ©ographique mĂȘme, par la coniDiuiiaulĂ© des
intĂ©rĂȘts et par le temps.
Cependant, ces conquérants ont introduit «Uns le pays des
religions et des méthodes de gouvernement nouvelles; ils y
ont implanté des cultures et des procédés agricolcN perfec-
tionnés qui ont pu transformer la terre et modifier la civili-
sation. Il n'est pas sans intĂ©rĂȘt d'indiquer briĂšvement leur
origine, leur nombre et leur caractĂšre avant de prccisi*r
leur rĂŽle politique et Ă©conomique.
Les auteurs modernes, MM. Tissot, Maspero, du Paly de
Clam, MĂ©dina, Bertholon, sont presque d'accord pour admettre
que les premiers conquérants orientaux qui se heurtÚrent au y
BerbĂšres bruns et blonds du sud tunisien furent des tributs
Ă©gyptiennes et chananĂ©ennes. Venues de la vallĂ©e du NĂźl Ă
l'Ă©poque de l'invasion de l'Egypte par les ilycsos (xxiii'^-
xvnr siĂšcles avant J.-C), ces tribus agricoles et pastorales se
seraient Ă©tablies dans les parties les plus fertiles de la Tu-
nisie méridionale et de la ByzacÚne, y apportant leur culte,
leurs mĆurs, leurs instruments industriels et guerriers et le
nom mĂȘme des villes perdues^
Des étrangers ont en effet laissé des souvenirs Ae leur pas-
sage Ă Nefta et peut-ĂȘtre Ă Gafsa mĂȘme.
AprĂšs Tissot, M. du Paty de Clam Ă©tablit un rapprochement
entre le nom de l'oasis de Nefta et la Napata Ă©thiopienne. Il
le compare à celui des Naphtouhim, « fils de Phiah », établis
1. Tissot, op. cit., p. i:U-6. â Maspeko, o/>. cit.. Il, |i* 'J*J\. â Mi:rns a* La
ThasĂȘalocraiie Ă©gyptienne, f{. lun.^ 18ß»5. V^h/e de bi'onte en Llbife H iUim h
basiin occidental de la MĂ©diterranĂ©e j H. Tun.^ IHĂ>7, p. 7(>Wt>. Sur \tn peuple-
ment »yro-hĂ©thĂ©en dans le nord de l'Afrique^ H. Tun., p. lĂź"? j-Ăź*^*, â Di Paty ue
Clam, Faute* chronoloyiques des villes de Sefta et (iafsa. â HnKTiioi.nN, XtAe aitr
les origines et le type des PhĂ©nieiens, H. 7'w«.,l89t, p. 02-78. â L*'S Siivanls ar-
ticles (le ces autoui's sont faits (raprĂŽs des documents iH tU's bypoiliĂšst^^ oĂŻ'Ă-
gina]es,et d'aprÚs les ouvrages célÚbres de Chabas, ManetLon, Movers^ Hnifsth,
Lcnormant, Rossellini, Tomkins.
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160 lA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
dans le delta du Nil oĂč ils fondĂšrent le culte du soleil dont
ils portaient le nom : les Naphtouhim, chassés par l'invasion
des Hycsos, au xxiir siÚcle, auraient émigré vers l'ouest
jusqu'à la belle oasis de Nefta^ connue, « depuis le déluge »,
sous le nom de Keustheul son fondateur, et Tauraient con-
quise. Cette supposition est d'autant plus vraisemblable que
Nefta porta longtemps, avant l'occupation romaine, le nom
de Kethouar que M. du Paty de Clam traduit : la ville de
c< ceux qui sont partis de Ilaouar » ; Haouar ou Avaris est celte
ville cĂ©lĂšbre du delta du Nil oĂč se fortifiĂšrent les Hycsos
aprÚs en avoir chassé les habitants indigÚnes ^ Ces deux noms
d'origine Ă©gyptienne, que porta successivement Nefta, sem-
blent Ă H. du Paty de Clam la preuve ccrtaioe de l'invasion
du sud de la Tunisie par des bandes orientales.
Les traces de la prise de Gafsa par des orientaux sont beau-
coup plus vagues et plus contestables.
En effet, suivant El-Bekri, le rempart de Gafsa renfermait
au XI* siÚcle de notre Úre, une inscription gravée par ordre
de son fondateur, Chemtian, page de Nemrod : « l'enseigne-
ment que cette légende nous laisse, conclut M. du Paty de Clam
dont nous citons textuellement l'ingénieuse théorie, c'est le
souveuir de l'invasion lointaine du pays par une peuplade
venue de l'Orient. Le Djerid avait été envahi par des Tourano-
Kouihites. Or une de ces tribus envahissantes Ă©tait celle des
Kousikas venant de la KapissĂšne, et ayant pour capitale Kapici
ou Kabiouch, qui en tamachek, s'Ă©crit K-P-S (ou K-B-S, ou
K'B-Ch, car S=K = Ch, etB = Pj et se prononce Kapse, soit
1 . La syllabe Phtali fait partie du mot Egypte, Ila-Ka-Phta - demeure de
Plilah -T et d'un grand nombi'e de noms Ă©gyptiens : Minephtah, Siphtah.etc.
Les habitants de Nefta portent le nom de Nephtali. Une tribu belliqueuse du
Djerid cl la tribu des Hanoncha portaient le nom de Haouara; une ville du
Maroc et une ville du Fezzan méridional s'appellent encore Haouar. La lecture
hii^i'Oßrlvphique de Avaris faite par M. de Rougé, et généralement adoptée,
PSI liĂźiouarit. Du Paty de Clam, Fastes chronologiques de la ville de Nefta, p. 5
Ă 0* â CoLLiGNON, op. cit. y p. 315. â Brugsch, o/>, cit., p. 152. â Maspero. op.
eiL, p. 152. â Maspeuo, op. cit., 11, p. 52, note 5; p. 53.
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LA POPULATION. 164
la Kapsa des auteurs anciens. Or si nous remarquons qu'en
berbÚre B = V = Ou, on décomposera l'expression K-P-S en :
Ka, ou AKa, roi ou reine
B, Ou, des fils
S, As, du soleil * ».
Ce qui semblerait établir une suzeraineté des gens de Garsa
sur les Naphtouhim « fils du Soleil », seigneurs de Nerta.
Des rapports constants paraissent s'ĂȘtre Ă©tablis entre TĂ*
gypte et la Tunisie : rapports commerciaux et rapports guer-
riers, luttes de « dynasles contre dynastes » entre les Ăgyp-
tiens Ă©tablis en Occident, au pays de Barkn, au bord des
Syrtes, à Nefta, et les usurpateurs Hycsos de la vallée du Nil *.
Des bandes armées de BerbÚres bruns et blonds, de Tama-
bous, civilisés par les anciens émigranis du delta, arrivaient
jusqu'au Nil, et « des corps de troupes pharaoniques équi-
pées lég'Úrement se glissant le long de la cÎte, ou cheniinßini
par les voies des caravanes, allaient les relancer au fond de
leurs repaires, abattaient leurs palmiers, ramassaient leurs
troupeaux et posaient des garnisons dans les oa^^is princi-
pales 3 ». Vers la fin du xvii* siÚcle, une véritable tliassalcn
cratie égyptienne régna sur la Méditerranée, les Hottes des
ThoutmĂšs III soumirent le littoral libyen qui, sans doute, paya
tribut*.
Les noms de Tlle de Phla (Phlae ou Philae) situén dans
lembouchure du Triton mythique 5; du chott, du bled et des
lies Faraoûn, dans le chott El-Djerid; Fantiquc légende, rap-
portée par Houlah Ahmed, et la, tradition du Ncfzaoua qui
attribuent à une armée de Pharaon la plantation des premiers
1. Du Paty de Clam, Fastes chronolg. de la ville de Gafso, p. 8-1).
2. Medika, Un peuplement syro-héthéen^ etc., R, Tun., ]W^\ p. :i3^ 1-383. IVs
inscriptions des rĂšgnes de 5Icnephtah et de RamsĂšs III en font foi.
3. Maspero, op. cit., II, p. 430.
4. TissoT, op. cit., p. 426-7. â Medixa, op, cit., La NĂ©crofiĂčlt pi'Ă©tttuhtr /thĂ©-
nicienne de Saint-Louis de CarthagCj R. Tun., 1894, p. 379 H'j.
5. TissoT, op. cit., p. 427, n" 3; HĂ©fiodote, clxxviii.
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i
162 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
palmiers Ă©trangers et improductifs de ces lies * ; les noms du
Menaceb Faraoûn, le « camp de Pharaon », dans TAurÚs, de
HenegĂšre et de Menegessem, villes anciennes de la plaine
fertile du Fouçanah, à 140 kilomÚtres au nord de Gafsa-, sont
des traces sérieuses de ces invasions égyptiennes successives.
Il est possible que Gafsa ait Ă©tĂ© visitĂ©e par les Ăgyptiens Ă©ta-
blis tout Ă Tcntour, sur les routes qui convergent vers cette
oasis: mais il est difficile de dire dans quelles circonstances.
Cependant M. du Paty de Clam veut que Gafsa ait été prise
et fortifiée par une armée kouschite au vni* siÚcle avant Jésus-
Christ. D'aprÚs la légende, dit-il, d'aprÚs Salluste, Diodore de
Sicile, Paul Orose, Capsa fut fondée par Melkarth, rilercule
libyen et tyrien, qui l'aurait entourée d'un mur percé de cent
portes, d'oĂč le surnom d'HĂ©catompyles ^. Nous connaissons
une autre « ville aux cent portes » fondée par l'hercule tyrien;
la religieuse Tape, ThĂšbes, d'oĂč partĂźt, pour envahir la Libye,
le Pharaon Tarhaqua (en 742). L'origine fabuleuse commune,
le nom semblable de l'oasis libyque et de la cité égyptienne,
1. TissoT, o/y. (il., p. 110. Lo nom exact des Ăźlos Fai-aoĂčn d*api*Ăšs Tissot (p. 1 11)
est djozira Nkil FamoĂčn âą Ăźles des palmiers de Pharaon â .
âąi. TissoT, op. ciL, p. 427, note 3. « Men âą signifie âą la place, le camp -. Des
rapports analogues ont été cités entre le nom de Nepharis (prÚs de Tunis),
forme hellĂ©nisĂ©e de â NeiĂŻer » - la bonne -, Ă©lĂ©ment de MeneflTer, Memphis; â
entre Tunis (Thinissa) et Thynis en Ilaute-Ăgypte (Tissot, op, cit., p. 427,
note 3); â entre Tunis et Tanis dans le Delta du Nil (Medixa, Un peuplement
ayro'hĂ©lhĂ©en etc., II. Tun., 1899, p. 392); â entre Maktar de Tunisie et Maktar
du Delta etc. Il ne semble plus possible, aprĂšs les ti'avaux de M. MĂ©dina, de
considén'i-, iivtr' Tissot (o/t. cil., p. 427, n° 3), ces analogies comme résultant
crune coiiuiiimaulr < l'origine entre les BerbĂšres et les Ăgyptiens : cette com-
iiiumiiilé d*ori;:iïii' semble beaucoup trop lointaine pour avoir pu pi-oduire
des eHi'is si cnrai^téristiques et les villes que nous signalons ne sont pas situées
dans l*Ăšre ti'ov|>Ăźiiision des premiers BerbĂšres probablement originaires d'Ă-
t^ypto, les hjeridts (cf. su/tni, p. (Kl et 89). Une nécropole que M. Médina dé-
cl^jv '"gypt ßi-nne l't d<'s oh}oU> orientaux et égyptiens (scarabée au cartouche
dv ThoiitmÚs III *"tc.), s<ms doute antérieurs à la fondation de Carthage, ont
été trouvés il Saint-I.ouis de Carthage (Medixa, A^. sur la nécropole etc.,
IL Tuiu. mn. \i, TA)-^,).
:i. Svi.i.LsTi'i .lugui'tha, i.xxxix; Diodore de Sicile. â Paul Orose, V, 15. â
Gi;Ăčiis, loyo'jtf titrftĂ©oloyiqtie dans la rrgence de Ttinix^ I, 281; cite Mannert
qui iilenlßJle llécatompyles et Gafsa,
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LA POPULATION. i63
cette coïncidence de rexpédition en Libye d'un roi thébain,
décident M. duPaty de Clam à considérer le Pharaon Tarhaqua
comme le vainqueur et le seigneur suzerain de Gafsa, et sans
doute de tout le sud tunisien et de l'AurĂšs oriental ^ A TĂ©po-
que carthaginoise, Gafsa s'appelait encore « la murée >» :
Kafaz -.
Peut-ĂȘtre aussi la muraille de Gafsa fut-cllc Ă©levĂ©e par
quelques Phéniciens ou Carthaginois, pirates ou commerçants
adorateurs de Helkarth, car l'Hercule libyen Ă©tait un grand
voyageur et un grand marcheur ^.
Il est bien délicat de se prononcer, puisque nous ne con-
naissons aucun fait historique précis se rap[)ortant à Gufsa,
avant la prise d'Hécatompyles par le général carthaginois
Hannon, en 243, et mĂȘme avant l'expĂ©dition de Marins.
Quoi qu'il en soit des circonstances dans lesquelles GaTsa fuĂ
fortifiĂ©e par des Ă©trangers, les Ăgyptiens d'abord, les Grecs
et les PhĂ©niciens ensuite exercĂšrent une influence â Ă©cono-
mique et politique â sur la civilisation de ses habitants, e(
les préparÚrent sans doute, en les poliçant, k profiter large-
ment des bienfaits de l'occupation romaine. CVĂŻ^t pourquoi
nous avons tant insisté sur leur domination. Nous indiquerons
plus loin l'influence commerciale des Ăgyptiens, des PhĂ©ni-
ciens et des Grecs.
En ce qui concerne leur influence religieuse signalons que
1. Du Pat Y de Clam, Fastes chronologiques de (iafsa, p. 8ii ItK
2. ElysĂ©e Reclus, XI, p. 21 1. â Faut-il Ă©tablir un rapprocher! j(*nl ^'ntri' ciĂź
nom (rUĂ©catompyles et de Kabaz et le nom de Gafsa Ă TĂ©poqne romaine :
Capsa, dont l'homonyme signifie « le coffre, la cassette ^ (lioincc), - la ciiso
pour conserver les fruits âą (Mart.), âą le cercueil âą (Eccl.)? En un niol If^ nom
de Capsa pourrait-il signifier - la close, la ville entourée de murailles -, * Von-
trepĂŽt fortifiĂ© »? Capsa Ă©tait un â oppidum magnum atque Ăźngens », SALLl^T^:,
LXXXIX.
3. TissoT, op. cil.. Il, p. G<>8. Diodore de Sicile^ iv S(\. â Ri-iUMtr», Ijt Ifnlt-
lerranée phénicienne, Ann. de Géoc/., 1891-95, p. 275.
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i
«64 LA r-AFSA ANCIENiNE ET MODERNE.
Ton peut retrouver Finfluence égyptienne perpétuée dans plu-
sieurs nécropoles de Tépoque romaine, particuliÚrement le
mausolée de Nara (Bir El-Hafel, à 70 km. au nord de Garsa)
doïit la chambre funéraire est difficilement accessible S et que
les cultes de Melkarth, l'Hercule tyrien, fondateur légendaire de
(iafĂź^a, de Baal et de Tanit, le couple suprĂȘme des dieux phĂ©-
niciens > furent assez populaires à Gafsa pour prospérer encore
pendant l'empire romain, sous les noßns gréco-latins de Sa-
turne ' et de GĂ©rĂ©s '^ et prĂ©parer peut-ĂȘtre, par l'imprĂ©cision
de leurs dogmes et le symbolisme des attributs divins, l'avĂš-
nement des religions monothéistes d'Orient, le catholicisme
et riskmisme^. Si superficielle en effet que paraisse leur domi-
nation, les Orientaux ont réussi à faire adopter quelques-uns
de leurs procédés, quelques-unes de leurs croyances par les
habitants de Gafsa : ceux-ci comme leurs voisins et leurs
frÚres de la Berbérie orientale, ont toujours été trÚs prompts
A s'assimiler les connaissances qui servaient leurs intĂ©rĂȘts
ou n Ă©taient pas en contradiction absolue avec le vieux fond
de leurs convictions et de leurs habitudes locales.
Ils doivent à cette qualité précieuse la prospérité sans
Ă©gale qu'ils connurent sous le protectorat de Rome.
L TOUT.41S, Les citĂ©s romaines de la Tunisiey p. 241 -âąi43.
SsALAHiN et Cagxat, A/issiofi archéologique en Tunisie^ Arch. Missions se. et
IHL, :.V si-rit-, t. XUl, p. 99.
â L Tiissoi Jiignale au voisinage de Kriz, village de l'oasis d'Ei-Oudiane, une
tOle tra^!L*e au trait sur une roche et surmontée d'un croissant; il est probable
ijue celle représentation divine, mi-anthropomorphique, milunaire, est celle
de Baal Saturne ^Tissot, I, p. 479-180). Sur l'un des ex-voto néo-puniques de
iMaktar si- Ui le nom d'un potier de Gemellae (SidĂŻ AĂŻch, Ă 35 km. au nord de
Capsa), Sextus Hamilcat (Toitais, op. cit., p. 261 ; CH.A. Inscr. et B.-L., 1890,
p. 3.')^ il\ Corpus^ VII, suppl, n* 14314.
3. Corpus, VIII, 112.
1* TuLTUNtO;?. c<7., p. 211-230,261-262. Manceaux, La liUératurc chrétienne
fhm rAfrif/ife du nord, p. 10. MĂ©dina, le Christianisme dans l'Afrique du nord
amni l'hhm, H. tan., lĂź)01, passira. Schulten, U Afrique romaine, R, Tun.,
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LA POPULATION. 165
Toutefois, il ne faudrait pas se méprendre sur le caractÚre
de la colonisation romaine en xVfrique et particuliĂšrement
dans le sud de la Tunisie. A Capsa comme ailleurs, le nombre
des colons romains fut trĂšs restreint et ce sont les BerbĂšres,
plus ou moins civilisés par les Carthaginois et les Orientaux^
qui semblent avoir transformé le pays, sous la direction trÚs
large et les conseils des administrateurs, des officiers, des
ingénieurs et de quelques grands propriétaires romains, avec
le concours sans doute des commerçants et des financiers de
Carthage et de la métropole.
En effet, la plupart des noms propres d'apparence romaine
gravés sur les monuments et les stÚles funéraires de Gafsa et
des environs sont des noms indigĂšnes : ou bien le nomen est
de racine punique ou libyque^, ou bien le cognomen, rare
dans le reste de Tempire, est emprunté à la religion populaire
de Baal Saturne, ou bien il traduit un surnom nettement
punique ou bien il exprime, selon la coutume carthaginoise,
les idées religieuses ou morales de victoire, de bonheur, de
progrĂšs, de priĂšre, de justice 2; â ou bien un individu n'a
pas de prénom, ce qui est absolument contraire aux usages ro-
mains 3 ; â ou bien le surnom est individuel et distingue les
1. TouTAiN, op. cit., p. 173. â Chuhila. Corpus, VIII, S., 11238. Aclia Victoria
Zat-acata, 11*210, et Aurelia Muslula^ 11257, \a.tor\{is Mulhimus, \\'2'it), So.xtiis iht-
iiiileal de Gemellac 14314.
2. TouTAis, ap cit.f p. 183, 181, 186. â Flavius Saiurninus Acmilius, Corptts,
VIII, 138, Antonius Saturninus, Ibld., 1 U, Acmilius Saturninus, Ibid,, 128, I'iuih
ponius SahitfiinuSf Ibid., 11213; VakM'ius Donatus; Ibid., 112rjO. P. Taunimitjs
JusUis, Ibid,, 1 U. â Valgius Secundxis, Ibid., 111. Valgius Datanius pator, lUd.^
111. Vateria 6Vct/nrfâŹi, Vatcrius Januarius, /6«rf., S., lliTjO. Poniponia ^Vci^n^^i,
Ibid.y S., 11258. FĂ©lix, Ibid., S., 11242. Apanius Forlnnotius {}>\mso\Ă©Q du \\U\i\
Ilecheria), Galckler, Rapport épigraph. sur les découvertes faites en Tuid»if\
etc., Bull. Arch. C\ tr. hist, et se. y 1807, p. :{87. â Crescentia^ (-orpus, Vlfl.
S., 11243. Aelia Victoria Zaracaia, Ibid., S., 11210. A'tVo, Ibid., S., 11212 -
Sextus Julius liogatianus, Ibid., S., 11255. â Julius Hugatus (Ă Geinellae).
3. TouTAiN, op. cit., p. 180-188. â Julius Caiulidus, Corpus, VIII, 128. â
Julia Cara, Ibid., 128. â Julia Pegasus, /bid., 128. â Julius Senteanus, IbĂči.^
131. â Julia Quinta, Ibid., S., 11251. â Julius Kogatus, (Ă (iemellae), Caia.^t
et Salidix, Mission arch., M. se. et litt., Xlll, 110-113. â Aelius Gudula, for-
pus, VUI, S., 11238. âAelia Victoria Zaracaia, /6iVf., S., 112tO. âAelius Cisgo,
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Ă
166 LA GAFSA ANCIENNK KT MODKUNE.
individus d'une nriĂšme famille ^ : â sur une liste de quarante
noms déchiffrés dans la région de Gafsa, il n'y a pas, semble-
t-il, plus de quatre noms vraiment romains '-, hormis ceux
des proconsuls et de leurs Tamilles ^; â mĂȘme les deux lĂ©gion-
naires de LambĂšze* originaires de Gapsa paraissent de souche
indigĂšne.
Sans doute les gens de Capsa, au moins les riches, compre-
naient, parlaient, Ă©crivaient mĂȘme le latin, sous Fempire
romain : les inscriptions en font foi. Mais ils devaient appren-
dre Ă TĂ©cole, trĂšs difficilement, cette langue si diflFĂ©rente des
langues sémitiques qu'ils connaissaient naturellement; ils la
parlaient mal, et Tépitaphe du tombeau d'Urbanilla^, rédigée
pour la femme d'un riche exportateur capsitain, est en latin
populaire. Il est bien probable que ce latin grossier, langue
officielle et commerciale, n'avait nullement supplanté les
vieux idiomes libyphéniciens qui devaient subsister dans les
rapports journaliers et dans la vie de famille à cÎté des an-
ciens cultes puniques à peine modifiés sous des noms nou-
veaux.
Aussi le pays semblc-t-il ĂȘtre demeurĂ© presque entiĂšre-
ment berbÚre pendant Toccupation romaine malgré les appa-
rences d'une assimilation complĂšte, comme si les colons
italiens ne s'étaient jamais fixés dans le sud de la Tunisie;
Ca(;nat, Ed'plov. Ă©pit/r.y III, p. G7, n* 1()8. â Aclius Caprasinus, Ibid.^ p. G8,
n" 110. â Monna, Ibid., p. 76, ii» 121. â Juiiius Cn. Filins, Corpiif, VIII, 120.
~ Jiinius Qulntianus, Ihid., S., ll^fiG. â Fabius Fronto, Ibid., KfĂŽ. â Uli>ia
Quintia, Ibid., 143. â Nico, Folix, Ibid.y S., 11212. â Crescontia, Jbid.,
S-, 11213.
1. ToiTviv, Ă»/i. tiL, p. 190. â Vatorius Donatus, Corpus, VIII, S. 11250. â
Vaioritis JVInlliunusi frater, Ibid., â Vatcrius .lanuarius, Ibid., â Vateria Se-
Cuuria, !buL^ L'tc., cf, supra.
2. Tm-ius Veraa, Curator, Corpus, VUI, 100. â M. AureliusPriiuasius, IbĂźd.^
Sâ 11257. âC.Valnriiis Nous, /6Ăźf/., S., 11251. â PoniponiusCillo, Eitplor. Ă©piyr,,
:i. C, lĂźrutus Pmcseiis, Corpus, VIII, 110. â Valoria Marcia IIo.stilia, Ibid. â
Crispina .Morcin Cornclia, Ibid. âP. Valorius Pri..., Ibid., VIII, 98.
1, l*. XaiMiiĂŻs Faustus, Corpus. VIII, 25(»9. â I. Flavius Maxiiiius, Ibid.
5, Corpus, VIU^ 152.
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LA POPILATION. 167
comme si les officiers, les ingénieurs, les commerçaDts et les
financiers romains retournaient mourir dans leur patrie.
Les Vandales et les Byzantins qui succédÚrent aux romains
furent sans doute moins nombreux encore, et la décadence
générale de la latinité dut atteindre Capsa sous leur adminis-
tration qui ne savait plus assurer la paix romaine. Mais Tanar-
chie, les progrĂšs du catholicisme', les luttes religieusies, les
hérésies, en fortifiant l'autonomie du pays capsitain, accentuÚ-
rent encore le caractĂšre nettement berbĂšre des anciens; ado-
rateurs de Melkarth et de Baal-Saturne. TantĂŽt Donatistes-,
tantĂŽt advers^iires des Vandales schismatiques, les Ă©vĂšqucs de
Capsa et du sud-ouest de la Tunisie donnĂšrent rexem[ĂŻlc de la
rébellion contre le pouvoir central-^ : à Tinstigation du clergr
officiel arien, ils furent convoqués à Carthage, en 48^, par le
roi vandale Uuneric, pour rendre comi)te de leur foi et de leur
fidélité suspectes^. Plusieurs moururent martyrs : Lactus, évé-
ques de Nefta, fut brĂ»lĂ© vif avant l'ouverture mĂȘme de celte
conférence de Carthage"^; Vindemialis, évoque de Capsa, fut
torturé et égorgé sous le rÚgne de Thrasamond ''.
MĂȘme les BerbĂšres gafsiens ne se laissĂšrent pas entamer par
les premiers immigrants arabes (viii'-^ siĂšcle); ils conservĂšrent
Tusage de la seule langue commerciale utile Ă leurs intĂ©rĂȘts :
« Les habitants de Kafsa, écrivait au xn" siÚcle le géographe
El-Edrßsi, sont devenus (lisez : sont restés) BerbÚres, et la plu-
1. Au v« siÚcle, toutes les cités et les gros bour^^s du sud-ouest de la TnriisK
Capsa, Nefta, Tuzuros, Nura, TĂ©lepte avaient un «''vĂȘque. Kn 181 c>*s t'»v(^<|ut^s
«'âątalent : Vindemialis Capsensis, LaetusNeptinanus, Flortinus Tuzurik s, Vie-
ter Narensis, Victor Talaptulensis. Dlpitii, Fastes saars de f'Afihfntf thée'
/iVmie, p. 436-8(111).
2. TiKANT et RebateIm Voyage en Tunisie, p. Ăźj:^().
t{. MĂDINA, Le Christianisme dans V Afrique du Nord, IL Tun., passĂźni. lĂźKJl
1. Dltlcii, op. cit., III, p. 436-438.
5. Makcis, Histoire des Vandales, p. AU).
6. De Sai.nte-Mauie, La Tunisie chrétienne, p. 53.
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108 LA GAFSA ANCIENNE E^f MODEKNE.
part d'entre eux parlent la langue latine grecque ». A Gafsa
comme dans le reste de la ByzacĂšne, les Ă©glises durent subsis-
ter en face des premiÚres mosquées jusqu'aprÚs la grande
invasio:i hilalienne. Quand ils furent submergés sous le flot
des nomades et des pillards musulmans, aprĂšs quatre siĂšcles,
quand ils furent séparés de leurs anciens clients de civilisa-
tion lßiUnc ou grecque, les Gafsiens ruinés cédÚrent à la néces-
sité brutal f! : ils se convertirent tous à Tlslamisme. Hais ils
n^abdiquĂšreni pas sans retour leur autonomie politique et ne
se mĂȘlĂšrent pas complĂštement aux nouveaux venus. La rĂ©puta-
tion de mauvais musulmans leur est restée de ces retards et
de CCS fiertés ^
De vieilles coutumes ont subsisté à Gafsa et dans le sud,
telles que la cynopbagie absolument contraire aux prescrip-
tions coraniques et probablement importée par les BerbÚres
gerbiens. Les chiens sont « sacrifiés » (Kebara), saignés et
mangés comme remÚdes contre les fiÚvres paludéennes et la
syphilis et pour engraisser les filles Ă marier 2.
Aujourd'hui, aprĂšs buit siĂšcles, Arabes et BerbĂšres se sont
Ă©troitement mĂȘlĂ©s; il y a -des Arabes dans les Ksours de Gafsa,
il y a (les BerbĂšres de tous les types et de toutes les nuances
dans les tribus du voisinage; la communauté de religion, pour
avoir été lente à s'établir, n'en est pas moins absolue; elle
a mĂ©nie favorisĂ© des unions que le voisinage, les intĂ©rĂȘts com-
muns et le temps devaient produire inévitablement.
Malgré tout, l'élément arabe est encore distinct; nombreux
et bien adapté au climat, il n'a pas disparu comme les pre-
miers Orientaux et les Européens, il a subsisté comme les trois
K TissoT, w/j, cit.f II, p. 672. â El-Edrisi, I, 254. â LĂ©on l'Africain Ă©crit, p.
lĂŻ^ : - IngcĂŻiium illis est rude, illiberale; de cxtcrnis omnibus minime favent;
quam obi^m et ab omnibus Afris mire contemnuntur. âą Cf. infra GĂ©ogr. mili-
^nivi}, p. iW H st].
i. JcsTiN, XIX, ]. â El-Bekui, p. 33(). â Bertholon, Afas, 1896, p. 2t)7, et
^âąxĂźfhrutiott iuUhrfd. de Gerba, p. 562. â Celte coutume est assez vivacc pour
qu'il SI* tiejiii** i\ Tunis chaque vendredi, un marchĂ© aux chiens oĂč s'appro-
viĂŻiiĂŽiun ni U*s t'ons du sud, les Gerbiens et les Tripolitains de passage dans le
nord.
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LA POPULATION. ii\^
types berbĂšres primitifs ; il s'est retrempe, il ne s* est pas fondu
en eux.
Aux environs de Gafsa c'est dans la puissante tril)u drs IJaiii-
marna que le type arabe est le plus reconnaissaljle. C<Mto
tribu, originaire d'Arabie, est Ă©tablie dans le pays depuis l'in-
vasion hilalienne. G est elle sans doute qui acheva de ruiner,
par des exactions et des pillages journaliers, les sédentaires
de Gafsa, riches encore au moment de leur arrivée. Uestcc es-
sentiellement nomade, guerriĂšre et pastorale, elle est encore
divisée en quatre fractions qui portent les noms des descen-
dants de Hamamson fondateur : Oulad Aziz, Oulad Maameur,
Oulad Rhadouan, Oulad Selema. Les parcours des Oulad Se-
lema, dans les hautes plaines du Seldja; des Oulad MaaiiH'ui^
dans le bled Tarfaoui, le bled SeguĂź, le bled Atra; des Oulad
Rhadouan dans la basse plaine de TOum el-Ksob et le dj. Sa-
lah sont tous voisins de Gafsa qu'ils entourent complĂštemeuU
Les Oulad Aziz occupent le bled Hajorah et le bled Maknassy '.
Les Hammama nomades se distinguent facilement des BerbĂš-
res de Gafsa par leurs traits différents mais surtout pour leurs
tatouages-, leurs pratiques religieuses plus Ăąpres, leunostume
1. Notes sur \os tribus do la régonco, R. Tun., lßH)-^, p. '^-'^'^. (ßÎnt-alagi*^ à i^
Hani mania :
Haniain
Ubia X-
Aziz, MĂźuiniar une fille opous^- iMii^Ăź^
Hhadouan, So!iMii:t
Servonnet, h, Tttn., IK.JO, p. 115.
Le décret du II septembre 18iKi a divisé les Hammama en deux caïdats : //r7w-
iiiama Cuebala^ comprenant les oulad Selema, les oulad Selema, les ouLid Mps-
saoud, les oulad KhadouandcrOum Ksob, et les oulad Aziz les plus voisins de
Gafsa; Hammama hahara comprenant les restes des ouad Aziz t'ĂŻ de?; oulad
Rhadouan, les oulad Messaouddans la plaine de l'ouad Fckka, les oulad Aroua
de la Sebkha Mechegußgue et les oulad Ilorcham ; le mÎme décret aeiiV- le raï-
dat du Djebel, réunissant tous los habitants du massif d'el-Ayaïclia, du Thab
et du bled Segui. Aujourd'hui les caĂŻdats de Hammama (iuebala. du [^j'^bel et
de (ßafsa sont fondus en un seul {Indicateur Tunisim, 19(r», p. ."lOli.
;?. Les Hammama appartiennent au type arabe grossier mesoriiinĂźpu assy-
roide. Colluinon, op. cit., p. 3-iO.
Bazin, Le tatouage dam la régence de Tunis, Anlhrop., 181R), p. jTX
L4 GAFSA ANCIENNE. i2
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170 LA GAKSA ANCIENNE ET MODERNE.
plus grossier, Tallurc générale plus rude que créent la vie
et riiabitat différents depuis des siÚcles. Et les individus ber-
hĂšres qui se sont mĂȘlĂ©s Ă eux sous la tente, en mĂȘme temps
que leurs habitudes et leurs mĆurs spĂ©ciales ont pris leur as-
pect particulier. â comme les Arabes citadins ont Ă©tĂ© absor-
bes par la masse des sĂ©dentaires, â et contribuĂ© Ă la forma-
lion des métis de toutes couleurs que Ton rencontre à cÎté des
types purs dans les mĂȘmes tribus, dans les mĂȘmes douars, par-
fois sous les mĂȘmes tentes.
En effet, c'est la différence de vie seule qui crée aujour-
d'hui des différences essentielles entre des hommes également
bien acclimatĂ©s, soumis Ă la mĂȘme discipline religieuse, par-
lant la mĂȘme langue et jouissant, depuis le protectorat fran-
çaise, de la mĂȘme paix bienfaisante : ce n'est plus la variĂ©tĂ©
d'origines trop lointaines. La suite de celte Ă©tude achĂšvera
de le montrer.
Gafsiens et Hammama nous semblent avoir enire eux les
mĂ»mes ressemblances et les mĂȘmes dissemblances que les ma-
raßchers, les commerçants, les artisans, les bourgeois d'un de
nos ^-ms marchés de province et les éleveurs, les bergers, les
villa^'^cois plus rustres de la campagne voisine.
Lu différence est autrement sensible entre eux et les étran-
4^ni\s, Marocains, Kabyles, Tripolitains, Soudanais qui sont en
petit nombre dans l'oasis et agglomĂ©rĂ©s Ă Metlaoui oĂč les em-
ploie la Compagnie des phosphates. En effet, nulle part plus
que sur les chantiers de Metlaoui, on ne voit l'antagonisme
qui existe entre ces races elles-mĂȘmes qui n'ont pas encore eu le
temps de se pénétrer, entre elles et les Européens: leur We s'y
poursuit cÎte à cÎte sans pénétralion réciproque et la distance
qui les sépare n'en apparaßt que plus brutalement. « Ils tra-
vfiilient dans la fumée et dans la nuit, dans cet te nuit que créent
les lourbillons noirĂątres de phosphate, dans la chaleur suffo-
cante, intolérable, de ce climat d'Afrique, sous le soleil ardent
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LA 1»0PULATI0N. 171
qu'ils ne voient pas, tellement l'ombre est Ă©paisse, mais qui
esl là brûlant, terrible, derriÚre le rideau de poussiÚre obs-
cure. Ils travaillent sans savoir pourquoi ni pour qui. Des Euro-
péens leur ont dit un jour de remuer cette terre noire, de la
charger sur des wagons, et ils la remuent, et ils la chargent.
Pendant longtemps ils ont cru qu'on cherchait de Tor, et ils
ont lavé la terre phosphatée pour essayer d'y découvrir quel-
ques parcelles de métal jaune. Ils n'ont rien trouvé et, sans
comprendre, ils ont continué leur labeur héroïquement... Ils
ont gardĂ© leurs habitudes, leurs mĆurs, travaillent ensemble:
mais, le soir venu, ils rentrent chacun dans le petit coin spé-
cial oĂč ils se sont groupĂ©s par nalionalitĂ©s. Sur le flanc de la
montagne, ils se sont élevé des tentes misérables, des gourbis
en planches, des huttes en pailles. C'est lĂ , dans ces cabanes
au ras du sol, ou sous terre, dans des anfractuosités du rocher,
c'est là qu'ils habitent, séparés les uns des autres, les Kabyles
avec les Kabyles, les Arabes avec les Arabes. Ils sont lĂ avec
leur famille, leurs enfants qui jouent au milieu de quelques
maigres plants de maïs semés devant la tente. Plus loin, quel-
ques huttes en paille, des gourbis de forme Ă©trange d'oĂč sor-
tent des sons de musique bizarre, stridente : c'est le coin des
nĂšgres. Ils vivent ainsi entre eux avec leurs mĆurs, leurs re-
ligions , leurs fétiches. Parfois une rixe éclate ; ces minuscu-
les villages se soulĂšvent les uns contre les autres; les couteaux
se tirent, les matraques se dressent et le sang coule, haine de
races, qu'il est bien difficile de calmer K »
Dans le pays<le Gafsa les Marocains, les Tripolitains, les Ka-
byles, les noirs ne sont pas devenus des Gafsiens ils n'ont en-
core pu se fondre ni dans la séculaire famille des sédentaires,
ni dans celle des nomades, ils sont restés des étrangers, des
clans isolés, autant que les Italiens et les Fran(;ais retenus dans
le pays par leurs intĂ©rĂȘls fonciers ou commerciaux.
l. Clarktie, De Syracuse Ă Tripoli, p. 2ĂźC>-:>i)G, m'Ăź-'^n)!.
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172 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Ceux-ci en effet n'ont fait que se superposer au fond trÚs ré-
sistant de souche berbĂšre et arabe. Leur situation fut et est
encore sensiblement la mĂȘme que dans le reste de la Tunisie
et de l'Afrique du nord. Juifs, Italiens, Français peuvent pros-
pérer et se multiplier ; tous n'ont avec les populations que des
rapports commerciaux et politiques.
Sans doute il est probable que cultivateurs gafsiens et pas-
teurs hammama comprendront les avantages de notre collabo-
ration, comme ils ont compris, voilA vingt siĂšcles, les avanta-
ges de la direction romaine, et qu'ils utiliseront peu Ă peu avec
la mÎme souplesse nos procédés agricoles et économiques : et
cela est désirable. Sans doute ils louent déjà leur travail à la
compagnie des phosphates et du chemin de fer de Garsa qui
les engage comme terrassiers et comme manĆuvres; Sfaxiens,
nomades, sédentaires, attirés par les plantations toutes récen-
tes d'olivettes et la vente de l'alfa, viennent assez volontiers
au centre nouvellement créé prÚs de la gare de Maknassy, em-
ploient le chemin de fer et se servent du télégraphe. A Gafsa
et dans les gares de chemin de fer, leur trafic avec les Euro-
péens augmente, l'oasis s'étend.
Ils apprécient les conseils pratiques de culture qui leur
sont donnés par Tinstituteur et comprennent l'avantage qu'ils
peuvent retirer de procédés nouveaux*. La création d'une in-
firmerie analogue Ă celles d'AlgĂ©rie aiderait certainement Ă
loH rapprocher de nous davantage encore -,
Mais l'école française reste peu fréquentée par les indigÚnes
nuiSLiluians^^ : les Gafsiens, comme la majorité des Tunisiens,
apprécient certains avantages matériels de notre civilisation
l. Supra, p. 1>3.
'I. ihLr\,^K otToSTiviNT, Assistance médicale indigÚne, passiin.
:j. fttiiffjfirtii au Président de la liépMique, 11 H>2, p. 310-317; 1903, p. 204-'m>;
„JĂA, jj- {:Ăą\A7)\ ; lĂźXC», p. 4ri(MG7. Lo noinbro dos Ă©lĂšves de l'Ă©cole de (Ăźafsa.
en lt)(K'i, ^"tuit de 105 garçons, dont 9 français, 19 italiens et9 israélites, G7 inu-
Siilinanst i-i 25 filles. Les T élÚves musulmanes indiquées au rapport de 19Q4
ne%nraieBl plus Ă celui de 1903. Le nombre des Ă©lĂšves de l'Ă©cole de Maknassy
Ă©tait de 10 dont 3 musulmans.
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faeuf
"'>A AHO
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PL. X.
XY. â Types de femmes nomades tians un douar 'environs de Garsa).
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LA POPULATION. 173
s'ils peuvent augmenter leurs revenus et leur bien-ĂȘtre; leurs
intĂ©rĂȘts les rapprochent de nous comme leurs ancĂȘtres des
Romains; ils sont attachés au gouvernement du Protectorat
parce qu^ils en connaissent les avantages et demeurent de
loyaux sujets du Bey de Tunis. Mais la pénétration intellec-
tuelle n'accompagne pas la pénétration économique. L'union
ethnique est plus difficile encore : entre les indigĂšnes et nou^
il n'y a plus seulement une diB'Ă©rence de race, il y a antago-
nisme religieux ; malgré notre grande tolérance nous ne pou-
vons rĂȘver d'assimiler la population gafsiennc quand les Ho-
mains, aprÚs des siÚcles de domination antérieure à Tlslam^
n'ont pu la modifier profondément. Cette assimilation serait-
elle mĂȘme dĂ©sirable? 11 est permis d'en douter.
Il est assez difficile d'établir d'une façon précise le chiJfrc
actuel de la population de (iafsaet du pays gafsien et sa pro-
gression depuis vingt ans.
Duveyrier, qui visita le pays, Ă©valuait en 1881 la population
sédentaire de Gafsa à 3.800 ou 5.000 habitants dont 800 Israc-
lites^.
La statistique officielle du secrétariat général la portait en
1889 Ă 7.509 habitants dont ^.M^ contribuables payant la
medjba^ 277 vieillards et infirmes, 2.327 femmes et 2.^^91 en-
fants^; chilire qui parait exagéré à moins qu'il ne comprenne
la population d'El-Guettar, En 1897 Vivien de Saint-Martin ra- *
menait l'agglomération principale à 3.500 habitants, et la
population totale de l'oasis et de ses villages (Lalla, El-Ksai ^ S^
Mansour) Ă 5.000 \
Les chiffres les plus récents et probablement les plus exacts
1. Duveyrier, La Tunisie , p. ĂC>.
2. Statistique officielle du secrĂ©tariat g., I88Ă), p. Wl et 38. Celte popuh^tion
Ă©tait rĂ©partie dans 770 maisons et 15 tentes, Ă Gafsa mĂȘme. La statistique fl*?
1886 accusait 4.7 19 habitants, p. 21).
3. ViviE.N DE S.\int-Martin, op. cit., Suppl.
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174^ LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
sont ceux publiés daus « la Tunisie » de 1900 : 5.000 habitants
Ă Ge^rsa, 150 Ă S' Hansour, 550 Ă Ăl-Ksar, ce qui porte Ă 6.000
ou 6.500 habitants Tagglomération de Gafsa, en y ajoutant le
village de Lalla. La population, depuis une dizaine d années,
depuis Vapparition du chemin de fer, se serait donc accrue
de 1.000 [>u 1.500 habitants, indiquant une progression trĂšs
ap[)roximative de 2,5 % parant
^ U'aprcs la mĂȘme statistique El-Guettar comptait 1.800 Ă uics
en 1900, Bou Amrane 356. La population d'El-AyaĂŻcha, d'El
Hatfey, de Sakket, de Sened, n'est pas exactement connue,
sans doute à cause de la vie mi-nomade, mi-sédentaire de leurs
liabitcinls. Mais la statistique militaire de 1890 fixait Ă 361
le nombre des maisons du DjCbel, et Ă 3.146 habitants il. 259
tionimcB, 1.04.9 femmes, 835 enfants) la population des bleds
ol des montagnes de Test jusqu'Ă la Sebkha en-NouaĂŻl. On peut
compter pour 350 ou 400 les gens de Maknassy qui Ă©taient dĂ©jĂ
243 en 19U2 2.
La population sédentaire et demi-nomade du pays gafsien se-
rait donc de 11.500 ùmes environ, dont 400 Israélites et
200 français; de plus de 12.000 ou 13.000 en tenant compte
de la progression normale de la population.
D'ailleurs la statistique militaire de 1890 fixait Ă 4.045 le
nombre des Oulad Maameur (1.696 hommes, 1.321 femmes,
1.028 enfants) Ă 2.437 celui des Oulad Selema (822 hommes,
635 femmes, 980 enfants) Ă 3,759 celui des Oulad Aziz (1.958
hoinniĂšs, 1 ,239 femmes, 529 enfants) ; celui des Oulad Rha-
douane ou Embarek Ă©tait de 1.835 (709 hommes, 852 femmes,
41V enfaois) auxquels il convient d'ajouter 1.500 Oulad Sidi
Abid de la région d'Aïn MoularÚs ^ Cette population a
augmenté considérablement depuis cette époque. Enfin un
L ha Tunisie, lĂźXH), p. 423-4-25. Chiffres reproduits par 17/ir/iV(i/ei^r tanisien^
i\m, p. llMV-107.
2. Lt} fi'ftlre de Maknassy f Bull. dir. agr. cl rom. 1902, p. 3rK>357.
;L Htippnti tiu Président, 1905, p. 1*25.
4. Sfitihfit^ties mililaires du youvernemenl de GabĂšs, 1890, p. 3U.
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\A POPULATION. 175
élément sédentaire nouveau et sans cesse croissant a rHé établi
en 1896 par la Compagnie du chemin de fer et des phospbĂź;ttes
de Gafsa* qui employait au 31 décembre 1906 : dans les gise-
ments deHetlaoui et du Seldja, 2.500 employés et ouvriei*s dfmt
1.100 indigÚnes ou nÚgres de la région, de Tripoli, du Maroc,
du Soudan; pour les chantiers de la ligne du Kcdeyeir,
380 ouvriers, et, au 31 décembre 1905, sur la ligne du chemin
de fer, 672 agents (278 indigÚnes) dont la moitié était vraisem-
blablement fixée sur le territoire de Gafsa.
M. le médecin principal Halinas évalue, d^apri's les rensei-
gnements fournis par la direction des Finances, la population
du CaĂŻdat de Gafsa en 1905 Ă il. 780 habitantĂź^ ^ et celle du
caldat des Hammama ii &0.265 habitants ^ vivant itlternativc-
ment sur les territoires étudiés par nous, et, plus au nord,
dans le pays de Guemouda. Cette population, trÚsinégiilement
répartie sur un territoire de 12.000 ou 12.500 kilomÚtres, est de
500 habitants au kilomÚtre carré dans l'oasis de Gafsa, de
6 Ă peine dans les parcours nomades, de 7 dans rcnseuiblc du
pays.
1. HapporlSy etc., llKCi,|). 1-6; 11)00, p. 1-5.
2. Ce chiffre accuse une augmentation de 15.(KX) liabitants t'nvĂŻjon Uepuis
1890.
3. Mali.nas et Tostimnt, op. cil.j p. 12-13. â Ces cliiiĂŻres sont confirmĂ©s par
le nombre des indigÚnes soumis à la medjba(l l à 1 5 de \:i popuhitim») ;
1881 1891 1901 1905
CaĂŻdat de Gafsa 3. lĂźfĂą 5.U)3 6.720 HAriW
CaĂŻdat de Ilamniania.. 5.178 O.G'O l>.7()7 (luij?- \hm\
mentation des fractions rattacirtr.'ĂŻ uu caklat).
Rapport au Président , 1005, p. 422-423.
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Ă
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II
HISTOIRE ET GĂOGRAPHIE MILITAIRES ET POLITIQUES
La situation des sources de Gafsa, en travers de la route de
Foued Baïach, au centre d'une région dépourvue de point
d'eau important Ă 60 kilomĂštres Ă la ronde, devait faire de ce
gßte privilégié non seulement un centre de population mais
une place militaire : la clef du Djerid et du sud-ouest de la
Tunisie, la citadelle avancée du nord contre le sud. « C'est en
effet, écrit le général Nßox S le centre naturel de la surveil-
lance du Djerid ^, et le centre de ravitaillement des nomades.
Gafsa est prĂšs d'une coupure de chaĂźne qui ferme au nord le
bassin du cbott ÂŁ1-Djerid et qu'on ne franchit sans trop de
difficultés qu'à Gafsa et le long de la cÎte. De là l'importance
exceptionnelle de Gafsa au point de vue militaire. C'est le nĆud
des routes de Kaironan, de Tebessa par Fcriana, de l'oasis al-
gérienne de Négrine, de Sfax, de GabÚs et des oasis des rives
du chott. »
Aussi la possession de Gafsa fut-elle recherchée, dÚs l'anti-
quité par les maßtres successifs de l'Afrique du nord : les
Egyptiens â nous l'avons vu â paraissent l'avoir prise et
occupĂ©e militairement au vii'^ siĂšcle avant J.-C, peut-ĂȘtre
mĂȘme Ă une Ă©poque trĂšs antĂ©rieure, aprĂšs les trois ou quatre
races barbares qui ont formé la vieille population tunisienne.
1. GĂshRAL 'Siox, GĂ©ographie miiitaireyi. V, p. 181.
2. \^e général Niox donno au mot - Djoricl ⹠le sons étendu qui lui a été
souvent donnd. En réalité, Gafsa est située en dehoi*s du Djerid qui comprend
les oasis situées entre le chott el-Djerid et le chot el-Khai'sa : El-Oudiane,
Tozeur, El-Hamma, N>fla (Supra^ p. ^-39, 43 et passim. Préface, l).
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178 ĂA (;AFSA ANCIKiNNE ET MODERNE.
Sous Tempire carthaginois rimportance politique de Kafaz ou
Kaphsa, « la Close », « la ville aux Cent Portes », était assez
grande pour nécessiter, en 2^3, l'envoi d*une armée corn*
mandée par le général Hammon qui sVmpara de la ville, y
rétablit le prestige de Carthage ébranlé par les premiÚres vic-
toires de Rome, et sans doute y établit une garnison » K
Pendant les cinquante années qui suivirent la destruction de
Carthage, Capsa Tut sous la domination des rois numides. Ju-
gurtha s'était attaché, par une exemption d'impÎts, les habitants
de Toasis, retranchés dans leur désert, et sans doute assez
forts pour résister à ses volontés, s'il avait voulu les soumettre
par la force : ce n'était pas trop payer une base d'opérations
solide contre les Romains, un dépÎt d'approvisionnements et
de trésors, une retraite sûre K
Cependant la premiÚre expédition romaine dans le sud de la
Tunisie ne fut pas dirigée contre Capsa : aprÚs la bataille de
Zama, Jugurtha vaincu s'était enfui & Thala, « grande et opu-
lente citĂ© oĂč Ă©taient presque tous ses trĂ©sors et l'attirail pom-
peux de lenfance de ses fils », comme s'il eût hésité à en-
traĂźner si tĂŽt les vainqueurs contre son dernier refuge, l'oasis
de Capsa.
Les auteurs ne sont pas d'accord sur l'emplacement de Thala.
11 ne semble guÚre possible de la situer au nord du Fouçanah,
sur l'emplacement du village moderne de Thala qui n'est
voisin ni de sources, ni de bois, ni d'oueds répondant à la des-
cription que Salluste donne du fleuve Tana et de la région
environnante ^. De mĂȘme le village de Sened, prĂšs du djebel
Biadah, dans une région absolument dénudée, ne parait pas
correspondre à l'antique cité berbÚre*. Avec plus de vraiscm-
1. Cette expédition précéda de quelques années la révolte des Mercenaires
(âą23Ăź>-237). â Mercier, //w^otr^ de l'Afrique seplenlrionale, t. I, p. Ăąl-'iĂŽ. â Eli-
SKE RErix's, fif'Of/raphie universelle, XI, p. '.^l 1.
2. Salluste, Jugurtha, xix et lxxxln.
',i. Du Paty de Clam, Ălude sur le tiĂšf/e de Thala par MĂ©tellus, II. uĂ©ogr.^ Nov.
1889, p. 310-353. â SalluĂź^e, Jut/., lxxv, lxxvi, lxxxlx.
\. WiNKLER, Thala, R, Tun.j 1896, p. 523-527.
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histoire; MlLlTAlRIi:. i79
blaoce, Pellissier, ChevarrĂźer et Doumet Adanson identifient
Thala et THenchir Guerraouch (Ksar Greouch}, au centre du
bled Tliala, « la plaine des acacias ^ ». Enfin, dans une étude
décisive, M. du Paty de Clam place Thala à THenchir Cherchera,
à rcxtrémité orientale du bled Thala, nu nord-ouest de la
Scbkha en-Nouall, au pied de la chaĂźne du Bon Hedma, Ă la
sortie d'un défilé qui conduit vers les plaines du nord. A six
ou sept lieues ou nord se trouve Toued El-Leben qui contient
de Teau toute TannĂ©e et oĂč MĂ©tellus put remplir un grand
nombre d*outres; dans les montagnes de Touest sont les
villages séculaires et guerriers dont les habitants purent con-
duire des convois de ravitaillement à Tarmée romaine à Té-
lape indiquée, Mech ou Ksar Greouch; enfin le bled Thala
put fournir Ă MĂ©tellus les piquets de la palissade dont il en-
toura, pour en faire le siĂšge, Thala, la forteresse jumelle de
Capsa; et trois sources voisines de THcnchir assurĂšrent sans
doute à ses hommes Teau potable nécessaire'-'.
Jugurtha s'Ă©tait enfui de Thala, la nuit, par un sentier de
la montagne; il avait gagné le pays des Gélules, probable-
ment en passant par Capsa, qui devint un de ses quartiers
généraux; il y pouvait tenir avec succÚs la ligne du désert.
MĂȘme aprĂšs la prise de Cirta et la captivitĂ© de Jugurtha,
les Romains avaient un intĂ©rĂȘt politique Ă©vident Ă se rendre
maßtres de la riche Capsa, « trésor de Jugurtha ^ », clef de
territoires insoumis du sud, et ce n'est pas la seule ambition
d'un général qui peut expliquer l'expédition de Marius :
Salluste lui-mĂȘme le laisse entendre : « Ce peuple lĂ©ger et per-
fide ne pouvait ĂȘtie enchaĂźnĂ© ni par les bienfaits, ni par la
crainte ^. »
Cette expédition fut dure et si caractérislique que le récit
1. Cfjrpusj Vin, p. 28: S., p. 1174, n" 11210. â Arch. Missions liU. et se,
1877, p. :i58.
2. Du Paty df. Clam, Ibid. â Salluste, Ibid.
âąl Strabon, XVII, trad. Tardieu, III, p. 479.
4. Mercier, op. cit., p, 65. Salluste, Jiig.y lxxx, lxxxix, xci.
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Ă
180 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
de Salluste pourrait sembler Ă©crit par un de nos ofGciers
d'Afrique : le climat, l'aspect des lieux, les procédés tac-
tiques, l'organisation des convois et des Ă©tapes, presque rien
n'a cbang'Ă© depuis vingt siĂšcles, et M. du Paty de Clam a
pu reconstituer jour par jour la marche de Harius sur
Capsa^
M. du Paty de Clam écarte l'itinéraire établi par Tissot qui
fait passer Marins, parti des environs de Sicca, par Kasrine
(108 m., 162 km.), Sidi Aich et Capsa (6i m., 96 km.}, en
six Ă©tapes de jour et trois de nuit : Finsuffisance de l'eau
en été, dans le lit naturel de Toued Ed-Derb i assimilé par
Tissot au fleuve Tana de Salluste >, malgré l'existence d'un
barrage construit deux siĂšcles aprĂšs Marius; la longueur
probable de la derniĂšre marche de jour 25 m., 37 km. 5) et
des trois marches de nuit de cet itinéraire ; la fréquentation
par les indigĂšnes de la piste de Capsa Ă l'oued Ed-Derb, seule
bonne route vers le nord; certains détails topographiques
sont des arguments sérieux contre la proposition de Tissot.
Au contraire l'itinéraire relevé par M. du Paty de Clam, de
Thigibba Ă Tucca Terebinthina ilO m., 15 km.), Ă Sufibus
i25 m., 37 km. 5), Ă Sufietula (25 m., 37 km. 5), Ă Nara
(15 m., 22 km. 5^ Ă Madarsuma (25 m., 37 km. 5;, au fleuve
TiiTJa (Bordj de TO. Ei-Lcben : 12 m., 18 km. Ă Fhenchir El-
I'erdji2im., 36 km.) Ă Mzara SidiMoehress (20 m., 30 km. \ aux
( ollines d'El-Ksar, Ă 2 ou 3 milles de Capsa (18 m., 27 km.S
prĂ©sente de grands avantages : pendant cinq jours, jusqu'Ă
M;idnrsuma, le but véritable de son expédition reste inconnu,
« occultum »; l'oued El-Leben, bien connu des anciens soldats
de M^'tellus, fournit largement l'eau nécessaire ; son débit de
100 litres Ă la seconde permet de terminer rapidement la
corvée et de donner aux troupes six grandes heures de repos
avjint la premiĂšre marche de nuit ; les derniĂšres Ă©tapes ne sont
L SALLUSTE, Lxxxix-xcii. â Du Paty i»k Clam, Ălude sur le siĂšyc de Thala
jiitr Mt'lelhis et sur la marche de Marius sur (iafsa, H. GĂ©oyr., 1889, 437-440.
â Tii^^OT, op. cil. y I, p. 81-87; II, p. 669.
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HISTOIRE MILITAIRE. 181
pas trop longues, et rarmée arrive à Timprovisle devanl Capsa,
par la route désertique du bled El-Hamra que les Ksourieus
pouvaient croire impraticable pour une armée romaine.
Il faut lire dans Salluste le récit de ce raid militaire. « Le^
habitants de Capsa, bien défendus contre Tennemi par leurs
remparts, leurs armes et leurs soldats, TĂ©taient mieux encore
par la difficulté des lieux; car excepté les environs de la ville,
tout le reste était désert, inculte, sans eau, infesté de serpents,
dont la nature malfaisante, comme celle de toutes les bĂȘtes
sauvages, s'irrite encore par le manque de nourriture et sur-
tout par la soif. La conquĂȘte de cette place excitait vivement
Tambition de Marins, tant par Timportance que par la diffi-
culté de Fentreprise... Marins était menacé de manquer de
grain. Les Numides aiment mieux laisser leurs terres en pĂą-
turages pour leurs troupeaux, que les ensemencer. Toute la
récolte avait été, par ordre du roi, transportée dans des places
fortifiées; les champs étaient arides et dépouillés de leurs
moissons à cette époque de Tannée, car on touchait à la fin
de Tété. Cependant, Marins prend des mesures aussi sages
qu'il Ă©tait possible dans la circonstance ; la cavalerie auxiliaire
est chargée de conduire tout le bétail qu'on avait pris les jours
précédents. Il ordonne à Manlius, son lieutenant, d'aller avec
des cohortes lĂ©gĂšres Ă Laris ( H' Lorbeus) oĂč Ă©taient en dĂ©pĂŽt
la solde et les munitions, et lui promet de le rejoindre dans
peu de jours pour piller le pays. Ayant tenu secrĂšte son entre-
prise, il se dirige vers le fleuve Tana (oued El-Leben). â Pen-
dant la marche, il faisait tous les jours des distributions de bé-
tail par centuries et par escadrons, ayant soin qu'on fit des
outres avec les peaux. Par ce moyen, il suppléait au manque
de blé, et se ménageait, à Tinsu de tout le monde, une res-
source dont il aurait bientĂŽt besoin. Enfin le sixiĂšme jour,
loisqu'on arriva au fleuve, une grande quantité d'outrés se
trouva préparée. AprÚs avoir légÚrement fortifié le camp
(Cordj de Toued El-Leben, prĂšs de S' Abd el-Kasr , il or-
donne Ă ses soldats de prendre de la nourriture et de se tenii*
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182 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
prĂȘts Ă partir au coucher du soleil. Il leur recommandĂ© de
laisser tous leurs bagages et de se charger d*eau seulement,
eux et leurs bĂȘtes de somme. â A Theure fixĂ©e, il dĂ©campe,
marche toute la nuit et se repose (Ă Thenchir El-Ferdj). Il
fait de mĂȘme le lendemain (Ă lizara Sidi Moehress). Le troi-
siĂšme jour, bien avant le lever du soleil, il arrive dans un lieu
couvert d'éminences et éloigné de deux milles environ de
Gafsa (collines d'El-Ksar, au voisinage de la redoute). 11 s'y
tient cachĂ© le mieux qu'il peut avec ses troupes. â Au point
du jour, les habitants qui ne craignaient aucune hostilité sor-
tent en foule de la ville (dans les jardins). AussitĂŽt Marins or-
donne Ă toute la cavalerie et aux fantassins les plus agiles, de
courir vers Gafsa et de s'emparer des portes : lui-mĂȘme les suit
lentement et en bon ordre, sans permettre aux soldats de
piller (en longeant Foasis d'El-Ksar Ă Gafsa). Les habitants
s'aperçurent bien du danger; mais le désordre, la frayeur ex-
trĂȘme, le malheur imprĂ©vu, la prise de tous ceux qui se trou-
vaient hors des murs, obligĂšrent les habitants Ă se rendre. La
ville fut livrée aux flammes, les jeunes gens passés au fßl de
Tépée, tous les autres vendus et le butin partagé aux sol-
dats ^ » (107 av. J.-C.}.
L'effet moral produit par cette expédition fut considérable :
(t AprÚs la réussite d'un coup si hardi, écrit Salluste, sans avoir
perdu un seul homme. Marins, déjà grand et illustre, grandit
et s'illustra eupore. Des projets trop légÚrement hasardés pas-
SßtieiU pour un effort de génie. Les soldats, traités avec dou-
ceur et enrichis en mĂȘme temps, Ă©levaient au ciel leur gĂ©nĂ©-
ral. Les Numides le regardaient comme un ĂȘtre au-dessus de
riiomme; enfin tous les alliés et les ennemis lui attribuaient
une intelligence divine, ou croyaient que la volonté des dieux
lui inspirait toutes ses actions. Le consul, animé par cet heu-
reuv succÚs, se présente devant d'autres villes. Quelques-unes,
malgré la résistance des Numides, sont prises; un plus grand
L Salluste, ./i/<yâ lxxxix, ci, trad. BelĂŽzo, ĂŽdit. Nisanl.
\
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histoire: militaikë. \m
nomi3re, abandonnées par leurs habitants qu'épouvantait le
désastre de Capsa,sont livrées aux flammes; partout Marius ré-
pandait la désolation et le massacre ^ »
« Le souvenir de cette expédition qui fit considérer Marins
par les Numides comme un ĂȘtre au-dessus de riiumanitĂ©,
s*est conservé jusqu'à nos jours dans la tradition locale. Les
improvisateurs arabes racontent encore la lutte qulskandrr
D*ou 1 Kourneln^ eut Ă soutenir contre le roumi Marous : ^^ W-
kander ayant fermé tous les passages qui conduisaient ßi
Gafsa, sa capitale, Marous, dit la légende, se tailla un chemin
dans le roc enire le dj. Mazouna et le dj. Madjour.), et Ton
voit encore les traces qu'ont laissées les mains gigantesques
de ses soldats sur les parois du défilé de Khanguet Goubrar ^ i»
Marius abandonna Capsa aprĂšs Tavoir mise Ă sac. L'cHet
moral produit sur les habitants de la région avait été suffisnntf
et TĂ©loignement de l'oasis, les difficuKĂ©s des communications
ne permettaient pas rétablissement immédiat d'une garnißion
à Gafsa : la position était « trop en Tair ». Capsa resta nu'^rne
I.Sali.uste, y»7., cil.
2. « Iskander D'oĂč 'l-KourneĂŻn est la pefsonnification do touslos hĂ©ros oni?ii-
teaux aatéislamiquos : tantÎt c'est le conquérant phénicien, comino dans los
traditions de Nofzaoua qui hii attribuent la construction do l'isthmo qui so-
pan» aujourd'hui le choit El-Djerid de la Méditerranée, tantÎt, coniino dans
celle que nous venons de rapporter, cVsl le héros résistant à renvahisst^iirj
Jugurtha luttant contre Marius. âą Tissot, op. n*/., II, p. 670.
3. Tissot, (/y*, cit., II, p. 070. Tissot ne localise pas les djeboLs indiqués piw
cette légende. Or, - le dj. Madjoura, sur la rive gauche de l'oued El-LL*bt^n»
rencontre le Khanguet Goubrar, situe un peu au nord du défilé du dj. Mehori,
I-e dj. Mazouna appartient Ă la chaine sis(Ăź sur la rive droite du mĂȘme fleuve.
Entre les deux chaĂźnes, au point oĂč la route de Sfax Ă Gafsa quitte le versa ni
de Toued El-Lebenpour pénétrer dans le bled El-Hamra entre ITIenchir el-Kenlj
et Mzara Sidi Moehress, entre les dj. Goussah (610") et Madjoura (S/O") d'une
part, et le dj. Biadah (LlSC") de Taulre, s'étend sur une plaine mamelon néi*
de 10 Ă ir> kilomĂštres de large environ, d'une altitude de U>OĂ fjOO mĂštres seu-
lement, qui reprĂ©sente bien la brĂšche faite par l'Ă©pĂ©e de Marius âą. Dr [\u\
DE Ci.AM, op. cit. y p. ll-r/). Cette légende est un argument de jïIus en faveur de
l'itinéraire que Tauteur. propose pour l'expédition de Marius.
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184 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
SOUS Taulorité des rois numides jusqu'à la bataille de Thapsus
(i6) et la création par César d'une province nouvelle, la Nu-
midie, qui fut placée sous l'autorité directe du nouveau pro-
consul, Salluste, et comprit une partie de notre province de
Constantine, le sud de la Tunisie jusqu'Ă Capsa et Tacape
(GabĂšs) et la Tripolitaine K
Quelques années plus tard, les tribus lointaines de l'ouest
et du sud, GĂ©tules du Ilodna et de l'AurĂšs, Garamantes de la
Haute-Tri politaine, plus pauvres et moins policées que les
tribus de la cÎle, se révoltÚrent contre l'autorité romaine:
pendant plus de cinquante ans, de 30 ans avant J.-C. Ă
21 aprĂšs J.-C., des incursions, des razzias continuelles trou-
blÚrent la tranquillité des cultivateurs et des garnisons du
nord, « sub Meridiano lumultuatum magis quam bellatum
est2â.
L'oasis de Capsa se trouvait sur la route qui unissait les
deux centres principaux d'insurrection, elle fut traversée et
rançonnée sans doute par les bandes guerriÚres. Mais il semble
peu probable que les Ksouriens de Capsa, instruits par l'expé-
dition de Marins, se soient exposés à payer une seconde fois de
la ruine de leur oasis une alliance offensive avec les nomades
insaisissables et insolvables.
Cependant, en présence de ces troubles incessants, Rome se
résolut à prendre des mesures de répression sérieuses et plus
efficaces que des expéditions coûteuses et souvent inutiles :
elle (Mitreprit la défense des contins par la création de routes
bien aménagées pour le ravitaillement dos colonnes en eau et
en vivres et praticables eu toutes saisons, par l'Ă©tablissement
de g-arnisons permanentes dans des postes fortifiés élevés aux
1. TissoT, op. cit., II, p. âą2l-*23. â C.K.XAT, L'rtrmeVĂź romaine dWfr'ujue, Introd.,
p. i\-\. Cksak, de liello, Afr. xrvii. â Appien, de Bello civ., IV, m. â Diox
i"\ssu*i, xLviii, xxi-xxiii. â - l*TOLK.MKK, IV, III. â Poiidant cinq ans, de 30
k 'i\ hi province nouvelle fut de nouveau placée sous l'autorité des rois nu-
iiiiiles (Juba II); Dion, lui. xxvii. Sirabon, XVII, m, 25.
2, FuĂźRis, Ăpitome. IV, xii. Tissot, op. cit., I, p. 447; 11, p. '29. CAiiNAT,
Ăčp. CiIhj I, I». 7. BoissĂŻER, L'Afrique voinahie, p. 125-126.
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HISTOIRE MILITAIRK. ĂSr,
points les pins menacés et aux passages les plus importants^.
La voie romaine du Camp d'hiver (Theveste, Tebessa) Ă Tacape
(GabÚs), construite en H aprÚs J.-C. parla légion IIP Auguste,
sous le proconsulat de L. Asprenas, fut le principal travail
entrepris pour la pacification du sud de la Tunisie. Elle Ă©tait
longue de 183 milles romains 2. De Capsa la route se dirigeait
vers Veresuos (El-Guettar ou le Bir Marbot), Thasarte (ruines
voisines des puits de Zellourlja), Silesua (au pied des dj. Hadifa
et Batoum), Aquae (El-Hamma) et Tacape.
Au nord elle passait par Gemellae (Sidi AĂŻch), suivait le
Khanguet el-Ogueff jusqu'à Thélepte (Fériana), et gagnait le
Camp d'hiver en passant probablement [ar la gorge Ă©troite et
fortifiée de THenchir Tamesmida^.
Les postes de Silesua, en travers des défilés de TO. Soukra ou
du seuil de TO. Zitoun; de Thenchir Chenah, de Veresuos,
au défilé de Bir Marbot; de Capsa, de Gemellae, en avant drs
routes naturelles de FO. El-Hallouf et de TOum el-Fekka; de
Thélepte, centre trÚs important de pistes rayonnantes; assu-
raient la sécurité du passage dans les pays du Segui et de
rOum el-Ksob et préservaient des incursions nomades et du
pillage les plateaux et les plaines du nord.
LUenchir Tamesmida qui resta longtemps occupé, en raison
de son importance, comprenait un ensemble de constructions
militaires, postérieures sans doute à Tépoque dont nous par-
lons, mais dont les ruines indiquent l'importance que les
Romains attachĂšrent Ă ce poste d'arrĂȘt rune enceinte carrĂ©e
de 90", 30 X SS^jTO, en pierres de taille, munie d'une tour de
1. TissoT, op. cit., II, p. 30. â Cagnat, op. cit., p. n)6-4Ăź>8.
2. Corpwf, VIII, w* 10018, 10020, 10021, 10022, 10023, 10025. â J. Toc-
TAix, Les nouvemur milliairet de la roule de Capm Ă Tacape, p. oS-riĂźl t*l
patiiiim.
3. Le*i milliairos de la voie (T' siÚcle) étaient numérotés à partir du (\uNp
d'hiver (ex castris hibernis). Au contraire les milliaires de l'Ă©poque oĂč Va voif»
fut réparée (ni* el iv* siÚcle) étaient numérotés à partir de Tacape ( aTacapa^).
Ce sont ces derniers qui ont servi à rétablissement de la table de Peiitin^i^r Pt
de l'itinéraire d'Antonin et aux travaux de Tissot. TrssoT, op. cit., II, ji, a"hß
et 6<)2. ToLTAix, Les nouveau^' milliaires, p. 56-60 aipassitn.
LV <;af$a ancie?inb. 13
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186 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
vigie, d'une écurie, d'un pressoir, un réservoir d'une capacité
de 10.000 mÚtres cubes, protégé par un fortin et une tour et
situé à 700 pas au sud, pouvaient y assurer l'abri et la sub-
sistance d'une assez forte garnison ^
Enfin à 15 ou 18 milles à Touest de Thélepte, les Romains
avaient Ă©tabli le camp d'Anolianum (Bir Oum Ali, 990 m.
d'altitude), qui couvrait la voie de Theveste Ă Tacape et com-
mandait les nombreux thalwegs encaissés dont la réunion
forme, plus au sud, To. FĂ©riana et l'o. Oum el-Ksob. La notice
descriptive de la Tunisie, région sud, publiée par le Minis-
tĂšre de la guerre, indique mĂȘme au dĂ©filĂ© de To. Safsaf un
fort « espagnol », qui pourrait bien ĂȘtre un travail byzantin ou
bas-romain, postérieur à une construction militaire avancée
du début de Toccupation romaine 2.
Cependant le premier systÚme de défense laissait la grande
plaine de l'Oum el-Ksob ouverte aux incursions du sud-ouest
et les nomades pouvaient facilement tourner Capsa et se glisser
vers le nord, entre Thélepte et Gemellae, sans que leur ap-
proche ait été signalée à temps; pour remédier à cet incon-
vénient, les Romains créÚrent de bonne heure le poste de
Praesidium Diolele ^itué vraisemLlablement au-dessus de la
haute vallée de To. El-Orchen, largement ouverte vers le sud,
Ă la cote 787 oĂč s'Ă©lĂšvent plusieurs tours ruinĂ©es*^. Il est mĂȘme
probable que la « ville ruinée » de l'Oum el-Ksob, au nord
dos défiUs tlu dj. Jellabia et du Seldja, s'est formée autour
d'un poste construit Ă cette Ă©poque, sur les voies nouvelles
dfi Capsa Ă Anolianum, par Cerva (Oglat Rh^nezelta) ou Bir
Sbekia (LX milles) *.
J* Cac>at, op^ cit., p. 57G-577.
^L CAiiĂźf.^T, op, cii., j). 574, 578, n" 'i. â I.e camp d'AnoIianuiii icbta occupĂ©
pcntidiit lu p<f'rlode la plus florijhante de IVnjpire. Notice deui^plhe de la
Tunisie^ p. 137.
3. CaĂŻ-naTh *tp. cil.j p. 578-579. Cet emplacement nous paraĂźt meilleur au point
di* vm^ milßußrc que celui trop avancé de Bir Oued el-Orchon, donné par
Tiç^ot au voiMnage du mausolée d'Urbanilla {op. cit., II, p. 680, n" 1).
K TissoT, ttp. tlt.f 11, p. GSO, n" 1. â Tonwy^Aolesur les voies romaines, etc.,
p. 15, â KiJSuH, op. vil., XIX.
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HISTOIRE MIIJTAIKE. 187
Ces derniĂšres constructions n'Ă©taient probablement pas fer-
niinées quand éclata, en 17 aprÚs Jésus-Christ, la révolte de
Taefarinas, rinsurrection gétule la plus grave de toutes. Tac-
farinas réussit à soulever contre Rome, du Hodna jusqu'iiu
territoire desCinithii, voisins des Syrtes, tous les nomades du
sud chassés par Toccupation romaine de leurs pùturages des
Hauts Plateaux oĂč ils transhumaient pendant TĂ©tĂ© *. La pour-
suite de ses bandes insaisissables qui se dérobaient et se ré-
fugiaient à la premiÚre attaque sérieuse dans les vallées ßni-
pénctrables de TAurÚs et les oasis plus lointaines du désert,
obligea Rome à sept campagnes coûteuses (17 à 24>, et, pour
combattre plus efficacement Tennemi, le proconsul Blaesus,
instruit par Texpérience de ses prédécesseurs, partagea son
armée eu plusieurs corps et colonnes volantes, composées de
cavalerie et d'infanterie; la légicn IX Hispania, mieux pré-
parée par son origine que la plupart des légions impériales
au climat et aux nécessités de la guerre d'Afrique, fut cnvojéc
en Numidie^, et du mĂȘme moment date Scins doute rĂ©<abli.S'
sĂšment Ă Anolianum de la cohorte P Chalcidenorum equĂź-
tata \
A deux reprises, le théùtre piincipal de la guerre se trouva
dans le sud de la Tunisie; aprĂšs la prise du fortiu de Pagida,
prÚs de LambÚse, en 18, les Gétules de Tacfarinas, espérant se
rendre maĂźtres aussi facilement de tous les postes de la fron-
tiÚre, vinrent mettre le siÚge devant la place de Thala, située
soit sur remplacement du village actuel de Thala, prĂšs de
Haïdra, et occupée dans la premiÚre moitié du i" siÚcle, *soit
plutĂŽt sur celui de Tancienne place forte de Jugurtha, Ă l'ex-
trémité orientale du bled Thala*, à une vingtaine de milles
1. I,cs Cinithii sont nommés par : Tacite, II, lu; Pline, V, iv, lßO; PTOit^iûj
IV, ni, 2, 27. Cagnat, op. cit., p. 15-16. Tacite, Ann., 111, 73.
i. Mekcier, op. cit., p. U2-93. â Tissot, op. cit., p. 153, n" 3. â Cagnat, tjp riĂź.^
p. 7-21. â BoissiER, op. cit., p. 124-125. â Toutain, Le» citĂ©s romaines de ia 7'«-
nisi^, p. 17.
3. Cagnat, op. cit., p. 571.
i. Corpus, VIU, p. m, n"* 5(^2, 503, 5(M. CACiNAT, p. 13, 11. â Sf^pm,
p. 92-Ăźrj.
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188 LA GAFSA ANCIKNNE ET MODERNE.
en arriĂšre de la ligne avancĂ©e de la voie romaine de Capsa Ă
Tacape, dont les travaux de dĂ©fense n'Ă©taient peut-ĂȘtre pas
encore achevés. Un détachement de 500 vétérans choisis
les força Ă lever le siĂšge, aprĂšs un combat oĂč se distingua le
soldat Ilelvius Rufus, qui reçut du proconsul Apronius et de
l'empereur TibÚre, en récompense de son courage, un collier,
une lance d'honneur et une couronne civique*. Enfin Tacfa-
rinas, encombré de bulin, fut une seconde fois battu dans le
sud delĂ Tunisie par une colonne volante que commandait le
fils du proconsul Apronius Caesanius^.
Ces troubles prolongés n'atteignirent pas directement Capsa
protégée sans doute par une forte garnison, et éloignée de
toute alliance de guerre avec les nomades par la crainte et
l'intĂ©rĂȘt de ses habitants, cultivateurs sĂ©dentaires. Hais les
mouvements continuels de troupes sur la voie romaine, les
convois d'approvisionnement des colonnes qui opéraient
dans le voisinage, peut-ĂȘtre le ravitaillement secret des ban-
des révoltées de passage dans le bled Segui et le bled
Tarfaoui, durent augmenter l'animation et le commerce de
l'oasis.
L'organisation militaire inaugurée à Capsa et dans le sud de
la Tunisie sous le proconsulat de L. Asprenas, semble avoir
subsisté jusqu'au début du \f siÚcle sans subir de grands chan-
gements. Sous le rĂšgne de ('aligula (37 Ă il), la plus grande
partie de la Numidie et de laTripolitaiue passÚrent sousl'autorité
d'un légat de l'empereur, chef et administrateur militaire dont
les fonctions devaient ĂȘtre assez voisines de celles de nos gĂ©nĂ©-
raux commandant les territoires militaires. Le proconsul de la
Province d'Afrique continua cependant Ă administrer direc-
tement une partie du sud de la Tunisie, et peut-ĂȘtre, dĂšs cette
époque, l'oasis de Capsa qui avait donné assez de gages de
fidélité pour rester en territoire civil ''^.
L Tactte, II, lu; III, xxi. â Cagnat, op. cU.^ p. 12-13.
^. rAii^AT, op. ri7., p. IIM 1. Tacite, IV, xxiii.
3. TiBsoT, op. cit., II, p. 31. â Cagnat, op. cit., p. 112. â Bwssier, op. ci/..
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HISTOIRE MILITAIRE. i89
Cependant, à la suite d'expéditions contre les Nasamons et
les Garamantes, les Romains se décidÚrent à porter au delà de
TAurÚs et des chotts tunisiens leur ligne avancéede protection :
les progrÚs de leur domination à l'intérieur de la Province, la
sécurité et la prospérité de leurs établissements, permettaient
d'éloigner leurs troupes et les invitaient à rejeter définitivement
au désert les derniÚres tribus révoltées. Nerva (96-98 1» Trajan
98 Ă il7) entreprirent la construction d'une voie nouvelle dans
le sud de la Tunisie, de Thevcste Ă Ad Majores et Tarapp par
le Djerid Cette voie portait au sud du grand chott la frontiĂšre
de la Numidie et de la Province' ; reliée à Anolianum etTliélepte
par la vallée de Toued El-Orchen, le poste nouveau df* Ad
Praetorium (Bir 0. El-Orchen, ou les ruines de l'O. Krid, k la
frontiÚre algérienne) et celui de Cerva (probablement les
ruines voisines del'Oglat Rhenezetta), elle entrait Ă Ad Turres
Tamerza) dans la région de surveillance naturelle de Capsa^
En quittant Ad Turres, la voie romaine passait à Spéculum,
ThigĂšs, Thisurus (Tozeur), Aggars en-Nepte (Nefta) et gagnait
le Ncfzaoua et Tacape par les rives méridionales du chott El-
Djerid.
Tissot identifie Spéculum à Kosseir ech-Chems, à 18 minutes
an delĂ du village de Chebika, et ThigĂšs h Thagious dans Toasis
d*El-Oudiane. La voie romaine aurait traversé entre cey deux
points la plaine de l'oued Allenda et la partie orientale du
chott Rharsa, suivant à peu prÚs le tracé de la piste d'hiver et
de la piste d'été actuelles. Or, aucune de ces deux routes nVst
p. Ă)2-ĂK). â Corpus^ Vin, n*' 81, ĂW, 110. Sous Hadrion, Gafsa d«»peiulĂźiit fin |>ro-
consul de Carthage.
1. TissoT, op. cit.^ II, p. 30. â GagnĂąt, op. cit., p. 31-39. â Corpu.^, VIU, n"
âą2178. â E. Blanc, Position d^ Vancienne vUIp de Thif/ĂšSy R. Soc. GĂ©itf/r. I*ar'i*^
1897, II, p. 221. Los pistes de (iafsa vers le pays do Guemouda, Aquao Rp^Ăźao
ot Carthage, et versThenae (Sfax), furent sans doute ani(^nagéos avant eott<> t'f to-
que. Ce sont des voies naturelles do communication employées à touies W%
Ă©poques et passant au voisinage d'un grand nombre do points d'oau et de ruines
romaines et arabes.
2. S. Reinach, Atlofi de la province Romaine d'Afrique, XIX, XX, XXĂŻI. Carte
d'Ătat-Major au 1 ^OO.OOO, Gafsa, FĂŽriana.
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i90 LA G.VFSA ANCIENNE ET MODERNE.
praticable, mĂȘme daus la bonne saison, pour les caravanes
lourdes et les convois et ne répond aux besoins d'une voie
militaire *.
D'ailleurs la découverte dans le bled Tarfaoui de ruines ro-
maines nombreuses, particuliĂšrement au voisinage du puits de
Goarhata et du Bordj Gouifla, et de deux inscriptions de TĂ©po-
que de Nerva qui mentionnent Tune la cité et l'autre le « cas-
tel lus » de ThigÚs, obligent à placer en dehors du Djerid, dans
la vallée de TO. Melali, la cité romaine de la table de Peutinger
duiit remplacement correspDud sans djute au puits de Gour-
bata : c'est le pjint le plus resserré, le plus facile à défendre du
bled Tarfaoji et de la route du Djerid, le plus facile Ă secourir
de GaFsa. « lien résulte, écrit M. Toutain, que la voie romaine en
quiUaat la station de Ad Turres se dirigeait non pas vers Tesl-
sud-est, mais droit Ă Test, et que, pour gagner ThigĂšs, elle sui-
vait le pied méridional de la ligne de hauteur qui deTamegbzi
&Gaf^a domine au noi*dle chottRharsa. A ThigÚs la route s'inflé-
chissait vers le sud-ouest pour atteindre Thusuros puis Neplc. »
Clirrchant ensuite à localiser exactement le poste de Spéculum,
M /ioutain cjnstite qull suffit, pour faire correspondre les
chitTres d) la table de Peutiuger avec la distance réelle de Ad
Turres (Tameghza) Ă ThigĂšs (Gourbata), d'augmenter de X
milles romains soit la distance de Ad Turres à Spéculum (XVIII
ou XXVill milles), soit celle de Spéculum à ThigÚs (XXV ou XV
milles); dans le premier cas, il faudrait placer SpĂ©culum Ă
lextrémité méridionale de la gorge du Seldja, probablement
aux ruines de Metlaoni : ce dernier emplacement nous parait
p/ctĂŽrable, en raison de sa valeur militaire mĂȘme, puisqu'il
camniande les deux meilleures, pour ne pas dire les deux seules
pistes qui traversent du sud au nord la chaĂźne du Seldja et per-
mettent de tourner, par l'ouest, Gourbata et Gafsa (vallées de
10. Seldja et de TO. Metlaoui)2.
L Tis^soT, op. cit.j H, p. 3)-31, 6S2. Caßnat, op. cit , p. 38-39, 5!*»^. E. Blanc,
FuKtHtiH de ^ancienne ville de ThigĂšSy Hall. S. GĂ©oi/r. Paris^ 181>7, II, p. tli.
if. TiHTAiN, \(jle H ir les voies romaiti.'s^ etc., p. 7-8. â T. Hlanc, op cil., p.
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HISTOIRE MILITAIRE. lOi
Cet ensemble d'ouvrages militaires se trouvait renforcé en
arriĂšre par le poste de THenchir Oued el-Karma (ou H.
Kerma), sur le bord de la Garaat ed-Douza, et M. GagnĂąt croit
avoir reconnu au Fedj Souatir, Ă une quinzaine de milles au
nord, les traces d'une voie romaine* qui aurait relié Capsa
à Ras el-Aïoun et à la ville ruinée de TOum cl-Ksob, et per-
mis de renforcer la garnison du Seldja rapidement et par des
chemins sûrs.
L'Ă©poque oĂč fut achevĂ©e la voie de ThigĂšs Ă Tacape par le
Djerid n'est pas connue; nous savons seulement que la sec-
lion de cette route comprise entre Capsa et Tusuros fut ré-
parée sous le rÚgne de Dioclétien, en 3022. D'ailleurs M. Privé
a étudié toute une ligne de postes situés au nord du chott
Djerid, à la sortie de tous les défilés de la chaßne du Cherb,
à rentrée des triks qui traversent le chott et pouvaient livrer
passage aux nomades du Nefzaoua : enceintes de Ksir Zitouua,
au carrefour de pistes importantes vers Capsa, EUGuettar,
Zelloudja (Thasarte), le Nefzaoua, le Djerid; fortins de Tllen-
chir Rekeb, de THenchir Taferma, de Ksar el-Asker, des Oglet
Sidi Ahmed, de Ksar el-Ahmeur, ruines de Biar BelouftĂźii et
de rOued BesbĂšs, muraille de Bir Oum Ali^. Une in^^ciiption
de répojue de Trajan (97j trouvée à Ksar el-Asker- indique
que ces postes, reliés par une voie militaire, furent consti uits
en mĂȘme temps que la voie de Ad Turres Ă ThigĂšs. Aussi
221-227. â L'inscription mentionnant la Civitas Thigensium a Ă©tĂ© trouvĂ©e pr^s
(le Gourbati, celle qui mentionne le Castelius Thigensium prĂ©s de (ioui(hi(IlĂ-
KON DE ViLLEFOssE, Ac I. et B.-L.f 1837, p. 2Ăź)3). Il est probable d'aillinirs que li*s
ruines des AĂŻoun Arameur et l'Henchir Mzira ne sont pas les restes clMtabUs-
sements agricoles mais de bordjs isolés.
1. CaijNat, Exploration arch. et Ă©pig. en Tunisie^ III, p. 72. âą Au ĂŻ-'eclj es-
Souatir, nous avons cru remarquer dos traces de voie romaine ; nous n'ose-
rions cependant affirmer le fait. âą Id., Ibid., p. 73.
2. Corpus, VIII, 10!J23, 1003!), 10331. â Galcklkr, Rapport Ă©piyr. iM\, flutL
arch, c. Ir, hist, et se, 1897, p. 388-389.
3. Privé, /Voies arch, sur le Chcrb., Bull. arch. c. tr. hist. et se, 189^, p* 7ß*-
131.
1. TouTAis, Note sur un3 inscription trouvée (tans le Dj. Asker, ißtttf. fttrh,
c. tr. hist. et se, 19)3, p. 202-207, part. p. 'M\; 19 JC, p. 216-217.
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J
192 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
serions-nous trÚs disposé à voir dans cette route, ou plutÎt
dans cette piste fortifiée du Cherb, la voie primitive de ThigÚs
à Tacape qui aurait quitté la voie de Capsa à Tusuros par ThigÚs
aux ruines du bordj Gouifla oĂč s'Ă©levait un poste fortifiĂ© de
liaison dont nous avons parlé plus haut : le Casiellus Thi-
gensium. Une voie semblable reliait Capsa au Ksar el-Asker
en coupant le bled El-Atra et le haut bled Segui et gagnait
le Nefzaoua (Turris Tamalleni en traversant le chott par le
tiik de Seftimi, encore employé par les caravanes et les co-
lonnes militaires ^ La voie de Tacape par le Djerid et le sud
du chott n'aurait été aménagée, au delà de Tusuros et du
Castra Ncptinana, qu'aprĂšs l'occupation du Nefzaoua, et aurait
marqué la troisiÚme, non la seconde étape de la marche
prudente et progressive des Romains vers le sud.
Il est assez difficile de savoir comment furent construites
les voies romaines qui n'ont guÚre laissé de traces visibles.
Cependant les inscriptions de trois bornes militaires du bled
Seßßui ßiidiquc^nt que sous le rÚgne des empereurs Maximin et
Ma\iniej en 237, les ponts de la grande voie de Tacape Ă
Thevesto furent reconstruits et que la roule fut remise en
Ă©lat : V Pontes vetustate conlapsos et iler longa incuria per-
dĂźtiun n*stiluorunt et pro sua infatigabile providentia pervium
commeatibus redderunt. » Ce texte nous semble indiquer
rexisfcnce non seulement de travaux d'art indispensables,
ponts, citernes, puits, mais aussi, au moins Ă certains passages
difficiles, de remblais et chargements, analogues Ă ceux des
voies (lu nord de la Province^. Toutefois, il est bien probable
1, Jli,es Ton mn\ XouvHIps découveries fur la voie de Capsa ù Tui^Hs Ta-
maflrtii, lUtU, mch. corn. h\ hiM. et se, 1900, p. 212-250.
2. Cttrftffs, VUr, n°* 10C»21, l</>25. â M. le capitaine Donaii lit ces inscri|v
lions: â J'ontes ^i'tustate dilabsos et iter lon^^a incuvĂŻn praeruptum... âą Toltain,
Lti nfjn\YiiiiJ- tnilUaires^ p. 20, 2^, ĂIG, 5f). Caox at, La Tunisie Ă VĂ©po(fue ntmaine,
dims La Tunuiv au XX'^ si,^cle, p. 2^)9.
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HISTOIRE MILITAIRE. i!)3
que les voies du sud, particuliĂšrement celles du Cherb et de
Tacape par le Djerid et les voies secondaires, restĂšrent Ă TĂ©tat
de pistes sur la plus grande partie de leur parcours.
Le caractĂšre des travaux militaires de cette Ă©poque est au
contraire assez facile à déterminer. Les archéologues ont, en
eflet, découvert et examiné de nombreux postes ruinés des
différentes lignes d'occupation successive : à Ksour el-Kraïb,
prÚs de (iafsa, deux forlins carrés de 40 mÚtres de cÎté, cons-
truits en moellons et blocage^ ; une enceinte de 25 mĂštres x
18 mÚtres (El-Hannout^ et une tour carrée (au S.-S.-E. de Midas)
dominant la vallée de TO. Frid, aux environs de Tamerza^;
une tour de vigie surveillant la Chebket el-Kentas et construite
un peu en avant du bras d'oued appelé Akhouar Kentas, en
avant des ruines du Seldja et de Metlaoui (poste de Spéculum) ;
dans le dĂ©BlĂ© du Seldja lui-mĂȘme dominant Toued de 100
mĂštres Ă pic, THenchir Edva et la tour de vigie du Hammam
qui permettaient de rouler des pierres sur une troupe arrĂȘtĂ©e
au fond de la gorge par le barrage de Ras el-AĂŻoun, et com-
mandaient les sentiers de la montagne en arriÚre du défilé,
le fort important du Kef Abd es-Semed qui constituait un
nouvel obstacle, et, sur la piste de TO. Metlaoui qui tourne
ce systÚme défensif et gagne THenchir Kerma, le poste de
Metlaoui'^; à Ksar Zitouna, dans la vallée de l'O. Segui, trois
oppida carrés de 30 à ïO mÚtres, enßourés de fossés dont les
terres sont rejetées en avant, et situés sur des mamelons
éloignés les uns des autres de 800 à l.OOO mÚtres; à THencbir
Gmoudi, au Ksar el-Ahmeur, des fortins analogues de 40 et
de 20 mÚtres de cÎté; à Ksar el-Asker enfin, une construction
plus petite mais trÚs bien conservée, véritable bordj, spé-
1. Ca<!Nat et Saladin, Mission Arch,^ arch. M. fc. et lill., 3" sério, XIII,
p. uni,
'Z. TissoT, op. cit., II, p. 082. â Caonat, Vanncc romaine d' A fritjue, p. diVl-
5(i3.
3. Cagnat, Explor. ai eh. et Ă©pif/r., III, p. 12.
bv Paty de Clam, A/? hled Tarfaouiy BnlL (iĂšnr/r. Corn. tr. hist, et sr., 1807,
p. li<)-lil.
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\0't LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
cimcn caractéristique des ouvrages militaires romains dans le
sud de la Tunisie : « C'est, écrit M. Privé, uq rectangle de
13", 50 de cÎté, entouré d'un fossé de 4 mÚtres environ de lar-
geur, avec les terres rejetées en avant; les murailles du fort
sont en pierre de taille réguliÚre de couleur rougeùtre. On
entrait dans la cour intérieure du fort par une porte pratiquée
au coin sud-ouest; sur la cour donnaient les ouvertures des
logemenls et des magasins, voûtés comme des casemates et
cimentés à Tinlérieur; trois de ces voûtes existent encore sur
la face est. Au-dessus de ces casemates Ă©tait la plaie-forme oĂč
circulaient les veilleurs et oĂč se portaient les dĂ©fenseurs; enfin
à rentrée du fort, j'ai remarqué les pierres munies de trous
dans lesquels s'encastraient les battants de bois qui barrica-
daient la porte à l'intérieur *, »
Le nombre de ces petits postes disséminés dans la région
de Gafsa ne doit pas nous faire exagérer l'importance des
garnisons entretenues dans le pays : il nous semble bien pro-
bable, étant donné l'effectif peu élevé des troupes romaines
d'Afrique et la tranquillité du sud de la Tunisie sous l'Em-
pire, que ces oppida, ces castella, ces Burgi- faciles à défen-
dre, devaient servir surtout de gßtes d'étapes, occupés seule-
ment par quelques soldats choisis et chargés d'assurer la
police des marchés, la surveillance des nomades et la traos-
inissioa tics nouvelles : la cohorte mixte d'Anolianum devait
suffire Ă l'escorte des convois, Ă la relĂšve des postes, Ă la
constitution des réserves trÚs mobiles qui étaient installées dans
1. l»mvK,oy>. cit., p. 02, 101-103, 104.
:;. LiAHtMiiivUG et SaiĂźlio, art. CmtfUitmy p. 937, t. 1, v. 2. âą Virgile (IV, 10)
itil qu'on appelait burgus un castelliim de petite dimension : on fait dériver
rt' Nuin du ^Tcc, TTupyo;. Nous ferons remarquer que d'autres mots analogues,
le fiuftf ti+^s Allemands, notre bourg primitif et le bordj des Arabes, expriment
MliNuliĂźiiit^ti! la mĂŽme chose. Les soldats et les indigĂšnes qui occupaient les
terres voisines des burgi à charge de les défendre, les occupaient dans aes
Gundition^ toutes spĂ©ciales âą. 11 est probable que les Romains ont pris aux
Barbares ce nom qu'ils donnaient aux fortins élevés sur leurs frontiÚres. Le
mot se â '«encontre avec cette signification de» le n* si'cie, dins hs inS(Tip-
Ut»rßs,.. liKMtR, Inscr. df VAlyévie.
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HISTOIRE MILITAIRE. 195
les ceatpcs import ints, Ă Aggarsel, Nepte (\eftai, et sans doute
Ă Capsa et Ă ThĂ©le[)te, prĂȘles Ă se porter rapidement sur les
points menacés et à la poursuite des pillards* : organisation
trĂšs voisine de celles de nos territoires militaires et particu-
liĂšrement de la subdivision d*AĂŻa Sel'ra.
A Tabri de ces lißjnes fortifiées Toasis de Capsa prospéra
en toute sécurité et des cités nouvelles purent se fonder dans
les plaines voisines qui se couvrir«»nt de cultures et d'établis-
sement agricoles. Assurés du maintien de l'ordre et soucieux
surtout du développement économique du pays, les Romains
laissÚrent aux indigÚnes la liberté de s'administrer à leur
guise. Capsa et probablement Thélepte, Ammaedara, T\u\-
sarte, Silesua, TbigÚs, Tusuros et les cités voisines furent des
communes autonomes, des naliones- administrées par dos
sulfÚles ^ et l'élévation de Capsa au rang de municipe fut une
distinction flatteuse accordée aux Capsitani pour récompenser
leur tranquillité; les décurions* remplaciirent les suflV'te^
dans la gestion des intĂ©rĂȘts locaux; les Ksouriens prirent le
titre de cit>yens romain s mais ils conservÚrent à leur ^ré
lcur> rĂšgle;nents et leure coutumes religieuses et politi(iues
particuliÚres, à rintéricui* de la cilé^. Ils témoignÚrent leur
reconnaissance en Ă©levant un arc de triompbe, encore visible,
Ă l'empereur Hadriea, fondateur du municipe, avec rauturi-
sation de leur puissant patron le proconsul de Carlhage^L
1. CA«iNVT, (f/j. cil., p. IK), 101, lßi:{, 217, passim. La cohorte !⹠Chalcidcnorum
e/aitafa (luixto) s'Ă©tablit Ă Anolianuni on 1G3 : Boissiek, op. rit.^ j). WMF^ lit*-
lu:;.
2. Punk, V, iv. Toltais, Les cites rfHnain".s iVAfriquef p. 298.
3. ToLTAi.N, op. cit. y p. 311-310, cl jiart. 315, et Inscription du dj. Askcr , hr.
cit., p. 2(J3.
4. Corpus, VlII. p. 22, n« ĂH. â Id., n"" 111, 820, S2ß», STiS; Suppl., n»* 1[>(2L
l'^m, 11372, 11780, laTiSH, 155811.
5. TouFAiN, Les citĂ©s romaiiws, j). 320-328, 33Ăź>. â Aulu-Geu.e, .\oct. AUic,^
XVI. 13.
0. Corpus, YUI, n" ĂH. âTour vin, op. rit., p. :J37, X)l), 30t).
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100 LA r,\FSA ANCIENNE ET MODERNE.
Quand Capsa devint colonie et fut soumise au droit romain, il
est bien probable qu'elle conserva son autonomie administra-
tive*.
Les seules obligations que Rome lui imposa furent le paie-
ment de TimpĂŽt'^ et le culte d'Auguste dont les flamines pcr-
peiui sont mentionnés par plusieurs inscriptions de Capsn, et
dont le lemple orné de marbres, de stntues et de portes d'ai-
rain, fut élevé par souscription publique ou par ordre du
municipe, « coemtis spatis », et inauguré au milieu de Testins et
de jeux qui durĂšrent trois jours -^ L'impĂŽt tance de Capsa dut
augmenter sans cesse sous Tempire romain et au vr siĂšcle,
la cité mérita le surnom de Jnstiniana et devint, avec Leptis,
la résidence du dux byzantin de la ByzacÚne '».
Il est assez délicat de déterminer dans quelles limites ad-
ministratives s'étendit le pouvoir des sufTÚtes et des décurions
do Capsa, et se développa la vieille cité berbÚre sous la domi-
nation romaine^ : nous en sommes réduits à des hypothÚses
basées sur les conditions géographiques du pays et la réparti-
tion des groupes agricoles et des Ă©tablissements hydrauliques
ruinés et sur remplacement probable des cités voisines.
C'est ainsi que le territoire de Capsa nous parait avoir été
trĂšs Ă©tendu : il aurait compris Ă notre avis toute la plaine de
roiim i^l-Ksob et la plaine du Seldja jusqu'au dj. Zimra, et
jiiM|n a lßi frontiÚre algérienne, qui coïncide avec une limite
montagneuse naturelle, et au plateau de FĂ©riana, englobant le
I, Tabli* 4c Peutingor; Corpm, VIII, p. 22. Capsa, Ă©crit M. CannĂąt {op. cit.,
p. Xi'.h, tlL'vĂŻnt colonio - peut-ĂȘtre âą sous Trajan en m^mc temps que Thamu-
gB^h, [railJeitrs un ^rand nombre de cités d'Afrique reçurent le titre de colo-
nie* il IM suit<^ de la lutte de Septime SĂ©vĂšre contre Prescenius Niger et Clodius
Alliinns tl!»n'212) : peut-ĂȘtre Capsa fut-elle Ă©levĂ©e au rang de colonie Ă cette
<''poi|ue. La lable de Peutinger fut dressée par ordre de Théodose (ßß7ßVïßïr>).
ToLTAts, p. :U0. â TouTAiN. op. cU., p. 32fls3:M.
ti. TolTAl^, op. rit., p. 220. â Caonat, La Tunisie Ă VĂ©poqtie romaine, p. 251.
Il CutpuK, VIII, n" 1(X); n«* 11231, I123() (suppl.). â Cagnat, ExplorĂąt. Aixh.
*^t Ă©phjr,, nu p. 6G, n- 10r>. â Id., /?m//. arch. c. ir. hist. el se, 1887. p. 2,%. â
iV>iTviH, ftp. ni., p. 211. â Saclio et DAUEMBEitr., art. Flamen.
t, (Vir//ir.s VIII, n" 101-102.
Tu TniiMV, op. r;/., p. 311-317.
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HISTOIRE MILITAIRE. 197
bourg de Gemellae * (Sidi Aïch), « la ville ruinée » de TOum el-
Ksob et tous les henchirs indiqués par la carte d'état-major
de cette région. H se serait étendu à Test jusqu'au fond du
bled SouenĂźa et du bled El-Hamra, au sud jusqu'Ă El-Guettar,
au dj. Berda, au dj. Sehib et aux terrasses de Thenchirlfel et
du bled Amilcs-Stah. Cet ensemble de plaines fermées, toutes
convergentes vers Gafsa, desservies par les voies militaires que
nous avons indiquées plus haut-, et par les routes séculaires de
Thenae (Sfax) et deSuffetula (Steitla), forme un tout homogĂšne
dont Capsa était le centre et le marché naturel.
La cité de Théleple, le bourg de Nara (Bir El-Hafey) et la
cité d*Ammaedara bordaient au nord*ouest et au nord le ter-
ritoire de Gafsa; la citĂ© de Thasarte et peut-ĂȘtre de
Veresuos, Ă Test, devaient comprendre tout le bled Segui et
la vallée de l'oued BesbÚs, région géographique nettement
circonscrite, peut-ĂȘtre aussi les ruines voisines du Thala et la
rive septentrionale du Chott El-Fedjej. Enfin, au sud, la cité
de ThigĂšs, s'Ă©lendant sans doute jusqu'aux Ksours Zitouna et
El-Asker et jusqu'à Ad Turres (Tameghza), séparait Capsa des
cités du Djerid.
Il est d'ailleurs probable que la régiou montagneuse d'Kl-
AyaĂŻcha, la rĂ©gion du djebel Sehib, oĂč l'on a relevĂ© peu de
ruines, et les bords des garaats et des sebkhas étaient ré-
servées en partie aux pasteurs nomades et placés sous Taulo-
rité des Praefecti genlium dont les fonctions paraissent ana-
logues Ă celles de nos officiers des bureaux arabes et de nos
contrĂŽleur civils 3.
S'il est difficile d'établir d'une fa^-on précise ces divisicms
1. Corpus, VUI, p. 28.
2. Supra, p. 18-1 et sq.
3. CAciXAT, op, cit., p. 328-;TO. â Corpus, YIII, KX^X), 9195 : des Piael'r. i i
gentiuiii administraient la tribu des Cinithicns voisins des Syrtes, et une triliu
des environs de Thysdrus (El-Djem). â Pellissier, Rev. d'Arch., 1847, p. iVL
Est-il possible vraiment, dans l'inscription de Gafsa signalée par Pellis.sji^iv
aprt>s sir Gren ville Temple {fLxrursious, H, p. 323. n" 8<j), de lire UlKiP : prae*
feetus?
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198 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
administratives et ces limites politiques dont Fensemble pa-
rait correspondre Ă nos anciens caldats de Gafsa, du Djebel
et des Hamnoanoa Gr.ebala ^ il semble possible d'en affirmer
l'adaptation aux nécessités économiques du pays et à l'esprit
indépendant de ses habitants qui furent gagnés à la cause
romaine au point de s'engager, au ii" siÚcle dans la légion
IIIÂź Auguste 'âŠ. Le bon fonctionnement des institutions auto-
nomes de Capsa et de ses environs nous semble avoir large-
ment contribuĂ© Ă TachĂšvement, dans chaque bled, de l'Ćuvre
de police et de sécurité commencée par les militaires ^, au
succÚs de la « pénétration pacifique » romaine, et au dé\e-
loppement d'une sorte de fierté locale, de patriotisme com-
munal, qui se perpĂ©tua dans les siĂšcles suivants, et empĂȘcha
Capsa d'ĂȘtre complĂštement ruinĂ©e par la conquĂȘte vandale et
Toccupation byzantine, et submergée dÚs le début par les
invasions arabes.
Les Vandales (4^39-53^* en effet rasĂšrent les fortifications du
sud de la Tunisie comme toutes celk»s de l'Afrique du nord ^,
et si Toasßs et la partie .«septentrionale du territoiic de Capsa
ne furent pas trop atleinles par les pillages des nomades
livrĂ©s Ă eux-mĂȘmes, par les razzias de la remuante tribu des
Frexes, d'Antalas, de labdas, deCoutsina, qui ne rencontraient
plus devant eux les colonnes ni les castella romains, c'est Ă la
diplomatie et à l'énergie de son sénat, au courage et à Ten-
tcnle de ses habitants qu'elle le dut sans doute ^ (534-5V8;.
Les Byzantins comprirent d'ailleui*s trÚs vite la nécessité de
1, htfra, p. 'Z'ti).
^. CannĂąt, op. t/V., oOl-on. Corpus, VllI, -JĂ^'m, un soldat oiigiiiahv do Tln'-
U*\A\\ sur doux listos de 18 et 13 noms; 'SM)^ un de Tliélepte sur une liste de
Ăź ijouis; tiOOr, un de SuiĂŻelula; 25<>S, deux deTliĂ©leple; âą2.W.), un de SufĂšs. un
do THLupe, un de Théleple, deux de Gafm : 0. Naevius Faustus, T. Flavius
MaĂźtiijius, sur une liste de Hl noms dont 43 avec indication d'origine.
-1, Ă^E LA Bi.ANCHĂRE, op. cU., p. W. â Caunat, op. ctl ., p. ^^-337, r>ĂJ8-r>ll'J. â
TijLTUM, op. cit., p. 30(>3C)8.
L Marcis, Uiytoivc des WimUiles, p. 2(X>-201. â I)itiiL, LWfrique byzantine,
p. VI
ĂŽ, DitiiL, ojt. cit., p. uO-1'3, 303-313, Ktti-l 10. â Toiiain, op. cit. y p. i^^vJ,
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HISTOIRE MILITAIRE. 11)0
relever les anciens ouvrages militaires romains, pour rétablir
la paix dans le pays; Justinien et le magister niililuni So-
lomon 539-543) firent reconstruire les murs de Capsa dont
rimportance stratĂ©gique ne leur Ă©chappa pas; la citĂ© â nous
l'avons indiquĂ© dĂ©jĂ â prit le surnom de Justiniana et devint
la résidence du gouverner. r militaire de la nouvelle province,
le dux Byzaceuiae, puis le chef-lieu d'un commande mrnl spé-
cial*. Un corps de troupes spécialement institué pour la dé-
fense des frontiÚres, les limitanei, fut organisé en smalah et
reçut la garde des burgi semblables aux anciens postes de
TĂ©poque romaine 2 : Ksar el-Foul 1 enceinte de 22 mĂštres X 21),
Henchir Bou Gineah (enceinte de 9°^,35 X 7âą,90), Sidi AĂŻch
(tour), Henchir Medjen Oum el-Kesseub, Ksour el-KraĂŻb en-
ceinte de 40 m. X 40 m.\ Henchir Mzira (qui formaient la
frontiĂšre mĂ©ridionale de la ByzacĂšnc entre ThĂ©lepte, oĂč fut
construite une forteresse importante, et Capsa, et devaient,
en cas d'alerte, servir de refuge aux populations paisibles du
bled); au delĂ de Capsa le limes gagnait probablement Ksar
Zitouna et la rive septentrionale du chott El-Djerid, laissant
aux indigĂšnes et aux nomades le Djerid et le pays du Seldja ^.
A Tabrides castclla et des citadelles reconstruits, les Ksou-
liens purent reprendre en sécurité leur travail, régénérer
leurs olivettes et leurs palmeraies *.
En 647, Abdallah Ibn Saïd, gouverneur d'Egypte, reçut du
khalife Othman la permission d'envahir avec 20.000 hommes
« le lointain et perfide Maghreb ». Il ravagea la ByzacÚne,
battit et tua à Akouba le patrice Grégoire et s'empara de
SufTetula; les premiers cavaliers arabes firent leur apparition
1. DiEHL, p. 110 117, 127-131, 470, 401, 535. â Tissot, op. cit., II, p. 50. -^
Corpus, VllI, 101.
2. DiEHL, op. cit., p. 131, 210-233.
3. DfEiii., op. cit., p. 3:50-337, 233, carte p. 272, 102, 337, :iOO,
\. OiEiiL, op. cit. y p. 557-502,
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200 I. \ GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
à Capsa et au Djerid, puis, leur razzia terminée, se retirÚrent
1^1 Kiirjple avec le gros de leur armée *.
Mais les Musulmans n'avaient pas vu impunément les riches
plaines de la ByzacĂšne : en 669, Okba ben Nafa envahit de
nouveau le pays avec 10.000 cavaliers d'Ă©lite, s'empara de
CasUlia (Tozcur), de Kafsa, et, sans rencontrer aucune résis-
tance, s'avança jusqu'Ă Kairouan oĂč les Arabes s'Ă©tablirent
définitivement 2. L'Afrique byzantine avait disparu presque
sans combat.
L'Afrique berbÚre se souleva : réunis sous rautorité de
Koceilah puis de la Kahena, la prophétesse, les populations
de la ByzacĂšne s'insurgĂšrent contre les nouveaux maĂźtres du
pays; mais elles refusĂšrent de suivre le conseil de la Kahena,
de détruire toutes les plantations ot leurs villes pour faire le
dé?ert devant les envahisseurs ; elles préférÚrent la conver-
sion Ă la ruine.
ApiÚs un siÚcle de troubles, la paix régna en Ifrikia, sous
la domination des gouverneurs Aghlebites, des khalifes Fale-
muh's et des premiers Zirides ; le sud de la Tunisie, sous une
lulnnnistration tolérante, connut une grande prospérité; les
lïalïitiints de Kafsa et de la région voisine conservÚrent
avec leur vieux langage gréco-latin, leurs procédés agricoles
pn-fectionnés, et restÚrent constitués en province autonome
d(»n1 la puissance arrĂȘta longtemps les hordes arabes de l'in-
vasion hilalienne (1053)'^.
Kn ellet, « quand El-Moczz^ abandonna Kairouan et se ren-
dit à El-Mehdïa, aprÚs avoir vu désorganiser son empire par
L Umiii., op. cif.j p. 57(K»71. El-Hekri, p. H7. Hcilkde, CvHuve de VoUvkr,
'*, LdTfi, Hhl. delĂ Tunisie, p. 111-120.
'A lil,. Ihid., p. 120-15!.â Supra, p. 8l-Se.
Ăź rn^ tĂšmmc berbĂŽre d'une tribu do l'Aui-Ăšs, la Kaliena, cclĂšbi**^ par $on
pouvoir de divinisation, se mit à la UHc do la révolte, battit plusieurs fois les
Anvboßiet, pour lescbasser du pays, proposa de détruire les riches plantations
qui W y attiraient. Un certain nombre do ses partisans l'abandonnĂšrent. Elle
fut luĂȘe au siĂšge de ramphithĂ©Ăątre d'EI-Djem.
L n Moozz ibn Badis, souverain ziride do Kairouan,
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HISTOIRE MILITAIUK. 2Cfi
rĂźnvasion des Arabes, la ville de Kafsa avait pour gouverneur
un officier nommé par le gouvernement (Ziride) et appelé Ibn
Abd Allah Ibn Mohammed Ibn er-Rend. Cet homme Ă©tait ori-
ginaire de Djerba et sa famille, les BĂ©ni Sadghiau, habitait
El-DjoueĂźn dans les pays des Nefzaoua. Selon Ibn Hakhil, il
appartenait aux BĂ©ni Izmerten, famille maghraouienne. Abd
Allah, ayant maintenu son autorité dans Kafsa, pourvut à la
tranquillité du pays et à la sûreté des voyageurs au moyen
d'un tribut payé aux Arabes. En Tan kïb (1053-54) il se dé-
clara indépendant et reçut la soumission de Touzer, Neftn,
Takïous, El-Hammat et d'autres localités de la province de
Casiilia. Parvenu ainsi à un haut degré de puissance, il attira
à sa cour les poÚtes et les hommes de lettres, tous empressés
à célébrer ses louanges. Jusqu'à sa mort, il ne cessa de témoi-
gner un profond respect pour les personnes qui s'adonnaient
à la dévotion. Il mourut en 465 1072-1073) ».
« Abou Omar el-Moyezz, son fils et successeur, s'étant assuré
l'exercice du pouvoir et l'obéisscance du peuple, recueillit de
fortes sommes d'argent provenant des impĂŽts, et gagna par
ses Ubéralités tant de partisans qu'il se mit en état de soumettre
Camouda, le dj. Hoouara, les autres villes de Castilia et
toutes les dépendances de cette province. AprÚs une longue
et heureuse administration, il perdit la vue, et comme son
lßls Temin venait de mourir, il désigna pour successeur au
trĂŽne son petit-fils Yahya Ibn Temin. Ce jeune homme parvint
Ă tenir son aĂŻeul en tutelle, mais leurs Ă©tats continuĂšrent
néanmoins à jouir de la plus grande prospérité. En Tan 55V
(1059) Abd el-Moumen * assiégea Kafsa, renversa la famille
régnante et en envoya tous les membres à Bougie. El-Motlez
mourut dans cette ville en l'an 557, Ă TAge de cent quatorze
ans, ou de quatre-vingt-dix d'aprÚs un autre récit. Son peti^
fils Yahya mourut peu de temps aprÚs^. »
Cette expédition fut une conséquence de l'occupation du
1. Promicr souverain des Alinohatles, Lnin, oy>. cil., p. IGO.
2. Ibn Khai.doln, Hist. des lirrbhrs, II. p. %\-^{.
LA GAFSJV ANCIKNNE. 14
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202 LA GAFSA ANCIENNE ET MODEHNE.
Sahcl et prol)ablemcnt de Kafsa* par Uoger II, roi des Nor-
mauds de Sicile (1U6-1154), qui surveillait allentivc ment de-
puis trente ans les mouvements des tribus arabes et berbĂšres,
entretenait leurs rivalités, et força le dernier souverain ziride
El Hassan à abandonner son royaume et à se réfugier à Bougie.
Le chef de la secte des Almohades, Abd el-Houmen, profita
de ces circonstances pour envahir le pays et y Ă©tablir son em-
pire : il dut attacher un prix tout particulier Ă la prise de
Kafsa, siÚge d une puissante dynastie berbÚre, alliée peut-Úlre
aux Normands qui s'en Ă©taient emparĂ©s et qu'il assiĂ©geait Ă
ce moment dans Mehdia^. Mais il ne réussit pas à vaincre l'es-
prit d'indépendance des gens de Kafsa.
En effet « Abd el-Moumen confia le gouvernementale Kafsa
Ă NĂŽman Ibn Abd el-Hack, membre de la tribu des Hinlata ; et
trois années plus tard il le remplaça par Heimoun Ibn Addjana,
de la tribu des Guenfiça. Meimoun eut pour successeur Ems<in
Ibn Mouça le Sanbadjan. Le nouveau gouverneur se conduisit
d'une maniÚre si tyrannique que les habitants résolurent de
lui enlever l'autorité. Ayant appris qu'un petit-fils d'El-Mottez,
noniint* Ali Ibn el-Ezz, se trouvait Ă Bougie dans un Ă©tat voi-
mii de l'indigence, et exerçant le métier de tailleur, ils le
firent venir à Kafsa, massacrÚrent Emsan Ibn Mouça, et char-
gÚrent Irur protégé de régir l'état et de protéger le peuple.
Kn l'an 563 (1167-1268), le Cid Abou Zekeria, fils d'Abd ei-
Moumeii, mit le siĂšge devant Kafsa, d'aprĂšs les ordres de son
frÚre Yoiiçof ; mais bien quil serrùt la ville de fort prÚs et
qu'il abattit les dattiers dont elle était entourée, il fut obligé
J*opérer sa retraite -K »
Vers cotte Ă©poque probablement, Taventurier Ibrahin ben
Ferakotini « alla sommer les Béni er-Rend, chefs de Kafsa.
Ceux-ci lui livrĂšrent cette place avec d'autant plus d'empres-
1. PiLi.isfïtEK, Ejploralion scientifif/ue de rAlgéne, Mém. historii^uat et gÚoyr.,
ilU |i, IM;\ Mauroy, Précis de l' histoire et du commerce dp VAfnque du \ord,
2. LûTij, 1^'. ri7., p. i:.l-l,7.», 159-167.
3. ias kiiALDOUN, op. cit., II, p. 34.
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HISTOIRE MILITAIRK. 'Ml
sĂšment qu'ils avaient de 1 eloignement pour les BĂ©ni AbJ **1-
Moumen, et se sentaient plutÎt entraßnés vers les Abbassldcs et
disposés à dire la Khoteba en leur faveur. Ibrahim fit son en-
trée dans la ville et fit proclamer dans la priÚre solenni^lle le
nom du khalife Abbasside,suivi de celui de Selahaddin, Ibra-
him et ses partisans furent tués plus tard dans Kafsa, par hll-
Hansour^. »
Aussi dÚs (( Tan 576 (1180-1181), Youçof, fils d'Abd el Mou-
men, vint en personne assiĂ©ger Kafsa, et, ayant forcĂ© Ibn „Ă-
Ezz Ă se rendre, il Tenvoya au Maroc avec sa famille et lui
permit d'emporter ses trésors. Le prince détrÎné reçut du
conquérant la place d'administrateur des impÎts à Salé et rem-
plit les fonctions de cet office jusqu'Ă sa mort. Avec lui finit la
dynastie des Rend- ».
L'esprit d'indépendance des gens de Kafsa ne disparut pas
malgré Texil définitif de leurs chefs les plus célÚbres. Ilsprirent
successivement parti pour Ibn GhanĂŻa, candidat almoravide au
trÎne des Almohades (1185) ^ et furent assiégés par El-Man-
sour qui fit raser les murs de la ville mais respecta la citadelle
(1185)*. De puissantes familles fournirent des cheikhs culĂšbres
Ă Kafsa et aux oasis voisines'*, dont Thistoire, jusqu'Ă Toccu-
pation turque, n'est que le long récit des luttes des DJernans
et des seigneurs locaux contre le pouvoir central des kha*
lifes.
« Depuis l'Ă©poque oĂč le partage de l'empire hafside en deux
principautés, celle de Tunis et celle des provinces occidenta-
les*'», eut empĂȘchĂ© l'autoritĂ© impĂ©riale d'Ă©tendre plus longtemps
une ombre tulélaire sur le Djerid, les habitants de cette ré-
gion se laissaient gouverner par une junte composée de leurs
1. Et-Tiojam, p. Ui^-m\,
2. Ibn Kiialdoln, op rit.. H, p. 31.
lĂź. Pavy, Histoire de la Tunisie^ p. 'M7>-[]'iO. â Lotii, op cit., p. 1(j3-105<J*
4. Pavy, Ibid. â TissoT, op cit.. H, p. 671. .Jean LĂ©on l'ĂFRtCAis, III. [kK^I
5. Ibn Kiialdoln, op. rit,, III, p. 115, 501.
6. LoTH, opcit., p. 173-171, Abou Zokeria II se rendit indépendant à la laveur
de l'insurrection qui suivit la mort d'El-Mostancer, 1277-1284.
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204 L\ G\FSA ANCIENNE ET MODERNE.
cheikbs^.. A TĂ©poquc oĂč les localitĂ©s du Djerid passĂšrent
sous l'administration de conseils indĂ©|>endants, Ka&a avait dĂ©jĂ
pour président Yahya Ibn Mohammed Ibn Ali Ibn Abd el-Dje-
bil, membre de la famille Abed, une des premiĂšres maisons
de la ville. Les Abed prétendent remonter à Bila (tribu hi-
myerite descendue de Godà a) et avoir vécu en confédération
avec plusieurs fractions de la grande tribu des Solein. On ne
saurait préciser Tépoque de leur établissement à Kafsa, mais
un sait qu*ils s'incorporĂšrent dans la population de cette ville
et qu'ils y prirent rang avec les familles les plus puissantes,
les Boni Abd es-Samed et les BĂ©ni Abi Zeid. Sous le rĂšgne
d*Abou Zekeria- : 1** la présidence de Kafsa fut exercée par un
membre de la famille Abou Zeid auquel le monarque avait
confié la perception de TimpÎt dans le Djerid; accusé d'avoir
détourné une partie de ces sommes... ce fonctionnaire perdit
sa place et encourut une amende de plusieurs milliers de
piÚces. AprÚs lui la présidence fut exercée tantÎt par Tune,
tantÎt par Tautre de ces familles. Lors du rétablissement des
conseils administratifs dans le Djerid, l'esprit d'indépendance
renaquit Ă Kafsa et comme les BĂ©ni Abed y formait le parti
le plus puissant, leur chef, Yahya Ibn Ali, obtint la prési-
dence ^ »
Le souverain mcrinidede Fez, Abou '1-Hacen, avait envahi la
Tunisie à la mort de son allié le hafside Abou Yahïa^ : « U am-
bitionnait surtout l'honneur de soumettre le Djerid. En Tan
735 (133'») il marcha sur Kafsa, ville dont Yahya Ibn Moham-
med avait usurpé le commandement '\ Ce chef... gouvernait
L lus KllAI.DULX, 0/J. ClL, m, p. l.
2. xMjou Zekerial*", gouverneur hafside pour le khalife Alniohade, se déclara
tiidi^ pendant en l'23(3, 10 ans avant la mort d'El-Mostancer son successeur,
doTii h' tlécÚs amena le démembrement de l'empire hafside et ravÚnement de
Vahya ibn Ali (Abed) Ă Kafsa. â Loth, op. ciL, 167-174.
X \m\ Khaldoin, op. ri/., lll, p. 145.
I. LnTH, op. rif., p. 175. Abou Yahïa avait réussi à rétablir l'unité de l'em-
l^n^ hnl'side.
r>. Les murs avaient sans doute été reconstruits, ou il s'agissait de la cita-
delle.
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t
HISTOIRE MILITAIRE. 20o
alors en maĂźtre. Le sultan livra plusieurs assauts Ă Kafsa, et
foudroya la place avec ses catapultes sans pouvoir s'en em-
parer; mais ayant commence Ă faire abattre les palmiers et
arracher les plantations des alentours, il obligea les habitants
à implorer sa miséricorde. Le peuple de Kafsa rentra de celte
maniĂšre sous Tombre bienraisante du gouvernement hafside^,
aprÚs avoir été pendant un temps au grand soleil de Tindé-
pendance; ils reçurent du sultan un accueil plein de bonté et
d^udulgence. Ce prince Ă©tendit sur eux le manteau de sa jus-
tice et accorda Ă leurs pauvres des portions de terre, soit en
don, soit en fief. Il renouvela les édits impériaux qui avaient
été promulgués en leur faveur et qu'ils avaient soigneusement
conservĂ©s; il choisit mĂȘme leur ville pour la rĂ©sidence de son
lils, l'émir Abou '1-Abbas, désigné plus tard comme son succes-
seur au trĂŽne...
« Il conseilla de traiter les habitants avec une grande bien-
veillance 2. o
Les gens de Kafsa n'apprĂ©ciĂšrent pas Ă la mĂȘme valeur que
l'historien Khaldoun « Tombre bienfaisante » du gouverne-
ment d'Abou '1-Hacen et « le manteau de sa justice ». Us lui
préférÚrent l'autorité de leurs cheikhs de la famille des Abed
dont la domination ne devait pas ĂȘtre si ruineuse et si tyran-
nique que le dit Thistorien arabe. Ils furent les premiers Ă se
révolter, à la mort de leur gouverneur en 747, contre le kha-
life Abou 'l-Hacen qui fut bientÎt chassé de Tunisie par le haf-
side El-Fadel. Les Abed revinrent de KabĂšs oĂč ils s'Ă©taient
réfugiés, et Ahmed Ibn Omar Ibn el-Abed, prince simple,
modeste et juste, devint président de la Djemaa de Kafsa ^.
Le gouvernement de Ahmed Ibn el-Abed, prévoyant une
prochaine expédition de Tunis, entra en relations avec les
tribus nomades du voisinage et leur distribua des sommes
considérables, se flattant qu'elles leur serviraient de rempart.
1. Abou 'l-IIacen Ă©tait un prince mĂ©rinide do Fez. â Loth, <>//. ciL, p. 173.
'l. Ibn Khaldoun, op. cit., Ill, p. 2.
3. Ibn Khaldoln, op. cit., III, p. 146, 150.
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206 LA GAFSĂ ANCIENNE ET MODERNE.
Effectivement le sultan Abou 1-Abbas vint mettre le siĂšge de-
vant Kafsa, et voyant qu'il ne pourrait avoir raison de la cité
par les armes, il employa la seule taclique susceptible d'in-
quiéter sérieusement les gens de Kafsa et de les séparer de
leur cheikh : « // commença à faire abattre leurs dattiers.
AussitĂŽt cette population de cultivateurs quitta ses demeures
et passa du cÎté des Hafsides, en abandonnant son chef Ahmed
Ibn el-Abed, vieillard dont Tesprit s'Ă©tait affaibli avec TĂąge
(780, février-mars 1379) ^ »
Le sultan laissa comme gouverneur Ă Kafsa son propre fils
Abou Bekr, remplacé Tannée suivante par un officier de rang-
Ă©levĂ©, Abd Allah ct-Toreiki (782 Ă 791 â 1380-81 Ă 1391-92).
Il compta sans Tesprit d'indépendance des gens de Kafsa et
sans l'ambition de la famille des Abed chassés du pouvoir :
« Ed-Doneiden n'avait pas été atteint par la proscription dont
le sultan avait frappé la famille des Abed et, pour cette raison,
il Ă©tait restĂ© Ă Kafsa, oĂč il remplissait avec intelligence et pro-
bité les fonctions de distributeur des eaux de la ville; il fit
empoisonner le fils du gouverneur, chassa de la ville tous les
Et-Toreiki, et confisqua leurs biens. Le sultan, voyant les
Kafsiens persister dans leur égarement malgré ses remontran-
ces et ses menaces, rassembla une armée, soudoya les Arabes
et se mit en marche. Vers le milieu de Tan 795 (mai 1393),
il campa sous les murs de Kafsa et, ayant reconnu que les
habitants s'y étaient fortifiés, il les attaqua vigoureusement et
leur fit éprouver des pertes considérables. Au moyen d'un
blocus sévÚre, il leur coupa les vivres et ensuite il fit abattre
leurs dattiers, afin de faciliter ses communications,,. Les assié-
gés étaient réduits à la derniÚre extrémité quand leur cheikh,
Ed-Doneiden, se rendit auprĂšs de lui afin de ratifier une capi-
tulai ion qui devait assurer le salut de la ville et de ses habi-
tants. En le voyant arriver le sultan trahit sa parole et le fit
arrĂȘter, croyant hĂąter ainsi la reddition de la place... Quand
1. hs Khaldoun, op, cit,, nu p. 150, p. 91-93.
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HISTOIRE MILITAIRE. 207
les notables de Kafsa apprirent la conduite déloyale du sul«
tan, ils se ralliĂšrent Ă Omar (membre de la famille des Abed
emprisonné par Ed-Doneiden) et lui confiÚrent le commande^
ment. Ensuite ils cherchÚrent à exciter la commisération des
tribus arabes et, pour les toucher davantage, ils leur firent
passer de l'argent avec le conseil de ne pas risquer la perte
des trésors qu'elles avaient déposés dans la ville. Soula Ibn
Khaled répondit à leur appel et, profitant de Téloignement
des Arabes, alliés du sultan, lesquels s'étaient répandus dans
les environs pour faire paßtre leurs chameaux, il déploya ses
Ă©tendards Ă Timproviste et parut Ă la tĂšle de son peuple les
Oulad Abi '1-Leil » ; le sultan fut obligé de se retirer. Mais une
discorde Ă©clata entre les vainqueurs : Omar assassina Ed-Do-
neiden et la population mécontente de cet acte de perfidie fit
sa soumission au sultan^. Kafsa perdit définitivement son in*
dépendance et la lutte sécuLairc de la Djemaa et des grandes
familles cafsiennes contre les khalifes de Tunis se termina
trente ans seulement avant Toccupation turque, non par l'Ă©-
puisement, mais Ă cause des dissensions des Ksouriens de
Kafsa.
11 est assez facile d'entrevoir les causes Ă©conomiques de la
résistance des gens de Kafsa et de se représenter leur organisa-
tion militaire, sans qu'il soit possible de discerner exactement
si l'ardeur du particularisme religieux des Kafsiens- s'ajoutait
à l'ambition de leurs chefs pour surexciter leur esprit d'indé-
pendance et éveiller contre eux les susceptibilités des khalifes.
TrÚs prospÚre et comprenant « plus de 200 ksours^ » au
xi*^ siÚcle, située au centre d'une région naturelle dont les pro-
ductions variées pouvaient suffire à la nourriture et aux be-
soins essentiels de ses habitants, l'oasis de Kafsa n'avait pas
besoin pour vivre des secours Ă©trangers ni des subventions du
gouvernement de Tunis : dÚs lors les prétentions fiscales et
1. Ibn Khaldol'n, op. cit., III, p. 110-121.
2. Supra, p. 167 el sq.
3. El-Bekri, p. 114.
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208 r.A GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
centralisatrices excessives et inutiles de celui-ci devaient pa-
raĂźtre vexatoires, et son Ă©loignement devait encourager Tan-
tique palrioiisme communal des maraßchers de Kafsa, flxés au
sol par des siĂšcles d'Ă pre culture et par rattachement Ă leurs
sources, cette forme africaine de l'attachement Ă la glĂšbe,
presque incapables de concevoir une forme politique diffé-
rente de celle oĂč s'Ă©tait dĂ©veloppĂ©e depuis des siĂšcles leur
mentalité.
Quand Tarmée du khalife était signalée, les habitants quit-
taient leurs jardins pour quelques semaines; ils se réfugiaient
dans leurs villages fortifiés, El-Ksar, le Ksar Kalla, le Ksar
Sidi Mansour, Ksour Naata, Sidi Ahmed Zarroung, le Ksar Kafsa,
d'autres encore, disséminés dans Toasis jadis plus étendue.
GrAce Ă leurs silos soigneusement remplis, grĂące Ă leurs puits
et à leurs sources situés à Fintérieur des murs, ils pouvaient ré-
sister longtemps; parles fossés d'irrigation, derriÚre les levées
de terre de la palmeraie, ils pouvaient se glisser jusqu'Ă l'en-
nemi hésitant à s'engager dans le dédale des plantations,
tandis que les nomades du voisinage, leurs alliés, pouvaient
harceler les assiégeants, couper leurs convois, enlever leurs
chameaux ; la Kasbah de Kafsa, oĂč se trouve luie source jaillis-
sante^, offrait aux plus tenaces dans la résistance un dernier
refuge considéré à juste titre comme imprenable. Les Ksou-
riens ne s'Ă©mouvaient que quand leur richesse et leur subsis-
tance mĂȘme se trouvaient menacĂ©es par la destruction des
palmiers : ils se soumettaient pour sauver leurs dattiers; mais
Ă peine le vainqueur avait-il disparu, la Djemaa et ses chefs
reprenaient leur indépendance; si bien que la succession de
toutes les luttes, de tous les siĂšges de Kafsa, ne doit pas nous
apparaßtre comme une série de crises graves, mais comme
l'état politique permanent et nécessaire du pays.
Un dicton du Djerid a conservé le souvenir populaire de l'ar-
rogance des gens de Kafsa :
l. Supra, p. 27 et sq.
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HISTOIRE MILITAIRE. 209
« KaPsa est misérable ;
SoD eau est du sang ;
Son air est du poison ;
Tu y resterais cent ans,
Sans t'y faire un ami *. >»
Autant qu-il nous est possible d'en juger par les documenta
bien incomplets que nous possédons sur rétablissement 1519-
1574.) et les cent cinquante premiÚres années de la domination
turque, les kafsiens restĂšrent calmes et soumis, comme s'ils
eussent été épuisés par leurs luttes récentes, et incapables de
lutter efficacement contre le pouvoir central de Sinanc Paclia,
des deys IsmaĂŻl, Moussa, Othman et Youssef (157'*-1637) et
des Beys Hamouda et Mourad (1637-1672 2).
Mais dÚs que des difficultés extérieures ou intérieures sur-
gissent pour le gouvernement de Tunis, Tautorité turque
semble affaiblie « au Djerid », ce qui signifie, dans le langage
de l'Ă©poque, Ă Kafsa et dans les oasis du DjeriJ propre. L'aiio
nymede 1703 rapporte en effet qu'une expédition fut dirigée
contre les habitants du Djerid par le « Bey Morat «^ que Ton
peut identifier soit Ă Mourad I, bey sous le rĂšgne de Youshcf
Dey (1610-1637) et vaincu par les Algériens, soit à Mourad Key
(1663-1672) dont le rÚgne fut trÚs troublé*. Le 12 décembre
1755, le consul de France Ă Tunis, de Sulauze, Ă©crit Ă Machault
que « Ton ne s'occupe plus à Tunis que des préparatifs de la
guerre contre les Algériens... le bey et Sidi Mamet doivent
partir sous peu avec 1.000 ou 1.200 hommes pour le Camp
d'hiver etTun d'eux ira jusqu'au Djerid ou l'on prétend que
l. TissoT, op. cit., II, p. G71.
t. LoTH, op. cit., p. 18011I, part 181, 187, ^03, Zm.
3. Ăfat d^s royaumes de Barbarie^ Tripoly, Tunis et .l/^er. Anonyme, Rouen.
1703, p. 150 et sq.
4. LoTH, op. cil., p. -^2-203, -m-ni-K
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Ăą
210 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
les arabes d'Alger ont déjà fait des incursions ' » ; et Mo-
hammed Segnir bcn Youssef signale la marche d'Ali Pacha
(1740-1756) qui entre Ă Kafsa et Ă El-Ilamma, bat les Hammama
et fait sentir partout son autorité de la façon la plus dure * ».
Ces expéditions montrent que Kafsa n'avait pas pei-du toute
importance politique au xvii" et au xviir siĂšcles. Elle conserva
mĂȘme une certaine renommĂ©e intellectuelle prĂšs de trois siĂš-
cles aprĂšs la disparition de ses princes, les Abed, puisque Hus-
seĂŻn bey (1705-1740) y lit construire une medersa ^.
D*ailleurs jusqu'à l'occupation française, le gouvernement
bcylical se crut obligé d'organiser chaque année une prome-
nade militaire Ă Kafsa et au Djcrid, pour lever des contribu-
tions « dont le montant n'équivalait pas aux dépenses occa-
sionnĂ©es par le camp turc ». C'est dire le prix qu'il attachait Ă
la tranquillité des populations de la région. En effet, écrit en
1826 le vice-consul de France, Marcschau, qui accompagna le
camp turc : « Le but réel est de montrer tant aux populations
de l'intérieur et des frontiÚres qu'aux peuplades voisines un
des princes Ă la tĂȘte d'une forte armĂ©e, et de consolider l'auto-
rité de la famille régnante par la distribution de la justice cl
des emplois, car, durant la campagne, MustafaBey exerce réel-
lement par délégation une souveraineté pléniÚre. La levée
des daltes est non seulement un prétexte périodique et qui
n'éveille aucune inquiétude, mais encore elle est un appùt sans
lequel il serait peut-ĂȘtre difficile de rĂ©unir sous les drapeaux
les conlingents des diverses tribus nomades qui, dans l'inté-
rieur, occupent presque tout l'espace compris entre Tunis et
Tojßfiur ^ »
l. Eut'tßïiP Plantet, Correspondance des beya de Tunis, II, p. UKß, piÚco KW.
:!. LoTĂźt. op. cit.f p. '^'2t\. Mohammed Seomr uen Youssek de Beja, (yO ans d'his-
tohr dr hi Tunisie, II. Tun., 1Hû8, p. 170.
;i. \jir\Uop. rit., p. 2I1>. Mohammed Se. .MU ben Yolssef, o;*. cit.yli. Tun.^ I81»Î,
p. \m.
L MAMtsiHAU, Voyage dans le sud de la Tunisie, lettres au Miiiisti"o des
Affaires i^trangĂšres, II. Tun., IĂM)1, p. 14Ăź>155.
Tr*=soT ar:compagna le camp Uirc en 1857. f)j). cil,, II, p. 247.
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HISTOIRE MIIJTAĂRE. 211
Ces maairestatioDS du pouvoir central, dirigées surtout
contre les nomades, étaient d*autant plus nécessaires, au
xix** siĂšcle, que la garnison de Gafsa Ă©tait trĂšs faible : t Les
bastions ne m'ont pas été montrés, écrit Guérin en 1862. Le
mieux armé, appelé Bordj el-Medaja (la tour des canons), est
défendu, m'a-t-on dit, par neuf grosses piÚces; mais les canon -
niers manquent et, sauf quelques gardiens, cette Kasbah ne
contient pas actuellement de garnison*. »
En réalité les nomades du voisinage, les llammama, étaient
les maĂźtres de Gafsa : infiniment plus courageux que les cul-
tivateurs ksouriens assagis par deux siĂšcles de ruine et
d'oppression militaire et fiscale, les Hammama interdisaient
aux Gafsiens de dépasser le col de FAssalali, à i kilomÚtres
au nord de leur citĂ©, sous peine d'ĂȘtre dĂ©valisĂ©s, et considĂ©-
raient comme un droit imprescriptible la liberté de leurs
razzias et de leurs pillages ^ Us se disaient les fidĂšles sujets
du bey, mais pour aller piller en son nom. Le jour mĂȘme de
sa naissance, chaque enfant mùle était posé par son pÚre sur
un cheval tout harnaché et salué par deux vers traditionnels :
« La selle el la bride ;
Et la vie sur Flslain! »
« C'est-à -dire que l'enfant n'aurait pour tout héritage
qu'un cheval et des armes; à lui de se conquérir la vie de
chaque jour par la maraude sur ses frÚres les musulmans. »
« Tous ces pauvres villages, écrit Duveyrier, en parlant de
Gafsa et des oasis voisines, sont dans la main de la tribu
voisine et trÚs turbulente des Hammama, sinon peuplés par
elle... Us ont assez de bon sens pour entrevoir les avantages
beaucoup plus grands que leur assurerait un Ă©tat de choses
plus régulier. Le 24 mars 1860, les notables du village d'El-
Guettar, rĂ©unis dans la maison du cheikh, et s'adressant Ă
1. GuĂ©rin, voyaye dans la rĂ©yence de Tunitt, 1, p. âą27<».
2. E. Reçus, Géof/r. f/énét\, t. XI. p. m.
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212 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
nous, dirent, en levant les mains au ciel : « Mon Dieu ! mon
« Dieu! combien nous voudrions que les Français fussent
« maßtres de ce pays! » Ce n'était certes pas notre trÚs modeste
Irainde voyage ni nos largesses qui pouvaient leur en imposer
et leur dicter un aveu aussi inattendu '. »
GuĂ©rin, visitant Ă la mĂȘme Ă©poque la prison de Gafsa pleine
de malheureux qui n'avaient pu acquitter entre les mains
de leur CaĂŻd TimpĂŽt beylical des 36 piastres^, entendit les
mĂȘmes plaintes : Tun des dĂ©tenus, l'ayant reconnu pour
Français, s'écria : « Pourquoi tes compatriotes ne viennent-ils
point s'emparer de ce pays, afin de nous gouverner plus jus-
tement que ceux qui nous régissent et nous délivrer des im-
pÎts qui nous écrasent-^? »
La tyrannie des nomades et de l'impĂŽt furent les deux
grands ennemis de Gafsa : ils la ruinĂšrent peu Ă peu et la
réduisirent à l'état de décadence ou elle se trouvait au moment
de l'occupation française*.
Deux mois aprÚs le traité de Kassar-Saïd (12 mai 1881)^ et
rétablissement du Protectorat français en Tunisie, l'attention
Tut littirée sur la remuante tribu des Hammama qui faisait par-
Lie de l'ancien çof des Ahsinia, défenseurs du Bey^, et sur
l'oasis de Gafsa.
Deux dĂ©pĂȘches de Tunis, datĂ©es du 18 et du 24 juillet,
signalaient en effet la marche de 1.500 cavaliers hammama sur
Kaii'ouan, Tinsécurité absolue delà route de Gafsa et du DjCrid,
intestée de maraudeurs, et les eltbrts violents mais impuissants
faits par les Hammama pour décider les paisibles ksouriens
L Dlveyuier, La Tunisie, p. 97 -UW.
2. Probablement la Medjba, impĂŽt do capitation.
X (JuĂKix, op. ril.f I, p. -iTC».
L Supra, p. 81 et sq.
Ti. LoTH, op, cil. y p. 270.
<j. Tirant et Rebatel, op. cit., Tour du Monde, 1875, I, p. 300. â Anonyme,
H. Af, Frajiçaise, VI, 1888, p. 188 à 190.
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HISTOmK MILITAIRE. 213
de Tozeur Ă faire cause commune avec l'insurrection. En
mĂȘme temps, TidĂ©e Ă©tait Ă©mise que l'envoi d'une colonne dans
cette région pourrait en assurer la pacification en ralliant
à la cause française plusieurs tribus fatiguées des obsessions
et des exigences des insurgés*.
De nouveaux mouvements des Hammama Ă©taient connus
le 22 aoĂ»t et le 9 septembre. Une dĂ©pĂȘche du 5 septembre
annonçait qu'une troupe de :!00 habitants de Gafsa, armés
mais paisibles, avait été attaquée par erreur à sa sortie de
Tunis; Ă cette date leur tribu Ă©laĂźt du reste encore insoumise.
A la fin de septembre, aucune tribu importante du Djerid
n'avait encore fait parvenir Ă Tunis sa soumission 2.
Dans les premiers jours d'octobre, la nouvelle s'étant répan-
due parmi les indigÚnes, que Gafsa était occupée par une co-
lonne française, plusieurs tribus effrayées voulurent se sou-
mettre 3.
En réalité, la brigade Forgeniol, chargée d'occuper Gafsa, ne
quitta Kairouan que le 11 novembre *, douze jours aprĂšs la
prise de cetie ville, et entra Ă Gafsa le 20, sous le commande-
ment du gĂ©nĂ©ral Saussier, aprĂšs avoir enlevĂ© 15.000 tĂȘtes do
bétail aux environs de Toued Djilnia, et sans rencontrer aucune
résistance. Les nomades s'étaient réfugiés au sud duchott sans
accepter le combat : des reconnaissances furent envoyées à El-
Guettar, Ă Oum Ali et Ă El-AyaĂŻcha dont les habitants furent ca-
nonnéspar le général de Gislain et firent leur soumission ; elles
constatĂšrent la fuite des nomades, relevĂšrent les traces de
leur passage, se mirent en relations avec la brigade Logerot
(GabĂšs) et rentrĂšrent Ă Gafsa le 29 5.
Pendant ce temps, la colonne Jacob, partie d'Algérie, occu-
I. Le Tempif, 20 et :i6 juillet 1881.
i. Le Temps, l iioût, 7 et II septoiiibrc 1881 ; '28 soptoiiibre 1881, lottro do Sousso
flatéc (lu 18.
3. Le Temps, 5 octobre 1881, dÎpt^che de Tunis datée du V\
1. L'expĂ©diiion de Tunisie, p. 9U. â La Tiniiniey p. HTi. â La Tunisie fixe au
10 novembre le départ de Kairouan.
5. L'expédition de Ttoiisif*, p. ß»2-9l. La Ttttiisie, p. !{15.
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214 L\ (;AFSA ANCIENNfc: KT MODERNt:.
pait Tamcg-hza le 20, rejoignait Ă Gafsa la brigade Forgemol
et la colonne Le Noble, venue du sud, occupait Nefta le 24,
Tozeur le 27, désarmait le Djerid et rentrait à Debila le 1" dé-
cembre ^
Rassuré par la tranquillité du pays, le général Saossier se
retira le 4 décembre avec la colonne Forgemol, laissant à Gafsa,
dont il appréciait Fimportance stratégique, k bataillons d'in-
fanterie, 2 escadrons de cavalerie et 2 sections d'artillerie,
sous les ordres du colonel Jacob qui reçut la mission délicate
de « contenir les rebelles au delĂ des cbotls et de les empĂȘ-
cher de revenir dans leurs terrains de labour jusqu'Ă ce qu'ils
eussent fait leur soumission ». L'effet de ce déploiement de
forces et de ces instructions fut presque immédiat : à la fin de
décembre les principales tribus avaient demandé Faman^.
Le 28 janvier 1882, le général Philebert reçut à Djilma l'or-
dre de venir relever la garnison de (iafsa avec la moitié de sa
brigade 'K 11 envoya en avant-garde, le 5 février, un bataillon
avec son artillerie, ses bagages et ses bĂȘtes de somme *, et
partit lui-mĂȘme le 8 avec 3 bataillons d'infanterie et 2 esca-
drons de cavalerie, laissant Ă Djilma le lieutenant-colonel
Freyermuth avec une réserve de 3 bataillons '». Le 14, il fit son
entrée à Gafsa et fut reçu par le colonel Jacob et les autorités
indigĂšnes *âą.
tt Cette réception, écrit avec enthousiasme le général Phile-
bert, eut un éclat considérable. On en parla longtemps dans
les tribus, et elle eut une influence plus grande qu'on ne se le
figure sur Fobéissance, la soumission et le respect des indi-
gÚnes. C'est un vrai sultan qui est entré à Gafsa, disaient les
1. UexpĂšdiCwndc Tuniaie, p. 1)1. Jm TKnisie^ p. ;U5.
â Jk lyxpĂ©dilum de Tunisie, p. ĂU.
-», liéiiéral Philebekt, L<i sixif'me hviijndf eu Tunisie^ p. ßK).
L \iV (le li^no. ITt^ hommos, lir» rliovaiix, :KM> imilots, Xi() chamoaiix, 4 ca-
nons, l.'i voitures, 2.') arabas.
Tk 01- ot IKr (le ligne, 27" cliass(nii's Ă pied, - 0' liussanls. l.ĂŽ<X) hommes,
ny clievaux, 112 muleU, lOG chameaux, â 1.900 hommes de rĂ©serve.
0. i&.yibid., p. 109-112.
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histoire: MILITAlRt:. 215
bédouins; ou lui a rendu autant d'honneurs que si le Bey lui-
mĂȘme Ă©tait venu. Et il connaĂźt nos usages, c'est lui-mĂȘme qui
a réglé lesTzagritsdes femmes, la place des drapeaux, les jeux
dos cavaliers, des hommes Ă pied. 11 a fait la part des Arabes,
des Geldia (gens de la ville), des juifs, etc. Personne n'a pu s'y
soustraire, ni les ordres religieux, ni le cadi; il a exigé de tous
hommages et manifestations respectueuses. Il a lui-mĂȘme pen-
dant son entrée, sur sa jument noire qui aime la poudre, rec-
tifié, approuvé ou blùmé dans notre langue, et tout le monde
le comprenait et obéissait en silence. Et ses soldats, dans quel
ordre ils sont entrés! Ils ne faisaient qu'un avec lui. Avec
quelle facilité il se faisait comprendre! Sans aucune peine il
paßt cette foule d'hommes, tous récoutent et comprennent ses
moindres signes. Et les vieux répétaient en branlant leur
tĂȘte blanchie : Oui, mes enfants le roumi est un chef, et pre-
nez garde, il faudra obéir *. »
Le général Philebert était un nouveau Marius, mais pacifique
et libérateur.
Il se mit en rapport avec la population de Gafsaet s'efforça
tout d'abord de s'assurer définitivement sa fidélité. Il y avait
à Gafsa une compagnie de l'armée beylicale; son capitaine
Si Hassetn el-Longo était dévoué à la cause française, mais ses
hommes lui faisaient une opposition d'autant plus dangereuse
qu' « une partie de la population » de Gafsa nous était hostile;
le centre de la résistance était dans les zaouias des Rahmania
et des Kadrïa ^ ; le caïd, homme « fort important, faisait
partie du çof uni aux llammama révoltés ».
1. <iém*ral Puii.ebeut, oji. cil., p. ll:Ml I.
2, La secte des Kadrïa, fondée au xr siÚcle à Hagdad par Si Ahd el-Kador
ol-Djilani, trÚs puissante au Soudan (le nialidi), compte de nombreux adhérents
à Xefta. au Djerid et à Tamerza sous l'autorité de leur marabout de Nefta.
La secte des Rahmania, fondée à la (indu xui" siÚcle, est trÚs puissante dans
la Djurdjura et Ă Xefta; ces deux sectes sont trĂšs ardentes. Cependant les ?ens
de Gafsa ont la rĂ©putation d'ĂȘtre de mauvais musulmans. Cf. supra, p. 81
et Ă«9. DrvEYRiER, La Tunisie, p. :W et 39. Folknek, La Tunisie. â La Tunisie,
p. 89. â Blanc, op. cil.j p. 10. â Dt Patv de Clam, Ătude sur le Djerid,
p. 312.
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21(5 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Le gĂ©nĂ©ral Phileberl fit arrĂȘter 10 de ces soldats, leur tint
un langage Ă©nergique qui fit impression sur le peuple et les
envoya en exil au delĂ des chotts *.
Puis il prit des mesures uliles Ă la dignitĂ©, au bien-ĂȘtre et
à la sûreté de ses officiers et de ses troupes. Il fit aménager
la Kasbah, le Dar el-Bey, logea son Ă©tat-major dans la maison
fortifiée et entourée de jardins du Caïd des Hammama, amé-
liora les campements de ses hommes aux postes 1 et 3, et les
locaux sanitaires *.
Le ravitaillement de la garnison se faisait depuis le début
de Toccupation par la route de Fériana et TAlgérie; il mettait
en mouvement 2.000 chameaux par mois et coûtait trÚs cher
à rintendance : les indigÚnes dont les animaux étaient réqui-
sitionnés se plaignaient et Torge revenait à 12 francs le sac,
plus 20 francs de transport par sac. Le général et Tintendant
militaire Garrig se déclarÚrent acheteurs, sur le marché de
Gafsa, Ă 25 francs le sac de toute Torge qu'on leur offrirait;
les indigÚnes demandaient 30 francs; ils résistÚrent quelques
jours, puis une foule considérable vint de tout le pays vendre
sa récolte et ses réserves au prix offert et le ravitaillement des
troupes en grains fut assuré 3.
Des corvées approvisionnÚrent la garnison en bois coupé
dans les maquis des plaines et des montagnes gafsiennes^. Un
service de convois réguliers s'établit peu à peu avec GabÚs
pour ravitailler en Ă©quipements et en habits les troupes dont
les effets de drap étaient usés par huit mois de campagne'^.
L i»ĂȘn(''ral Piiilkkekt, (tp.cil., j). 11(3-117.
^. TrĂ©nĂ©ral Piiii.edkht, op. cil., p. I19-I2:{. â Cependant malgrĂ© ses efforts la
ilipjjli-rie se répandit dans la garnison : « Il ne se passait pas de jour sans
l'ulfi'i* Ă rhĂŽpital et sortie pour le cimetiĂšre -, c^crit le sergent-major CĂ©alis
ilu balaillon Pédoya (18'), arrivé le IGjuin 1882 à Ciafsa; les ophtalmies étaient
frĂ©quentes ; il y eut Ă l'hĂŽpital jusqu'Ă 3(K) malades surĂźi.UĂ) hommes et l'on
<hil détacher à Lalla une i)artie des troupes. Ckai.is, /V Somse à Oafsa, p. ir>l,
KĂźi, m.
'S. r;énéral Philereut, op. rii., p. 120-127.
L Supra, p. 3<».
&, riénéral Philereut. ap. cil., p. 1*21»-131. Enlin, comme les envois d'argent
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HISTOIRE MILITAIRE. 217
Cependant une certaine effervescence rĂ©gnait daas le pays Ă
la suite des événements d'Egypte; le sultan, disait-on, devait
envahir le sud de la Tunisie avec une armée; des dissidents
Fraichich et Hammama, ayant passé le chott, parurent entre To-
zeur et Nefta. Le général Philebert prit des mesures en consé-
quence : le 27* chasseurs fut envoyé à Fcriana pour escorter
un convoi de 2.000 chameaux ^ Puis, pour Ă©toigner les dissi-
dents et punir les gens de Sened et Hadjourah qui leur
fournissaient des vivres et leur donnaient un asile et une base
d'opérations vers le nord, trois colonnes légÚres furent formées
en mars 1883 : Tune^, partie de Djilma, devait atteindre Ha-
djourah le 18 par Bir Safia et TOglat Sidi H'hamet; les deux
autres devaient se réunir à Sened le 18, Tune^ en passant par
El-Guettar et les Oulad Bou Saad, Tautre en passant par TOuni
el-Alleg. L'expédition devait se terminer par Tassaut de Mech
et la traversée du bled Thala^. C'était presque une nouvelle
marche de MĂ©tellus sur Thala.
Au moment du départ, le général Philebert reçut l'ordre
d'envahir en masse le Nefzaoua. H appela à la hùte la réserve
du colonel Freyermuth campée à Djilma, laissa à Gafsa un ba-
taillon qui s'y fortifia, et se dirigea vers le chott Djerid par Bir
Marbot et le bled Segui. 11 fit habiller les hommes en bourge-
ron, Ă cause de la chaleur, et, comme on manquait de cha-
meaux pour les transports, il réquisitionna des ùnes dont la
subissaient des retards, le général fut autoris<s sur sa demande, par M. de
Piennes et la commission financiĂšre, Ă faire percevoir les impĂŽts parle payeur
do la garnison qui délivra aux caïds des mandats sur le payeur général de Tu-
nis, acceptés comme argent par la commission : il évita ainsi les tranùporU
perpétuels de fonds en espÚces entre Gafsa et Tunis, allégea d'autant le ser-
vice des convois et des escortes et réduisit encore les frais d'occupation par
cette nouvelle et ingénieuse combinaison.
Général Phu^ebert, op. cit., p. 127-128.
1. Général Philebert, o/>. cil,y p. 131-135.
2. Sous les ordres du commandant Forget (3 compagnies du 33" de ligne»
2 pelotons de hussards, 30 goumiers).
3. Sous les ordres du commandant Malaper (3 compagnies du 27* de chasseurs*
1 peloton de hussards. â 1 compagnie du 27% l peloton hussards, goumicrĂŻa).
4. Général Philebert, op. cit., p. 136-137.
L\ C\FSA ANCIENNE. 15
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218 LA GAFSA ANCIEiNiNE ET MODERNE.
docilité et rcndnrance facililÚrenl la marche de sa brigade*.
A son retour du Nefzaoua, le gĂ©nĂ©ral laissa un bataillon Ă
Seftimi pour surveiller les routes du chott et protéger, comme
les anciens castella romains du Cherb et du Nefzaoua, la route
de GabÚs à Gafsa et le sud de la ByzacÚne. Il créa un poste
permanent Ă El-AyaĂŻcha, afin d'y Ă©tablir noire domination
d'une façon définitive; et, peu de. temps aprÚs, ce poste fut
transféré à El-Harey, non loin de l'ancien poste romain de
Thasarte (Bir Zelloudja). Il fit construire Ă El-Guettar une
redoute oĂč il laissa un bataillon d'infanterie, et Ă©leva Ă Gour-
bata sur remplacement de l'ancienne ThigĂšs un grand bordj
qui fut occupé par un bataillon d'infanterie. Le capitaine
Déporter fut détaché à Tozeur 2. Le reste de la brigade fut
concentré à Gafsa.
La piste « carrossable » de GabÚs à Gafsa, aménagée à cette
époque, suit, aprÚs Oudref, le tracé de l'ancienne voie romaine
de Tacape, et ses gĂźtes d'Ă©tapes coĂŻncidaient presque avec les
anciens postes romains, Ă©tablis jadis aux mĂȘmes points d'eau
ou autour de puits peu éloignés, aujourd'hui comblés :
GabĂšs (ancienne Tacape) .
Oudref 47 kilomĂštres.
Oglet Fedjej (Ă 10 kilomĂštres de Tan-
cienne Silesua) 2i -
Wehamla 31 â
Zelloudja (ancienne Tharsale) 10 â
bir Marbot (ancienne Veresuos) 22 â
El-Gueltar 18 â
Gafsa 19 â
Ul kilomĂštres 3.
Plus tard un poste de douaniers fut installé sur l'emplace-
ment des ruines de Ras el-ĂĂŻoun, puis de la ville de l'Oum el-
Ksob oĂč il existe encore ^.
1. n. nHĂLEBEKT, op. cil.. p. 137, 138 ct sq.
'2- (i. PiĂźiLEBKRT, Op. cU., j). '201) ct SQ. Caonat ot Saladix, o/>. Cit., Touv du
AhmiU\ iw^s 11, p. lĂźK>.
3. lUïßéf fifres miliiahrs, p. 107.
4. In'J.imk'nr tunisicnj VJOĂŽ, p. KK).
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HISTOIRE MILITAIRE. 219
Ăiosi les gĂ©nĂ©raux français se trouvant aux prises avec les
mĂȘmes difficultĂ©s que les Romains dix-neuf siĂšcles auparavant,
furent obligés de prendre des mesures militaires presque
semblables : les nécessités géographiques du pays les y con-
traignirent.
GrĂące Ă cet ensemble de mesures militaires, la paix et la
sécurité furent rétablies dans le pays de Gafsa. Peu à peu les
populations s'accoutumÚrent à notre présence et en comprirent
les avantages : Tintégrité et Ténergie des caïds, le rétablis-
sement de la justice dans la perception des impĂŽts, la diminu-
tion des taxes, la création du contrÎle civil qui permit à l'ad-
ministration du protectorat de surveiller le pays sans blesser
les habitudes ni porter atteinte aux institutions locales et aux
croyances des habitants, contribuĂšrent Ă rassurer les indigĂšnes^
La création des tribunaux régionaux leur fournit une justice
à la fois rapide et entourée de toutes les garanties 2. La situa-
tion du pays est aujourd'hui satisfaisante. La diminution du
nombre des affaires civiles et pénales jugées chaque année
en est la meilleure preuve ^,
1. Indicateur tunisien. Conférences sur les administrations tunisiennes.
2. En Tunisie les questions de statut personnel et les questions immobiliĂšres
sont jugées par le tribunal religieux du Chara pour les musulmans, par le
tribunal rabbinique pour les Israélites. Avant le décret du 18 mars 1896 les
afTaires civiles et pĂ©nales Ă©taient toutes soumises Ă la juridiction du Bcy Ă
Tunis (tribunal deTOuzara); l'expédition des affaires était trÚs lente. Les tri-
bunaux régionaux créés pour remédiera cette situation sont composés de trois
juges; les jugements sont rendus en public et doivent ĂȘtre motivĂ©s. Les jus-
ticiables ont le droit d'appel auprĂšs du tribunal de TOuzara dans un grand
nombre d'affaires. Le tribunal de TOuzara, outre les appels, ne connaĂźt plus
que lesaffaires personnelles et mobiliĂšres au-dessus de 1.200 francs et les crimes.
Indicateur tunisien, p. 102 et sq. Rapport au Président de la République,
1896, p. 40-41.
3. Le mouvement des affaires civiles entrées au tribunal de Gafsa est passé
de 1.338 affaires en 1899 à 825 en 1905; le mouvement des affaires pénales de
1.060 Ă 781 en lOai et 1.125 (chiffre exceptionnel) en 1905; le nombre des appels
est infime.
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220 LA GAFSA ANCIENNE ET MODERNE.
Le souci de leurs cultures, de leur Ă©levage, de leurs industries
remporte chez les indigÚnes sur toute autre préoccupation.
GrĂące Ă cette situation, le nombre des caldats a pu ĂȘtre ramenĂ©
Ă trois *, la garnison de Gafsa a pu ĂȘtre progressivement
réduite : aujourd'hui quelques gendarmes, quelques cavaliers
du contrĂŽle civil, ^quelques cavaliers de Toudjak^, quelques
spahis sufQsent Ă assurer dans Toasis et dans le pays de Gafsa le
rÚgne de la paix française ^.
Rapports au Président de la République, liX>3, p. 460 et sq. ; lO'^l p. 5iß) et sq. ;
1ĂK>5, p. ĂAO et sq.
1. CaĂŻdats de Ciafsa, de Tozcur, des Ilatnmama. Indicateur tunisien, 10(l5,
p. m et sq.; Rapport au Président, 18ß)7, p. 98. R. Tun., 1896, p. 445.
x\ Cavaliers au service des caĂŻds.
',). Une compagnie de discipline tient (Ă©galement garnison Ă Gafsa. La Tunisie,
p. l-^.). Indicateur tunisien, p. 405. A la suite de rixes sanglantes et mortelles
qui eurent lieu Ă Motlaoui, entre les ouvriers de la compagnie des phosphates,
en ißK)7, le gouvernemont tunisien songea à rétablir une garnison à Gafsa. A
la fin de juin dernier le gouvernement français envoya à Gafsa les 000 soldats
du 17« régiment d'infanterie qui s'étaient mutinés à Agde et à Béziers pen-
dant les troul>les qui accompagnĂšrent dans le midi la crise viticole. Mais ces
intentions et ces mesures n'étaient nullement nécessaires pour assurer la tran-
quillité des populations agricoles, nomades et sédentaii^es, de Gafsa et du sud
de la Tunisie.
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BIBLIOGRAPHIE
ABRiVIATIONS.
Afas. = Comptes rendus do l'Association française pour l'Avancemonl il^^s
Sciences.
Anthrop. = L'Anthropologie.
Arch. Miss. ic. et lill. = Achives des Missions scientifiques et littéraiies.
Bull. arch. Comm. tr. hisl. et se. = Bulletin archéologique du Comité iWu ira-
vaux historiques et scientifiques.
Hull. dir. agr. el comm. = Bulletin de la direction de TAgriculture et du Com-
merce de la régence de Tunis.
C. R. Ac. S. = Comptes rendus de l'Académie des Sciences.
R. GĂ©ogr. = Revue de GĂ©ographie.
R. GĂ©ogr. comm. = Revue de GĂ©ographie Commerciale.
R. Se. = Revue Scientifique.
/?. Titn. = Revue de Tunis.
AUTEURS ANGISNS.
A. â Auteurs grecs.
1*> Appikn. â Romanarum hisloriarum quae supersunl, Paris, Firmiii^Didot,
18-10.
t* DiODORR DE Sicu.E. â BiOUolhecae historiae tjuae supersuut, PariĂź?, FlimĂźii-
Didot, 1812.
> iltRODOTE. â Risloires, trad. Giguet, 1 vol. in-18, Hachette, l8Ăź^3.
4" ScYLAX. â PĂ©riple, dans Geographia gracci Minores, Paris, Firmiu-mdoT,
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5* Strabon. â GĂ©ographie, Paris, Firmin-Didot, 185.*!.
B. â Auteurs latins.
1" Pline. â Histoire naturelle, Ă©dit. Panckoucke, Paris, 1829.
Z" PoMPONius MĂȘla. â GĂ©ographie, Ă©dit. Panckoucke, Paris, 1843.
3» Salluste.â La guerre de Jugurtha, Ă©dit. Xisard, Paris, Garnier, l8o<i.
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Slaiiïs)a4i GiJyard. 3 vol. in-4», Paris, Imprimerie Nationale, 1843-18-83.
2"^ Ei.'liĂKRi. â Descnplion de l'Afrique septentrionale, traduite de l'arabe par
5L Mac fïUDkin de Slane. 1 vol. in-12% Paris, Imprimerie Impériale, 1859.
i^ EL-Ei>ais[. â GĂ©ographie, traduite de l'arabe en français par M. AmĂ©di'C
Jaubert. 2 vol. in-4", Paris, Imprimerie Royale, 1836-10.
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Asiatique, H- série, t. XllI, 1842 11, p. 153-193, 209-258.
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fr' MojuitKKii Segmr BEN YoussKF DE Beja. â Soixante ans d'histoire de la Tu-
nisief ilOTi-ilsry. Traduction de MM. Victor Serres et Mohammed Lassan. /?.
Tun,. ĂM1&-II6-97-98-99.
7" ET-'nDj\Ni- â Voyage dans la rĂ©gence de Tunis, traduit par M. Alphonse
Rousseau- Journal Asiatique, 4* série, t. XX, 1852, II, p. 57-208; 5* série, 1. 1,
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PUBLICATIONS OFFICIELLES FRANĂAISES.
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TurĂ a, iujjfrimerie centi-ale.
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â StaiiiitĂźqiie gĂ©nĂ©rale de la Tunisie, 1881-92. 1 vol. grand in-8*, Tunis, Im-
(iriiiif^rie Rapide, 1803.
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230 BIBLIOGRAPHIE.
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118-125.
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TABLE DES GRAVURES
Pages.
Planche I. â I. Dans le Bled (zone pierreuse).
II. Pentes ravinées (massif du Seldja} 20
Planche II. â III. Dans le Bled Tarfaoui (zone des touffes) 30
Planche III. â IV. La vĂ©gĂ©tation dans les jardins de Gafsa.
V. La végétation dans la corbeille de Nefta 40
Planche IV. â VI. La vĂ©gĂ©tation Ă l'entrĂ©e de Toasis d'El Hamma.
VII. La végétation dans la palmeraie deTozeur. . . 54
Planche V. â VIII. Un barrage dans Toasis 80
Planche VI. â IX. Le retour des jardins 94
Planche VII. â X. Moutons.
XI. Douar nomade à rentrée d'une olivette 100
Planche VIII. â XII. Pileuse gafsienne 110
Planche IX. - XIII-XIV. Le marché 124
Planche X. â XV. Types de femmes et d'enfants nomades dans
un douar (environs de Gafsa) 171
Planche XI. â XVI-XVII. BĆufs et chameau au labour dans une
olivette 220
LA CAI'SA ANCIEN» E. 16
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TABLE DES MATIĂRES
CHAPITRE PREMIER
GĂOGRAPHIE PHTSIOUE
Position de l'oasis de Gafsa. â GĂ©ologie de la rĂ©gion Ă©tudiĂ©e. â ChaĂźnes
secondaires, terrains tertiaires, phosphates, plaines quaternaires.
Orographie. -^ SystĂšme orographique gĂ©nĂ©ral du sud de la Tunisie. â
Chaßnes et plaines fermées.
Les vents. â Le vent du nord-est et les vents de mer. â Les vents de
terre. â Leur rĂ©gime. â Les pluies : moyennes annuelles, moyennes
par .saisons. â IrrĂ©gularitĂ© du rĂ©gime, maxima et minima. â Le
nombre des jours de pluie et la forme de prĂ©cipitation de Teau. â RĂ©-
partition topographique des pluies. â Le siroco.
Hydrographie. â Le ruissellement et TĂ©rosion. â L'infiltration et TĂ©va-
poration. â DĂ©bit temporaire des oueds. â Chotts et sebkhas. â Ma-
rĂ©cages, sources, affleurements, redirs, daĂŻas. â RĂ©partition et dĂ©bit
des sources. â Nature de Teau, les eaux thermales.
Moyenne annuelle et moyenne par saison de la tempĂ©rature. â Ăcarts,
maxima et minima. ~ Influence du climat sur le sol.
lA Flore. â Influence du climat sur la vĂ©gĂ©tation. â Influence delĂ com-
position du sol et de la chute des pluies. â RĂ©partition de la vĂ©gĂ©tation,
spéciÚs différents.
La Faune sauvage et la Faune domestique. â L'homme : l'indigĂšne et
l'Européen.
GĂ©ographie comparĂ©e. â Le systĂšme hydrographique du Triton : lĂ©gende
etgĂ©ographie. â La flore et la faune susceptibles d'exister dans le sud
de la Tunisie. â L'olivette romaine et le parcours arabe 11
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236 TABLE DES MATIĂRES.
CHAPITRE II
HISTOIRE ĂGONOMiaUE
Capsa avant l'arrivĂ©e de Mari us. â Capsa Ă rarrivĂ©e de Marius (107 av.
J.-C).
I/utilisation du pays Ă l'Ă©poque do la domination romaine. â L'alimen-
tation en eau de l'oasis et de la ville de Capsa.
Dans le bled : les travaux romains de préservation contre le^ eaux de
pluie, les réserves d'eau ; leur répartition topographique, les conditions
gĂ©ographiques de formation des groupes agricoles, les henchirs. â Les
cultures d'irrigation et les cultures de terre sĂšche. â Les nomades. â
Influence du travail humain et des cultures sur le climat et le régime
des eaux. â Les industries locales : les poteries. â Le commerce. â
La prospĂ©ritĂ© de Capsa. â Los monuments, les maisons particuliĂšres,
les tombeaux.
Gafsasous la domination vandale et byzantine. â Diminution de l'Ă©ten-
due cultivĂ©e, progrĂšs du noniadismo. â Gafsa sous la domination arabe
du x« au XIV siĂšcle, d'aprĂšs les gĂ©ographes arabes. â ProspĂ©ritĂ© de
l'oasis jusqu'au xu* siĂšcle : les cultures, leur superficie, leur nature. â
Les villages voisins de Kafsa. â L'approvisionnement de Kairouan, le
marchĂ© aux pistaches. â Le tissage. â DĂ©cadence de Kafsa aprĂšs le
xn« siĂšcle. â ProgrĂšs de l'insĂ©curitĂ© et de l'anarchie. â Les guerres. â
Les nomades. â Kafsa sous l'occupation turque du xvr au xu* siĂšcle. 55
CHAPITRE IIĂ
GĂOGRAPHIE ĂGONOBOQUE
L'oasis.
L'ensablomont, l'irrigation .
Les (Miltures alimentaires : le palmier, les arbres fruitiers, les légumes,
les cĂ©rĂ©ales. â La main-d'Ćuvre, les progrĂšs de la culture.
Les oliviers, l'huile.
Le bled.
Le nomadisme : l'Ă©levage, le mouton et la chĂšvre, les pĂąturages, les cul-
tures de cĂ©rĂ©ales. â L^autonomie Ă©conomique de la rĂ©gion et le marchĂ©
de Oafsa. â AmĂ©lioration de la race ovine, les points d'eau.
Le centre de Maknassy : la culture industrielle de l'olivier, le capital et la
niiiin-d'Ćuvro. â Les Ă©tendues cultivables. â Los travaux hydrauli-
ques. â L'olivette et le parcours nomade.
L'exploitation de l'alfa.
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TABLE DES MATIĂRES. 237
I^s induslrios locales : la tannerie, la poterie. â La filature et lo tissage
de la laine, matiĂšre premiĂšre, main-d'ĆuvTe, procĂ©dĂ©s, .produits et
débouchés.
Les moyens de communication, les pistes, le chemin de fer.
Les propre» du commerce (exportation et importation) et l'autonomie
économique de la région de Gafsa 85
CHAPITRE IV
L'EXPLOITATION DES PHOSPHATES. - LE CHEMIN DE FER
La dĂ©couverte des gisements. â La convention du 15 aoĂ»t 18U6. â La
Compagnie des Phosphates et du chemin de fer de Gafsa. â Le che-
min de fer, construction et exploitation. â L'exploitation des gise-
ments du Seidja (Lousif, Jaatcha, Metlaoui). â I^s gisements du Re-
deyeff. â La concession d'AĂŻn MoularĂ©s 1*25
APPENDICE
LA POPULATION.
Les stations paléolithiques de Gafsa.
Les habitants primitifs : le type dolichocéphale du Djerid à Gafsa, son
origine. â Le type dolichocĂ©phale de la Medjerda Ă Lalla, son ori-
gine. â Les mĂ©tis, le type biachycĂ©phale de Gerba, son origine.
Acclimatement, unions, résistance ethnique de ces types primitifs ber-
bĂšres. â Fond de la population gafsienne. â Absorption des Ă©lĂ©ments
Ă©trangers. â Intelligence des intĂ©rĂȘts.
Migrations de populations orientales et expéditions pharaoniques dans
le sud de la Tunisie. â L'occupation de Nefta, de Gafsa. â L'hercule
libyen. â Les peuples de la mer et les PhĂ©niciens Ă Gafsa. â Carac-
tĂšres de l'occupation romaine, origine africaine des cultivateurs de la
ByzacĂšne et des Capsitains. -â Les Vandales, les Byzantins. â Les
uttes religieuses et la vie locale.
L'invasion arabe, les Hammama. â La religion musulmane et les vieilles
coutumes : les tombes, la cynophagie. Nomades et sédentaires, ouvriers
de Metlaoui. â Les Turcs, les Juifs, les Italiens, les Français.
Statistique U7
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238 TABLE DES MATIĂRES.
II
GĂOGRAPHIE ET HISTOIRE MILITAIRES ET POUnaUES
Importance stratĂ©giquo et politique de Gafsa. â Occupation de Kaphsa
par les Ăgyptiens et les Carthaginois. â Capsa trĂ©sor de Jugurtha. â
Occupation de Thala par MĂ©tellus, marche de Mari us sur Capsa.
Capsa sous l'empire romain. â ExpĂ©ditions contre les GĂ©tules, insurrec-
tion de Tacfarinas. â La voie romaine de The veste Ă Tacape par Capsa
et le systĂšme de dĂ©fense du sud de la Tunisie au i*' siĂšcle. â Le sys-
tÚme de défense au ii* siÚcßo, la voie de Theveste à Tacape par le Djerid,
les voies secondaires. â L'autonomie communale de Capsa et des citĂ©s
voisines, leurs limites. â Les nomades. â Le culte deTempereur et la
âą< paix romaine âą. â L'invasion vandale et l'occupation byzantine.
La premiĂšre invasion arabe, prise de Kafsa. â Le gouvernement de
Kafsa. â La deuxiĂšme invasion, la dynastie gafsienne des Rend, les
Ab:*d, l'agitation politique jusqu'Ă l'occupation turque. â Vie locale et
gouvernement central, siÚges successifs de Kafsa, procédés de guerre,
destruction des palmiers.
L'occupation turque et Tinsécuritc jusqu'à l'occupation française.
L'occupation française et - la paix française ⹠177
III
Bibliographie 221
Table des gravures . . / 233
Vu ET ADMIS A SOUTEIIANCB,
le 14 mai 1907.
Le Doyen de la Faculté des Lettres
de VUniversité de Paris,
A. GROISET.
Vu ET PERMIS d'imprimer,
le Vice- Recteur de l'Académie de Paris,
L. LIARD.
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